Bourlier - Tome I

Bourlier (Louis), né à Avénières en 1764, a traduit en vers la Jérusalem délivrée. Sa vocation poétique datait de sa jeunesse, dit-il en rappelant qu'il avait obtenu un premier prix de vers latins. Il étudia sans doute l'italien de bonne heure, car, à vingt-deux ans, il entrait à Paris dans une maison de commerce italienne. Ses infortunes commencent avec le règne de la Terreur. Au mois de septembre 1793, il se fait emprisonner en allant réclamer un certificat de civisme pour son patron, qui, voulant rentrer dans son pays natal, avait lui-même été arrêté à Dôle. Il s'évade, au mois de février, avec un Vénitien de la prison de Port-Libre, l'ancien Port-Royal, où « les fermiers généraux et généreux » ses co-détenus avaient pourvu à tous ses besoins ; se fait reprendre et réintègre les cachots de Port-Libre, d'où M. Dupontet, médecin et prisonnier, le fait transférer « dans une maison de santé de la rue de la Folie-Renaud. » « Là, dit Bourlier, je me trouvai comme le poisson dans l'eau. Les riches et honorables personnages qui étaient là aussi pour se faire traiter de maladies qu'ils n'avaient pas, subvenaient à toutes les dépenses ». Les pensionnaires qu'il cite sont la princesse Lubomirska, Magon de la Balue, le marquis de Travault. De cet Eldorado, il tombe dans l'enfer de Sainte-Pélagie, où la distraction des détenus était d'aller voir à travers les barreaux de fer d'une lucarne les comédiennes Lange, Contat et Mézerai. Par une belle nuit de printemps, continue Louis Bourlier, et cette remarque prouve que son séjour avait été court dans les deux précédentes prisons, il est enlevé de Sainte-Pélagie et conduit au palais du Luxembourg, où les prisonniers, parmi lesquels il distingue les princesses d'Orléans, le maréchal Mouchi, le duc de Gesvres, le prieur des Chartreux, l'amiral Sercey, sont bientôt au nombre de neuf cents. Cent cinquante sont tirés de là dans une seule nuit pour être envoyés à la guillotine. Le 9 thermidor sauva les autres. La mise en liberté de Bourlier fut signée le 5 fructidor an II (22 août 1794).

C'est dans sa prison qu'il avait commencé sa traduction du Tasse. Rendu à la liberté et absorbé tout entier par les occupations arides d'une double fonction, il la laissa dormir, jusqu'à ce que, déchargé de l'un de ses emplois, il ait pu la reprendre. Il l'achevait au moment de l'entrée des alliés à Paris. L'emploi du poète l'attachait à la ferme des jeux, que la loi de finances de 1837 supprima (17 juin-11 juillet 1836). Le malheureux employé fut privé par là de toutes ressources et un ordre du jour du 28 avril 1838 lui enleva comme à tous ses collègues l'espoir même d'une indemnité. Dans ces tristes circonstances, Louis Bourlier, qui avait revu et repoli sa traduction pendant trente ans, se décida à « la lancer dans le monde, sans appui, sans protecteurs, sans prôneurs, comme un enfant perdu », dernière espérance de son père. Le volume in-12 de XIV-335 p., plus 2 ff. pour des pièces détachées et les errata, imprimé par Guiraudet et Jouaust, fut mis en vente au prix de 5 francs, chez l'auteur, rue d'Amboise ; il a pour titre : Jérusalem délivrée, traduction nouvelle en vers français, strophe pour strophe, pas un vers de plus, pas un vers de moins, par Louis Bourlier, de Laval. Un si long labeur peut être méritoire. En lisant les vers qui en sont le fruit, vers laborieux, de facture classique, mais nécessairement ternes et qui sentent la gêne, on ne peut se dispenser de remarquer qu'il y aurait plus de la poésie originale dans une bonne traduction en prose et que la lecture en serait plus agréable à qui ne peut lire le Tasse en italien. J'ignore la date et le lieu de la mort de Louis Bourlier.

== (Jean-Baptiste), né en 1733, à Avénières, de Louis B. et de Marie Garry, tonsuré au Mans le 25 mars 1757, peut être l'oncle du précédent. Il fut déporté à Jersey, le 8 octobre 1792. Son signalement est sur les registres de Granville : « cheveux et sourcils gris, yeux bleus, nez moyen, bouche moyenne, menton rond, front découvert, visage ovale, taille 5 pieds ». Il est mort prêtre habitué à Avénières, en 1818.

Cab. L. Garnier. — Reg. de l'hôtel de ville de Laval, D/1 B.