Bureau (Pierre) - Tome I

Bureau (Pierre), curé de la Trinité de Laval, né à Dreux, reçu docteur de Sorbonne le 28 janvier 1671, fut précepteur de Michel de Chamillard, le futur ministre secrétaire d'état de Louis XIV, qui n'oublia jamais son ancien maître et ne lui ménagea pas sa protection. Il jouissait à Paris de la réputation d'un docteur « de grande piété et d'un mérite singulier… Mgr de Paris, écrit l'évêque du Mans, s'en servoit pour tenir les conférences de la campagne dans son diocèse et pour examiner et approuver les prêtres pour la confession. Il est regardé dans la Sorbonne comme un des plus zélés de la bonne doctrine. » Pourvu, au mois de décembre 1674, de l'une des deux portions de la cure de la Trinité vacante depuis dix-huit mois, Pierre Bureau eut un ministère des plus orageux. Dès l'année suivante il songea à se retirer et obtint la cure de Forcé, qu'il permuta, le 8 juillet 1676, pour la chapelle de la Crosnerie desservie dans l'église d'Épineu-le-Séguin. Il rentra alors, s'il en sortit jamais, dans sa moitié de cure de la Trinité, bien résolu à faire cesser une dualité qui n'était pas sans inconvénients. Son collègue était Joseph Pouteau, homme de talent lui aussi. La lutte s'engagea, plus vive que jamais, entre les deux curés. Pour ménager une transaction, M. Bureau se fit pourvoir de la cure d'Ahuillé et la céda à son collègue, le 14 novembre 1687, en échange de sa portion de la cure commune. Demeuré seul pour gouverner cette église, il entreprit de mettre fin aux prétentions du chapitre de Saint-Tugal, qui s'arrogeait le premier rang dans les processions et s'attribuait la juridiction sur tous les militaires et les nobles de la ville en quelque quartier qu'ils demeurassent. On vit alors des choses étranges, le clergé paroissial et le chapitre revendiquant des droits sur les corps des mêmes défunts, des malades se faisant transporter dans une maison étrangère pour s'assurer une sépulture de leur choix. Un décret du 20 juillet 1692 mit fin à ces débats scandaleux et donna aux paroissiens litigieux le droit d'opter. Restait la question des préséances, que le curé de la Trinité attaqua avec sa fougue habituelle sans obtenir de solution définitive. Il mit la même ardeur à conserver les droits de sa charge vis-à-vis de ses paroissiens et surtout des procureurs-marguilliers dont les prétentions étaient quelquefois exorbitantes. Il y eut de ce côté encore des scènes fort vives. Un exemple entre autres. Il était d'usage de dresser dans l'église, le Jeudi-Saint, un autel splendidement orné, avec étalage non seulement de tous les vases sacrés, mais aussi des plus précieux objets d'orfèvrerie que possédaient les riches bourgeois, « flambeaux, aiguières, pots et autres vases d'argent… Il y en avait quelque fois pour 20 000  ». Le Jeudi-Saint, 24 mars 1701, M. Martin, procureur-marguillier, avait confié le soin délicat de préparer le reposoir aux Dlles Le Clerc, filles de l'ancien procureur du roi. Dès le matin, M. Bureau, contrarié de cette ingérence des laïques, vint visiter les travailleuses et déclara « avec grande clameur » qu'il n'apporterait point le Saint-Sacrement qu'on n'eût enlevé des pots de fleurs et des caisses d'orangers qui l'offusquaient. Le soir, à 8 heures, le curé admonesta publiquement plusieurs personnes, « femmes et filles dévotes des premières familles de la ville qui étoient en oraison devant le Saint-Sacrement, leur enjoignit de sortir et se permit même d'en prendre quelques-unes par leur habit. Le procureur-marguillier averti accourut sur-le-champ pour visiter l'église, comme c'était son droit, heurta quelque peu le pasteur, qui voulait lui barrer le passage et qui s'écria : « Vous m'avez battu ; vous êtes excommunié ». — D'autres adversaires accusaient M. Bureau de favoriser les Jansénistes. Il se maintenait cependant dans sa cure grâce à ses incontestables talents et à la protection de son puissant élève. Même au milieu des luttes les plus vives, le ministre d'État, assuré des bonnes intentions de son ancien précepteur, n'hésitait pas à le couvrir et répondait aux plaintes qui affluaient par l'intermédiaire de l'intendant « que ses ennemis ne pouvaient être que des ennemis de mauvaise foi. » Quelque peu découragé cependant, M. Bureau rappela au ministre la promesse qu'il lui avait faite de lui procurer une abbaye, dont le revenu lui permit de se retirer au séminaire de Saint-Nicolas du Chardonnet (7 août 1707). Chamillard l'apostilla de ces mots : « M'en faire souvenir demain » ; puis il rédigea lui-même le brouillon d'une pétition adressée au P. La Chaise pour profiter de la distribution des bénéfices qui se faisait à l'Assomption. Ce projet n'aboutit point malgré la chaude recommandation du ministre. M. Bureau lui écrivit de nouveau, le 18 octobre de la même année, pour le remercier « des cinq cents prises contre la dissenterie » qu'il lui avait envoyées par l'intendant de Tours. « Les remèdes que j'ai distribués, dit-il, ont presque fait cesser le mal. Sans parler des autres paroisses, le nombre de quinze ou seize par jour qui mouraient dans la mienne est réduit à un ou deux, et quelques jours il n'y en a point. Vous savez que j'ai plus de 1 200 communiants, et plus de 400 pauvres malades n'ont manqué de rien pour leur soulagement. — J'espère que M. le marquis, votre fils, sera une pierre bien solide de votre maison, par sa vigilance et son application à suivre vos avis et à marcher sur vos pas. M. le duc de Chevreuse m'a fait l'honneur de m'écrire pour me demander ma cure, m'assurant que vous aviez la bonté de me procurer une abbaye. J'ai eu l'honneur de lui faire réponse que vous étiez le maître de mon sort, que j'obéirai à ce qu'il vous plaira de m'ordonner, qu'il faut pour cette cure à Mgr l'évesque du Mans, un homme à qui il puisse confier la direction d'un grand païs, qui est bien éloigné de la ville du Mans et par un chemin impraticable huit mois de l'année ». Il terminait par un compliment : « Cette campagne qui finit heureusement, réparant les malheurs de la précédente, vous sera bien glorieuse dans l'histoire. »

M. Bureau continua, au milieu des difficultés sans cesse renaissantes, de faire dans sa paroisse tout le bien possible, au jugement de M. Pichot de la Graverie. De son côté, M. Duchemin du Tertre, prêtre Janséniste, écrit dans ses notes : « Le feuillet n'est pas assez long et ma plume trop courte pour contenir et exprimer ses bonnes qualités et son grand mérite. Qui croyoit le connaître ne le connaissoit pas ; il savoit, il observoit et faisoit observer les règles de son église et de son évêque. » Un autre contemporain le qualifie « un des plus savants docteurs de Sorbonne, un des plus zélés pasteurs qui soient dans l'Église ». Il était doyen rural de Laval et vicaire général pour cette partie du diocèse sous Mgr de Tressan, fonction qu'il conserva sous Mgr de Crévy au moins jusqu'en 1717. Il fut aussi vicaire général de l'évêque de Dol, Mgr Le Voyer de Paulmy d'Argenson, et greffier en titre conservateur des registres de baptêmes, mariages et sépultures de toutes les paroisses de l'élection jusqu'à la suppression de cette charge, en 1717. — Devenu infirme, M. Bureau résigna sa cure à M. Fréard, en 1722, et, le 23 mars 1723, fut inhumé au bas du chœur de son église. Ses héritiers étaient : Louis B., procureur du roi à Dreux, et son fils, Louis B., chanoine et grand pénitencier de Chartres. Le 23 janvier 1689, il avait rédigé un Règlement des honoraires de M. le curé de la Trinité de Laval et de ses prêtres, arrêté avec luy au conseil de la dite paroisse. Au cours de ses difficultés avec le chapitre de Saint-Tugal, vers 1696, il fit imprimer un Factum, où il avait consigné le fruit de ses recherches sur les antiquités de Priz et de la Trinité. Ce travail, qu'on croyait perdu mais dont il n'y a pas grand parti à tirer historiquement, se trouve à la Bibl. nat., fds. fr., 20 349. En 1709, il prononça l'oraison funèbre de Charles-Belgique de la Trémoïlle.

Ins. eccl. Trinité. Forcé. — Mémoires de Bourjolly, t. II, p. 159. — Arch. nat., G, 7, 527. — Arch. de la M., B. 4, 9 ; E. Minutes Salmon, 1701. — Boullier. Recherches, etc., p. 114. — Bibl. de Laval, fds Couanier, Ab. — Vie de M. Fréard, p. 65.