Chevaigné - Tome I

Chevaigné, con de Couptrain (13 kil.), arr. de Mayenne (27 kil. N.-E.), à 57 kil. de Laval.

Prior de Cheveneio, 1270 (Arch. nat., L. 971 ). — Prior de Chevegneyo, XIIIe s. (Obit. de Beaulieu). — Prior de Cheveigné, XIVe s. (Ibid.) — Chevigné, 1312 (Bibl. nat., fds fr., 8 736). — Capellanus de Chavaigneio, 1422 (Arch. de la S., fds municip., 835). — Eccl. Sancti Martini de Chevaigné, XVe s. (Pouillé). — Saint-Martin de Chevaigné, 1581 (Insin. eccl.). — Chevaigné-en-Lassay, XVIIIe s. (Reg. par. et Dict. univ.). — Chevaigné (Jaillot, Cassini).

Géologie. — « Schistes précambriens qui, au voisinage du massif granitique de Lassay, ont été modifiés. » D.-P. Œ.

Le territoire s'incline du S. au N., compris tout entier dans le bassin du ruisseau d'Anglaine qui, né au pied des collines du Horps, va se déverser dans la Mayenne. Ses petits affluents convergent tous vers la limite N. de la paroisse, formant autant de vallées disposées en éventail. Altitudes extrêmes : 197 m. au S. ; 160 au N. — Des chemins vicinaux ou d'intérêt commun établissent communication avec les Chapelles (4 500 m. E.) ; Javron (5 kil. S.-E.) ; Le Ham (7 kil. S.) ; Charchigné (3 500 m. S.) ; Lassay (9 kil. O.) ; la Baroche-Gondouin (6 kil. N.-O.) ; Saint-Julien-du-Terroux (6 kil. N.) ; Madré (5 kil. N.).

Superficie, cadastrée en 1813 par M. Demadden, 1313 hect. — En 1696, « vingt métairies et trente bordages en terres maigres où l'on ne recueille que du seigle, de l'avoine et du sarrasin ». Trois moulins et trois petits étangs en 1777. « On y fait beaucoup de cidre, » dit Davelu, 1780. En 1789, les habitants plaident ainsi leur cause en dégrèvement : « La paroisse, disent-ils, consiste en mauvais terrain qui ne se traite qu'à force travaux pénibles et en mauvais grain de bled noir fort sujet aux jarseaux, ce qui fait qu'on ne recueille qu'à force engrais et en laissant reposer la terre trois ou quatre ans ». Les hommes, maçons et couvreurs, quittaient la paroisse pour travailler dans les villes ; ce qui se pratique encore.

Population. — 400 naissances de 1690 à 1701, et augmentation de la population, 84 ; 383 naissances de 1752 à 1763 et augmentation de 140 hab. (Statistique contemporaine). — 150 feux en 1696 ; — 186 feux en 1707 ; — 759 hab. en 1726 ; — 322 feux et 1 013 hab. en 1764 ; de 600 à 700 communiants en 1780 ; — 1 117 hab. en 1803 ; — 1 140 hab. en 1821 ; — 1 280 hab. en 1831 ; — 1 306 hab. en 1841 ; — 1 104 hab. en 1851 ; — 1 173 hab. en 1861 ; — 1 031 hab. en 1871 ; — 945 hab. en 1881 ; — 964 hab. en 1891 ; — 821 hab. en 1898, dont 192 agglomérés dans le bourg et le reste disséminé en 41 villages, fermes, closeries ou écarts. On comptait 41 villages en 1764 et 52 fermes en 1843. En dépendent : la Basse-Angeboudière, 45 hab. ; la Haute-Angeboudière, 87 hab. ; la Gouaudière, 31 hab. ; la Chiennerie, 22 hab. ; Ménillon, 60 hab. ; les Bresnières, village mixte avec Javron, 23 hab. ; les Écherets, 40 hab. ; l'Aunay-Gondard, 22 hab. ; Béladé, 25 hab. ; la Hardrière, 63 hab. et 5 moulins.

Bureau de poste et perception de Javron.

Paroisse. — Autrefois de l'archidiaconé de Passais, du doyenné de Javron ; — de l'élection du Mans, du ressort judiciaire et du grenier à sel de Lassay ; du district de Villaines et du canton de Javron en 1790 ; — de la Mission de Javron en 1797, érigée en succursale par décret du 5 nivôse an XIII, de l'archiprêtré de Notre-Dame de Mayenne et du doyenné de Couptrain.

L'église, ancienne, dédiée à saint Martin, n'avait aucun style et rien qui rappelât la construction primitive. Elle était en forme de croix ; la nef éclairée seulement au midi par trois fenêtres carrées ; grandes fenêtres à plein cintre dans le transept ; clocher à toiture en campanile soutenu au haut de la nef sur quatre poteaux et une charpente en bois. A l'entrée du chœur, seulement deux chapiteaux grossièrement sculptés indiquaient une intention d'art. Extérieurement, à côté de la petite porte du midi, une statue de saint Martin à cheval s'abritait sous un petit auvent. La disposition générale de l'édifice datait probablement du commencement du XVIIe s. A cette époque un don assez considérable est fait « pour l'augmentation de l'église ». En 1700, le grand autel et sa contretable furent posés contre la muraille du chevet, ornés peu après des statues de saint Martin et de sainte Barbe, de saint Joseph et de sainte Anne, ainsi que des tableaux de la Résurrection et de la Sainte Famille. Le retable était en bois, avec colonnes richement ornementées soutenant un entablement sur lequel deux anges, presque de grandeur naturelle, étaient en adoration devant le Père Éternel. Le tabernacle fut bénit le 15 octobre 1702, et les autels de la Sainte-Vierge, de Saint-Sébastien et de Saint-Roch, furent peints en 1703. Le clocher avait une horloge à laquelle travaillait Jean Bizot, prêtre à Madré, en 1659. On remarquait sous la table de communion une pierre tombale avec un écusson, effacé ainsi que l'inscription, mais entouré du cordon de l'ordre de Saint-Michel.

Fondations : la chapelle de Gahigné, fondée avant 1363 par Geoffroy de Logé, seigneur de Villeneuve, pour lui, ses parents, Isabelle sa femme, et feu Hamelot son père ; — la prestimonie du Champ-du-Pommier, antérieure à 1687 ; et celle de la Chanverie due à Suzanne Euzanne. — Jean Boussicault, prêtre à Paris, fonde en 1649 une messe du Saint-Esprit, à diacre et sous-diacre, tous les lundis. — Les habitants disent en 1789 que le curé ayant fait réduire les fondations « de trois à deux et de deux à presque rien, détruisant les chapelles et bâtiments annexés aux legs faits par les défunts », il devrait faire gratuitement les sépultures, mariages et baptêmes.

La confrérie du rosaire existait en 1737.

La nouvelle église, en style roman très simple, a été construite en 1865-1869 dans l'emplacement de l'ancienne (Architecte, Godin, de Lassay).

Le prieuré-cure était affecté aux chanoines réguliers et à la présentation de l'abbé de Beaulieu. La ferme du Hec, le bordage de la Galbaudière, quelques pièces détachées et un fief composaient le temporel. Outre le vicaire, le chapelain d'Hauteville exerçait aussi quelques fonctions du ministère.

Prieurs-curés : G., témoin d'une charte de Savigny concernant Lassay, 1270. — Gervasius Infamis, inscrit dans l'obituaire de Beaulieu à la date des calendes de mai. — Michel Frévot, † le 12 des calendes d'avril. Mathieu Guiard, chapelain de Chevaigné, est condamné à un écu d'amende pour avoir exercé les fonctions de curé sans pouvoir, le 29 octobre 1422. — Pierre Du Pont, destitué pour crime de lèse-majesté et de rébellion, 1562, † la même année. — Jean Dubois, 5 octobre 1562. Maudin, « vicaire en partie de Chevaigné », signe le certificat de catholicité des nobles, le 16 février 1577. — Jean Picault, du diocèse de Tours, curé de Sargé, se démet, 1581. — Guillaume Leduc, de Chevaigné, 18 mars 1581, maintenu contre Valérien Leroy, chanoine de Beaulieu, † 1586. — Pierre Paigneau, bachelier en décret, du couvent de Beaulieu, 28 octobre 1586, résigne 1587. Il avait pour compétiteur Christophe du Grasménil, demeurant au couvent de Château-l' Hermitage, qui céda ses droits moyennant une pension de 50 écus. — Mathieu de Longuejoue, du diocèse d'Orléans, 8 juillet 1587. — Laurent Patry, démissionne, 1589. — Cyr Lambert, prêtre séculier qui promet de prendre l'habit de chanoine, 28 avril 1589, résigne au Mans, 1593. — Louis Barreau, résidant à l'abbaye de Beaulieu, 5 novembre 1593, témoin à Charchigné, 1598, permute, 1605. — Étienne de Launay, prieur-curé de Sacé, 9 septembre 1605, résigne 1606. — Étienne Cabaret, religieux de Beaulieu, mai 1606, 1626. — Nicolas Hallay, chanoine régulier, avant 1637. — François Chéreau, du diocèse d'Angers, décembre 1637. — Toussaint Moulay, avant 1656. — Pierre Cadieu, février 1656. — Mathurin Huard, 1666, teste, 1671. — Michel Périer, 1672, démissionnaire en 1694, † 1702. — H. Gentil, du diocèse de Nevers, curé de Courberie, 12 novembre 1694, † 1695. — Jean Jamelin, demeurant à Saint-Loup-du-Gast, 11 mai 1695, résigne au mois d'octobre suivant. — Jacques Duboismotté, curé de Marolles, 25 octobre 1695, résigne, 1696. — François Chevalier, prêtre habitué à Évron, 8 octobre 1696, fait donner une mission qui commence le 10 avril 1701 par quatre prêtres de la Mission du Mans ; quatre mille personnes des paroisses voisines y prirent part ; se démet étant pourvu de la cure de Lignières-la-Doucelle, 1706. — Jacques Provost, chantre et chanoine de Saint-Pierre-de-la-Cour, au Mans, 15 juillet 1706, démissionne en 1707. — Jean Abadie, du diocèse d'Auch, 2 juillet 1707, résigne 1709. — Jacques Lemeignan de Lormont, bachelier en théologie, curé de Marolles, 18 juin 1709, devient curé de Mamers, 1710. — Gabriel Fossier, du diocèse du Mans, 27 septembre 1710, résigne « paralysé depuis trois mois », 1742. — François Boissière, de Neuilly-le-Vendin, vicaire de Notre-Dame de Mayenne, 19 octobre 1742, « très bon curé », † le 27 juillet 1781. — Marc-Charles Romand, chanoine régulier, né en Franche-Comté vers 1743, curé de la Madeleine de la Chartre (Sarthe). Installé à Chevaigné le 9 août 1781, était jugé par ses supérieurs « assez bon curé ». Une mission fut donnée par ses soins, du 18 novembre 1787 au 3 janvier suivant, par trois prêtres de la Mission du Mans, et clôturée par la bénédiction du calvaire. Il protesta contre les articles révolutionnaires contenus dans le cahier du clergé réuni au Mans pour l'élection aux États généraux et prêta, le 6 février 1791, un serment orthodoxe « exceptant formellement les objets qui dépendent essentiellement de l'autorité spirituelle ». Bien que son dernier acte signé soit du 2 août 1791, il continua d'administrer ostensiblement sa paroisse jusqu'après le mois de juin 1792, où il demandait à enlever du presbytère un pressoir qui lui appartenait. Interné à Patience le 20 janvier 1773, M. Romand fut dirigé, le 17 avril suivant, sur Bordeaux et de là envoyé sur les pontons à l'embouchure de la Charente. Après son élargissement, 1795, il regagna Chevaigné et exerça dans la contrée, notamment au Ribay, un ministère des plus dévoués. On connaît encore les nombreuses cachettes qu'il avait dans la paroisse. Au Concordat, il fut maintenu dans sa cure, où il mourut le 17 août 1803. Jacques-Gabriel Yver, vicaire, prêta, le même jour que son curé, un serment avec préambule, mais catholique. Dénoncé, au mois de juillet 1791, pour avoir prémuni en chaire les fidèles contre la guerre déclarée à la religion et à ses prêtres fidèles, il fut traduit devant le tribunal de Lassay, privé de tout traitement et bientôt forcé d'abandonner son poste. Son dernier acte est du 24 juillet 1791.

Parmi les prêtres qui exercèrent à Chevaigné pendant la Révolution furent M. Paucton et M. Martin Lemeunier, né en cette paroisse. Pierre Gibon de la Rigottière, prêtre assermenté à Villaines-la-Juhel, sa paroisse natale, élu le 1er août 1791 intrus de Chevaigné, y resta jusqu'à la Terreur, apostasia alors et s'enrôla dans l'armée de Sambre-et-Meuse. De retour à Villaines en 1796, il continua d'être un objet de mépris même pour l'administration, qui le signala en 1803 comme « ivrogne, incapable et agitateur ».

Guillaume-Jean Martin, vicaire catholique de Lignières-la-Doucelle, 1803, † 1845. — Leluault-Desrochers, 1845-1865. — Prodhomme, 1865-1869. — Lambert, 1869-1875. — Bouhallier, 1875-1880. — Lecomte, 1880-1896. — Dupré, 1896.

Le presbytère, « à côté de l'église, beau, a un seul étage », dit Davelu, conservé en assez bon état pendant la Révolution, était regardé comme un des plus beaux du pays avec ses cinq ouvertures en granit.

Cimetière, transféré en 1855 sur la route de Lassay.

La mairie est installée dans un petit pavillon, simple rez-de-chaussée bâti pour cet usage près de l'église.

Écoles. — Michel Périer, prieur-curé, légua vers 1694 une rente de 20  pour un prêtre qui ne fût ni prieur ni vicaire et qui fit le catéchisme les dimanches et jours de fêtes ; sans doute il faisait la classe en semaine. Le capital de cette rente fut placé à nouveau en 1763. — La « sœur d'école » est mentionnée en 1701. M. Boissière, curé, fit venir deux sœurs de la Chapelle-au-Riboul en faveur desquelles fut constituée une rente de 50 , le 17 avril 1770. L'acte de fondation passé devant René-Patrice Jamelin, notaire à Mayenne, le 13 juin 1774, a été homologué en parlement le 7 septembre 1775. Le prieur faisait construire la maison des sœurs en 1772. — Actuellement, deux écoles laïques.

Féodalité. — Ici ni doute, ni discussion ; le seigneur d'Hauteville avait seul tous les droits honorifiques et utiles avec le titre de fondateur.

Notes historiques. — Les noms de forme ancienne sont : Gabigné, Beladé, les Écherets, la Rochelle, Hauteville. — Il n'y a aucune vraisemblance à appliquer à Chevaigné ce qui est dit d'une localité nommée Cavania dans les actes de saint Aldric et dans les Actus Pont. Cenom. Il vaut donc mieux s'abstenir de toute allusion aux événements de cette époque reculée. On ne sait pas non plus quand et par qui l'église fut attribuée aux chanoines réguliers de Beaulieu. — En 1434, la paroisse, ainsi que tout le pays de Lassay, est occupée par les Anglais ; les habitants en profitent pour refuser les rentes seigneuriales. — Septembre-novembre 1719, épidémie de dysenterie. — Dans le cahier de 1789 les paroissiens se plaignent des ravages causés dans leurs champs et même dans leurs jardins par les lapins, « d'un nombre infini », et par les pigeons d'Hauteville. Ils ne prirent pas part pourtant au pillage du château, mais ils finirent par avoir le trophée séditieux de cet exploit révolutionnaire. Les quelques émeutiers qu'on arrêta avaient été transférés des prisons de Lassay dans celles de Château-Gontier, le 8 janvier 1790. On sait qu'ils en furent tirés à main armée et reconduits triomphalement à travers tout le département, harangués dans les villes par les chefs des partis avancés, et que, arrivés enfin sur le théâtre de leur haut fait, ils arborèrent dans l'église de Chevaigné le drapeau qui leur avait été donné en chemin. Le 12 novembre 1790, le procureur syndic du département se plaint de ce que ce « drapeau portant une inscription qui ne peut qu'entretenir l'insubordination, » ait pu rester dans cette place insolite pendant plusieurs mois. Il fut enfin brûlé par la municipalité le 17 novembre 1790. La municipalité fait l'acquisition, le 4 avril 1792, d'un drapeau, d'une caisse, d'un bonnet de liberté en fer blanc et équipe un tambour. — Le baron de Commarques, officier dans l'armée royaliste de Frotté, occupait le bourg le 26 janvier 1800.

Maires : René Baudoin, procureur syndic, 1789. — Pierre Rallier ou Rattier, 1791. — Gilbert, 1792. — Rallier, 1803. — Leblanc, 1821, 1830. — Trubert, 1835, 1836, — Belliot, 1850. — Euzenne, 1855, 1878. — Trubert, 1878-1888. — Chaumézière, 1888.

Reg. par. depuis 1700 à la mairie ; au greffe de Mayenne depuis 1674. — Quelques titres à la fab. — Arch. de la M., B. 1 986. — Arch. nat. F/1c, III, Mayenne, 5 ; G/7 527 ; JJ. 195, f. 210. — Bibl. du Mans, mss. 256. — H. Sauvage, Notice sur Chevaigné dans le second volume incomplet du Bull. archéol. de Mayenne. — Notes mss. de MM. Dupré, curé, et marquis de Beauchesne
Pour les localités, v. les art. : Aunay-Tribert, le Cruchet, les Écherets.