Le Baud (Pierre) - Tome II

Le Baud (Pierre), qu'on a fait naître à tort à Saint-Ouen-des-Vallons ou à Saint-Ouen-des-Toits, est breton d'origine s'il appartient au Maine par ses fonctions, sa résidence et ses dignités ecclésiastiques. Il était fils de Pierre Le B., chevalier, seigneur de Saint-Ouen (Saint-Ouen-la-Rouairie, sans doute, qui relevait de Combourg), et de Jeanne de Château-Giron, fille naturelle de Patry de Ch.-G. Ce dernier était l'oncle de Jean de Ch.-G., seigneur de Derval, qui épousa Hélène de Laval, fille de Guy XIV. Cette parenté valut à Le Baud le riche bénéfice qu'était l'aumônerie de Saint-Julien de Laval ; on l'y trouve dès le 22 juillet 1481 ; il y recevait les seigneurs et la meilleure société de Laval, ses frères Bertrand et René, son neveu Jean d'Argentré, le père sans doute de l'historien breton.

L'aumônier, exact à vérifier les comptes, à distribuer des secours aux malades et aux passants, à veiller au bon entretien du temporel, garda son bénéfice jusqu'à sa mort, en recevant d'autres moins importants : l'aumônerie de Saint-Nicolas de Château-Giron, bénéfice simple dont il jouissait dès 1477 ; la trésorerie de la Madeleine de Vitré, conférée en 1492 ; une prébende de Saint-Tugal de Laval, dont il devint chantre (1493), puis doyen (1504), ce qui ne l'empêchait pas d'être maître de la chambre des comptes de Laval et de gérer les intérêts de Guy XIV qui l'avait investi de sa confiance. Toutes ces charges firent de Le Baud un personnage important, toujours accompagné d'un chapelain qui lui servait de secrétaire. Jeanne de Laval, femme du roi René, le choisit pour « historiographe et orateur » et le nomma son exécuteur testamentaire. Il avait obtenu les bonnes grâces de la duchesse Anne, quoiqu'elle eût confisqué les biens d'un de ses parents, Guillaume Le B., comme partisan des Français, et fut l'un des négociateurs employés par Guy XV pour la déterminer à accepter la couronne royale. Une lettre du comte de Laval à son frère Pierre, archevêque de Reims, qui dirigeait les négociations, y fait allusion : « J'envoie, lui écrivait-il le 17 mars 1490, Bertrand de Treil et maistre Pierre Le Baud devers madame Belle, pour les matières qu'ils vous pourront dire. » Aussi l'aumônier contresigna-t-il après la duchesse l'acceptation du traité de Rennes, et assista-t-il au contrat de mariage qui se passa le 6 décembre 1491 à Langeais. La reine Anne le fit bientôt son aumônier et voulut même, l'année suivante, lui conférer l'évêché de Rennes, qu'il refusa, croit-on. Du moins resta-t-il en faveur et quand Hélène de Laval fonda en 1497 pour son mari, pour son père Guy XIV et pour sa mère Isabeau de Bretagne, dans l'église Saint-Tugal la chapellenie de Derval, qui consistait en trois messes basses par semaine et dans l'assistance au chœur, elle en fit pourvoir son familier Le Baud. Il vécut ainsi jusqu'en 1505, où, dit Guillaume le Doyen.

Le dix-neufviesme de septembre, En l'an susdit, je me remembre, Décéda ung homme de bien. Aulmosnier de Sainct-Julien. Doyen estoit de Sainct-Tugal, Qui garde son âme de mal, Mesme trésorier de Vitré. Évesque eust esté en cité, Tant estoit garni de bon sens. Le Baud avoit nom en son temps, Qui gouverna toute sa vie De Laval la grant seigneurie.

Il laissait au chapitre, dont deux chanoines, Pierre Domin et Guillaume Lemaçon, furent ses exécuteurs testamentaires, la maison de la Chanterie et des jardins plus tard annexés aux Capucins ; à sa nièce, Hélène d'Argentré, 300  après mariage.

Les ouvrages de Le Baud sur l'histoire de la Bretagne sont connus. Il nous dit comment il entreprit son premier travail : « Je, Pierre Lebaud, secrétaire de haut et puissant Jehan, sire de Derval, de Combour, de Château-Giron, de Rougé et de Saint-Mars, monseigneur très redoubté, non de mon propre mouvement ne audace, mais contraint par l'étroit lien de son commandement, entrepris et craintivement me suis adventuré à escrire la compilation des chroniques et histoire de très nobles roys et princes de Bretagne armorique, jadis extraits et descendus de ceux de Bretagne insulaire. » D. Taillandier a publié (Hist., t. II, p. 244) une miniature du manuscrit original qui appartenait au XVIIIe s. à M. de Piré-Rosnyvinen, où Le Baud est représenté un genou en terre, offrant son ouvrage au sire de Derval, assis sous un dais tendu de tapisseries, près de sa femme coiffée du hennin, tous deux entourés de quelques personnages bien vivants. Or le seigneur de Derval mourut le 10 mai 1482 ; c'est donc avant cette date et peut-être vers 1470 que Le Baud commença son premier travail. L'ouvrage comprend trois parties qui mènent le récit jusqu'en 1458. La Bibliothèque Harléienne en possède un exemplaire. Fevret de Fontette en signalait un chez le maréchal d'Estrées, intitulé : Compilation des chroniques et histoire des Bretons jusqu'en 1457. Le ms. 941 de la bibliothèque d'Angers, qui date du XVe s., a pour titre : Chronique des rois, ducs et princes de Bretagne, jusqu'à la mort du duc Arthur III, mort en 1458 et contient une épître dédicatoire à Jean de Derval. Cet essai fut traduit en latin par Bertrand d'Argentré petit-neveu de l'auteur.

Le Baud reprit son travail quand, devenu aumônier de la reine Anne, il eut de plus grandes facilités pour la recherche des documents au parlement et dans les abbayes et écrivit une Histoire de Bretagne qu'il dédia à sa bienfaitrice et que d'Hozier a publiée (Paris, Gervais, Alliot, in-f°, 1638) sur un manuscrit du marquis de Molac. Suivant Desportes, la Bibliothèque nationale en posséderait un manuscrit plus développé que l'édition. Cet ouvrage, auquel Lobineau et D. Morice ont décerné de grands éloges, est précieux pour le Maine, car il contient les Chroniques de Vitré que Le Baud avait écrites à la sollicitation de la reine de Sicile et dont la Bibliothèque nationale possède deux copies (fds. fr. 1605, et fds. Dupuy) : ces chroniques s'arrêtent en 1486 et furent mentionnées sous un titre un peu différent par La Croix du Maine. A la suite de l'Histoire de Bretagne, d'Hozier avait publié un Bréviaire des Bretons, histoire abrégée de la Bretagne en vers, que le P. Lelong attribua sous le titre : Histoire des seigneurs de la Petite-Bretagne, en vers françois, à un copiste nommé Mauhugeon, l'auteur probable des deux dernières strophes seulement.

Arch. hosp. de Laval : comptes de 1481-1493. — Arch. nat., X/1a. 4.851, f° 556. — Arch. de M. le duc de la Trémoïlle. — D. Morice, Hist. de Bretagne, t. II, p. 244 ; preuves, t. III, p. 678 et passim. — La Croix du Maine, t. II, p. 250. — Bibl. de l'École des Chartes, t. LXI, p. 71. — Hauréau, Hist. litt. du Maine, t. VII, p. 76. — Renouard, Essai …, t. II, p. 26. — Duchemin de Villiers, Essais, p. 6. — Guill. Le Doyen, Chronique, p. 110. — De la Beauluère, Recherches, p. 44, 49. — Comm. hist., t. I, p. 147. — D. Piolin, Hist. de l'Église du Mans, t. V, p. 209, 210, 249, 695. — Bourjolly, t. I, p. 18. — Guillotin de Courson, Pouillé hist. de Bret. — Desportes, Bibliog. du Maine. — Boullier, Recherches sur la Trinité, p. 248.