Laval - Tome II

Laval, ville, chef-lieu de département, d'arrondissement et de deux cantons, située par 48° 4' 7'' de latit. et 3° 6' 39'' de long. O.

Villa … que dicitur Laval … sita ad fluvium Meduane, v. 990 (D. Le Michel. Hist. de Marmoutier, d'après une charte perdue du chart. de Saint-Martin de Laval). — Castrum quod Vallis nuncupatur in pago Cenomanensi, v. 1050 (Cte Bertrand de Broussillon, La Maison de Laval, t. I, p. 29). — Apud Vallem Widonis, v. 1070 (Cart. de Saint-Vincent, ch. 433). — Ecclesia Sancte Trinitatis Lavalli, v. 1070 (Bib. du Mans, mss. 229, f. 234). — E. de Laval, v. 1090 (Cart. de Saint-Vincent, ch 436). — Dominus. Lavallensis, v. 1090 (Maison de Laval, t. I, p. 64, 65). — G. de Lavalli, v. 1104 (Ibid., p. 79). — H. de Lavalle, 1110 (Bibl. nat., lat. 5.441/3, p. 7). — Capellanus de Lavallo, 1125 (Cart. du Ronceray, p. 234). — Dominus Lavallis, 1150 (Maison de Laval, t. I, p. 125). — In molendinis lavallisibus, 1215 (Ibid., p. 203). — Domina de Lavau, 1229 (Arch. nat., L. 970). — Laval-Guion, 1269 (Cart. de Vitré). — Decanus de Lavalle Guidonis, 1487 (Arch. de la M., G.). — Guyon le Lavallais, … Le peuple Lavalliste (Guill. Le Doyen, Chroniques). — 

Frère Jehan Liger … Propostz tint sur noustre Laval, Qu'il déclara de mont de Val Quia malitia in valle, Dies Domini in valle (Ibid.).

 — Breton et Lavallois, 1531 (Complainte de Guy XVII). — Ecclesia … , Episcopus Valleguinonensis (Barbarisme moderne). — Le mot val était primitivement féminin. A une époque où l'on avait encore le sens de l'étymologie primitive, on avait formé l'adjectif valais conservé longtemps dans les expressions : chemin valais, mesure valaise, porte valaise (à Château-Gontier et à Craon), vin valais.

Géologie. — « Le sous-sol de la ville de Laval est constitué par une alternance de schistes et de calcaires carbonifères, formant une série de bandes orientées N.-O. S.-E., et résultant de couches plissées, redressées souvent jusqu'à la verticale et arasées. Ces couches sont en partie cachées, surtout sur la rive gauche de la Mayenne, par des dépôts tertiaires et quaternaires. Les deux rives ont du reste un aspect bien différent : sur la rive droite, la plus élevée, on remarque au N. un plateau constitué par des schistes fossiles (schistes carbonifères de Laval), désignés dans le pays sous le nom d'arjalètre ; ils présentent leur tranche à la surface du sol et ne sont recouverts que par une mince couche de terre végétale (Plateau des Ormeaux et de la Croix de la Gaule). Au sud de cette région, une large bande calcaire (calcaire carbonifère de Laval), formée de couches plusieurs fois répétées par plissement, traverse la ville ; elle s'abaisse graduellement en s'avançant vers la vallée-faille de la Mayenne, contre laquelle elle disparaît pour ne plus réapparaître sur la rive opposée. Au milieu de cette bande on trouve des schistes et des grauwackes à Echinides, également carbonifères, visibles par suite de l'ablation du sommet d'un anticlinal, et laissant voir en un point (derrière Saint-Louis) le noyau même de cet anticlinal, constitué par des schistes et des grès du Culm. Enfin, au S.-O. et au sud, les hauteurs des Roussellières (122) et du bois de l'Huisserie, sont constituées par des alternances de schistes, de grès et de poudingues, à faciès culm, et appartenant à la base du Dinantien. Cette assise, qui contient des couches charbonneuses, n'est que la prolongation de celle de l'Huisserie-Montigné avec niveau anthraxifère ; elle s'appuie sur une bande de grès à Orthis Monnieri, coupant obliquement l'angle S.-O. de la commune (La Verrerie 105), en dominant au sud le bas-fond argileux avec schistes et quartzites de Plougastel de l'Ecot (69). Le sous-sol de la rive gauche est presque entièrement formé par des schistes carbonifères, sauf au N.-O. où l'on retrouve deux bandes calcaires : celle de Vaufleury et des Bouchers, qui disparaît avant d'atteindre l'étang de Barbé ; et celle du Rocher, qui, elle, traverse la vallée du Quartier pour s'enfoncer sous les schistes de Bonchamp. Au sud, on constate aussi l'existence de schistes et de grès du Culm avec plantes, qui forment la falaise du Bois-Gamast et celle de Saint-Pierre. Ce qui prédomine sur la rive gauche, ce sont les dépôts tertiaires et quaternaires : c'est ainsi que l'on voit les argiles et les sables éocènes très développés dans la région de la Coconnière et de Thévalles ; dans cette dernière localité, on les voit surmontés, dans une ancienne sablière située en face de l'église, par des calcaires d'eau douce et des marnes, avec nombreux fossiles (Lymnea, Planorbis, Bithinia, Chara, etc.). Ces dépôts éocènes ont été ravinés à l'époque pliocène par des courants violents qui ont amené des graviers à galets de quartz blanc, très abondants au milieu d'une argile sableuse rougeâtre. Ces graviers couronnent les hauteurs de la Coconnière et celles qui dominent au sud-est (La Croix Gaudin, 100) et au sud (Landes de la Croix-Bataille) la cuvette argilo-sableuse éocène de Thévalles. — Les mêmes graviers pliocènes existent au sommet de la butte du Champ de foire et de la Cathédrale, reposant en ce dernier point sur des argiles blanches provenant de la décomposition sur place des calcaires carbonifères sous-jacents. Ces graviers ont été repris à leur tour pour contribuer, surtout dans les niveaux élevés, à la formation des alluvions anciennes de la Mayenne ; celles-ci s'élèvent à flanc de coteau jusqu'au pied de la Cathédrale, renfermant de gros blocs de diorite et de granite, tandis que sur la rive opposée elles atteignent le niveau du boulevard de Tours. On les retrouve avec le même faciès à la Touche et jusqu'à l'église de Thévalles, où elles reposent sur les sables éocènes. Elles occupent également, à un niveau inférieur, le bas de la vallée où elles sont souvent cachées par les alluvions récentes.

« Le calcaire de Laval est exploité dans de nombreuses carrières tant pour les constructions que pour la fabrication de la chaux (Rouessé). Les sables éocènes servent pour le mortier ; les argiles de même âge sont utilisées pour la confection de briques et de pots (Thévalles) ; elles proviennent de la décomposition sur place des schistes argileux du Culm. — Un gisement de manganèse a été reconnu récemment à la Gandonnière, près de Laval (V. ce mot). — En 1849, une demande de concession fut faite par M. Boussin, qui croyait avoir trouvé « trois veines d'anthracite » allant des Bouchers vers l'étang de Barbé ; rien n'est venu depuis confirmer cette découverte. » D.-P. Œ.

Les hauteurs du bois de l'Huisserie (122 m.), de Saint-Berthevin (125 m.), de Grenoux (118 m.), s'abaissant graduellement jusqu'au niveau de la Mayenne (46 m.), forment autour de Laval une sorte de cirque de deux kilom. de rayon, au centre duquel un léger promontoire, cerné par le Gué-d'Orgé et par le Rateau, a servi d'assise au château et à la ville, en attendant que celle-ci débordât tout à l'entour et franchît même la Mayenne, sur la rive gauche, où elle occupe un terrain plus plat représentant, si l'on veut, l'arène de notre amphithéâtre. Le Vieux-Pont, la Grande-Rue, continués obliquement par la rue Renaise, forment le tracé de la route qui s'établit par Laval, après la construction de la ville, entre le Mans et Rennes. Quand ce passage fut jugé trop impraticable à travers la ville, on fit un raccord de la tête du pont en longeant les murs par le Val-de-Mayenne. Enfin de nos jours, après le travail d'un siècle, la rivière, endiguée de ses quais et la longue et spacieuse traverse qui, franchissant le Pont-Neuf, court en ligne droite de l'entrée de la route de Paris à sa sortie, constituent les deux principales artères de la ville.

En raison de son origine relativement récente, Laval ne se trouvait au passage d'aucune grande voie connue d'origine romaine. Peu à peu les routes plus ou moins carrossables relièrent la ville aux principaux centres de la région. De grands travaux, exécutés au XVIIIe s., les mirent plus sérieusement en état : celle de Paris à Brest en 1733, celles de Caen à Laval et de Laval à Nantes en 1749, celle de Tours par Sablé et la Flèche en 1754, celle du Mans de 1766 à 1777 ; celle d'Angers par Château-Gontier fut livrée en 1774. Cassini mentionne aussi la route d'Ernée.

Aujourd'hui Laval est reliée par des routes nationales avec le Mans, Tours par Sablé, Angers par Château-Gontier, Nantes par Craon, Rennes par Vitré, Caen par Mayenne, Alençon par Évron. Elle est sur la voie ferrée de Paris à Brest (1855) ; tête de ligne pour Caen (1866), pour Château-Gontier (1877), pour Nantes (1888). Chemins de fer départementaux à voie étroite de Laval à Saint-Jean-sur-Erve (1900), de Laval à Landivy, en construction. — Rivière canalisée.

Population. — Avant la fin du XVIIe s. : 22.000 communiants dans l'agglomération, y compris des quartiers appartenant à Grenoux, Changé, Avénières ; 2.000 feux non imposés, 1.800 soumis seulement à la taille, 200 exempts par privilèges, d'après Le Clerc du Flécheray. Miroménil compte 25.000 communiants, 3.000 feux « et plus ». Un compte rendu fait par le maire à l'intendant pour 1764 assigne à la ville strictement dite 14.000 ou 15.000 habitants, 3.525 feux à l'ensemble de l'agglomération. Moyenne des naissances : 650, de 1600 à 1610 ; 450, de 1700 à 1710 ; 400, en 1787 ; 552, de 1800 à 1847.

Population communale : 14.199 hab. en 1803 ; — 15.736 hab. en 1821 ; — 15.830 hab. en 1831 ; — 17.810 hab. en 1841 ; — 17.834 hab. en 1851 ; — 21.293 hab. en 1861 ; — 27.189 hab. en 1871, annexion faite d'Avénières, Grenoux et fraction de Changé ; — 27.107 hab. en 1881 ; — 30.374 hab. en 1891 ; — 29.584 hab. en 1896.

I. Résumé historique.

Dom Le Michel avait trouvé, en 1636, au chartrier de Saint-Martin de Laval, un document plus ancien que tous ceux qu'on connaît jusqu'à présent et qui n'a encore été signalé par personne. Il éclaire d'un jour tout nouveau les origines de Laval. Malheureusement le bénédictin ne nous a donné de cette charte du Xe siècle qu'un résumé trop sommaire. Voici son texte : « De toutes les chartes du prieuré, dit-il, la plus ancienne, pleine d'incorrections et de mots barbares, ne parle aucunement de la maison de Saint-Martin, mais des biens qui plus tard lui furent concédés, et l'on y trouve des renseignements sur l'antiquité de Laval. Elle est d'Hugues, comte du Maine, lequel, du consentement de ses fils Hugues et Herbert, donne à mainferme duas villas, unam quæ dicitur Laval et aliam quæ Coldrico dicitur, situées sur la Mayenne. Les donataires étaient Ingelbault et sa fille Ermensende, et la concession fut faite à la demande d'Hugues, fils d'Hamon, et d'Hugues, fils dudit Hugues. » Sur ce texte, D. Le Michel raisonne ainsi : A cette époque, Laval n'avait donc encore que quelques habitations rurales et ne formait qu'un domaine susceptible d'être confié à un seul colon. Un document postérieur (vers 1050) fait allusion à celui que nous ne possédons qu'en analyse et ajoute quelques lumières. Nous y apprenons que la concession était faite à trois vies, c'est-à-dire, non seulement pour Ingelbault et sa fille, mais encore pour celui de leurs héritiers qu'ils désigneraient ; qu'elle était à charge d'un cens de deux sols par an payable aux calendes d'octobre ; qu'elle comprenait aussi sur la rive gauche de la Mayenne une étendue de terrain et un moulin situés sur le ruisseau aujourd'hui appelé Barbé, desuper fluvium qui solemni nuncupatur appellatione Barbatus. Enfin la charte du comte du Maine contenait une énumération détaillée de tout l'objet de la mainferme, ce qui la rendait très précieuse à conserver pour les moines de Saint-Martin et ce qui nous en fait vivement regretter la perte. Nous y eussions appris quels lieux déjà nommés et habités occupaient les deux rives de la Mayenne. Quant au Coudray, cité en regard de Laval, quoiqu'il y ait en Bonchamp, près du ruisseau de Barbé, un groupe de lieux de ce nom : le Grand, le Petit-Coudray et le Coudray-Guichard, je n'oserais risquer une identification.

Pour préciser la date du document, il faut remarquer que le comte Hugues vivait de 955 à 1015, qu'il eut trois fils : Hugues, cité dans l'acte de mainferme, et Foulques, tous deux morts avant leur père, et enfin Herbert, qui était jeune encore quand il succéda à son frère ; la concession ne saurait donc être bien antérieure aux dernières années du Xe s.

De 1010 à 1020, le pays de Laval était inféodé par le successeur d'Hugues, Herbert Éveillechien. Cette inféodation à titre héréditaire était d'un ordre bien supérieur à la mainferme, dont le bénéficiaire tombait sous la dépendance féodale du nouveau baron, le premier Guy de Laval.

Celui-ci, à peine investi de ses domaines, se hâta de fonder le château qu'il nomma Laval, du nom du lieu le plus voisin : Guido, castri quod Vallis nuncupatur in pago Cynnomanensi conditor et possessor, vir spectabilis et nobilissimus, comme le désignent les religieux de Marmoutier. Immédiatement à l'abri de la forteresse et de l'enceinte que Guy y avait jointe, se groupa une population de guerriers, de bourgeois, astreints eux aussi au service militaire, enfin d'ecclésiastiques et de vilains.

Trois faits de guerre signalent les deux premiers siècles de l'existence de la nouvelle ville. En 1085, les habitants sont en guerre avec ceux de Château-Gontier ; vers 1110, une lutte aussi sérieuse s'élève entre le jeune Guy III de Laval et Lisoie, seigneur de Sablé ; enfin, en 1199, une grave dissension et une guerre mortelle surgit entre Guy V et l'un de ses puissants vassaux, Hamelin L'Enfant, qui, aidé de la plupart des seigneurs de la baronnie, tint tête à son suzerain et en obtint une paix honorable. En 1214, les vassaux nobles du baron de Laval furent convoqués pour la lutte nationale qui se termina glorieusement à Bouvines. Saint Louis passa à Laval en 1231, se rendant à Fougères, pour mettre à la raison le duc de Bretagne, Pierre Mauclerc. Vers cette époque, trois conciles provinciaux se tiennent à Laval : l'un est rappelé dans le synode ouvert en 1231 à Château-Gontier ; le second est présidé en 1242 par l'archevêque Juhel de Mathefelon ; le troisième, où l'on prescrit aux archidiacres de tenir inventaire des livres, des vases et des ornements sacrés de chaque église, eut lieu de 1245 à 1250. Au mois de décembre 1256, ordre est donné à la dame de Laval et à son fils de tenir la ville et le château à la disposition du roi. L'alliance de Guy IX avec Béatrix de Gavre, en 1289, est le prélude d'une nouvelle fortune pour le pays par l'introduction du tissage et des industries qui en dépendent.

Au XIVe s., la première phase de la guerre de Cent-Ans ne se fit sentir qu'indirectement à Laval par l'aggravation des charges, le passage des hommes d'armes et la présence de la noblesse aux armées. Mais dès 1407, « les noises » mettant le pays en danger, « fut advisé par le roy et son conseil de pourveoir à la garde des citez et forteresses. Et pour ce que Laval qui est grant ville popuélée est sur marches de Normandie et de Bretaigne, s'assemblèrent les paroisses de la banlieue et ceux de la ville pour pourveoir à la forteresse et convinrent d'un ayde commun ». En 1410, « fut crié et publié et par espécial mandé au sire de Laval qu'il fist garder ses forteresses, pour les assemblées de gens d'armes qui se faisoient ; pourquoy fut advisé de faire le guet et la garde à Laval, où vinrent lesdites paroisses et y retrairent leurs biens, combien que aucuns d'eux allèrent ès boys en brigandie ». La ruine de l'église de Saint-Melaine, antérieure à 1420, est peut-être une suite de cette alerte. On rencontre alors à Laval un conseil de onze bourgeois qui avaient « charge de la ville et qui demenoient tout ».

Après l'occupation du pays par les Anglais, la ville résistait et les dames de Laval, retirées à Vitré, ne manquaient aucune occasion d'envoyer des secours aux serviteurs du roi et du dauphin-régent. Pour cette « rébellion et désobéissance », le roi d'Angleterre confisquait leur baronnie et leur ville, où le connétable Arthur de Richemont était passé après avoir fait lever le siège de la Gravelle au mois de septembre 1426. Talbot, investi de ce domaine, en fit don à Anne de Bourgogne, sa femme, et, sur la demande de celle-ci, le céda à Richard de Beauchamp, comte de Warwick. Henri IV confirma le 3 mars 1428 (n. s.) cet acte, daté du 1er mars de la même année. Aussitôt Talbot, pour rendre effective sa concession, partait du Mans, arrivait le 13 dans la nuit sous les murs de la ville et les escaladait du côté des Éperons, ayant sans doute passé la Mayenne au gué d'Entrammes après avoir suivi le vieux chemin renais. André de Laval, Jean des Vaux et Jean de la Chapelle, tinrent jusqu'au 15 dans le château, puis se rendirent. Guillebert Hassalh commanda à Laval pour les Anglais. Le pays bénéficia peut-être, au point de vue de la sécurité, d'une trêve (mai 1428-août 1429) obtenue du duc de Bedfort pour les baronnies de Laval et Vitré, par le duc de Bretagne, dont la fille était fiancée à l'héritier de la maison de Laval. Cette trêve, à peine expirée, dans la nuit du 24 au 25 septembre 1429, trois braves capitaines : Jean de Villiers, seigneur du Hommet, Raoul du Bouchet, seigneur de la Haie de Torcé, Bertrand de la Ferrière, auxquels Jean de Bourdigné ajoute Jean de Champchevrier, se cachent, avec une troupe d'élite, dans les Trois-Moulins, dont Jean Fouquet, le brave meunier, leur a ouvert l'entrée. Trois ou quatre cents hommes sont blottis dans les broussailles de la rive. A l'ouverture des portes, les Français se jettent sur les gardes et la troupe entière pénètre dans la place. La garnison était plus forte que les assaillants, mais elle savait la population hostile et ne résista pas. Beaucoup périrent. En 1863, on retira du lit envasé de la rivière l'armure et les ossements d'un soldat anglais qui se noya dans la déroute. Jusqu'à la Révolution, la procession de la Saint-Firmin rappelait cet événement patriotique.

Pendant que les Anglais disposaient de la baronnie de Laval, Charles VII l'érigeait en comté (17 juillet 1429), au profit du fils aîné d'Anne de Laval. André, frère du jeune seigneur, en était gouverneur et en donnait pour les détails l'administration à deux chevaliers, Olivier de Feschal et Guillaume Cornilleau, et à Pierre Hay, le plus riche bourgeois de la ville. Strict justicier, il ne craignait pas de défendre les Anglais eux-mêmes quand il croyait le bon droit de leur côté. En 1432, l'Anglais Clifton et le seigneur de Brétignolles vidèrent une querelle par un combat devant Olivier de Feschal. D'Arundel, dans la course dévastatrice qu'il fit au Maine en 1433-1434, n'osa s'attaquer à Laval, mais l'alerte fut vive. Du mardi 6 au 12 octobre 1433, « la paour fut du siège et ne pouvoit l'en recouvrer farine ». Au mois suivant, les portes étaient toujours soigneusement fermées et gardées. Ce dut être à cette époque que Saint-Martin de Laval eut à souffrir de l'invasion. Depuis, Laval ne revit plus les ennemis.

Au lendemain de ces désordres, les évêques profitèrent de la paix pour tenir à Laval un quatrième concile, le samedi 8 mars 1455 (n.s.).

Louis XI qui visait à l'annexion de la Bretagne, était le 20 août 1472, à Laval pour se rapprocher des émissaires qu'il avait envoyés au duc. Il laissa à son fils le soin de réaliser cette partie de ses plans. Ce fut pour Laval l'occasion d'alarmes et de fêtes. Les Bretons, traqués chez eux, firent des courses jusque sous ses murs. Puis

Gens d'armes de tous quartiers Se retiroient dans nos sentiers,

écrit Le Doyen, paroissien du Pont-de-Mayenne, qui voyait avec jalousie messieurs de la ville fermer leurs portes dès qu'apparaissaient les soldats. Le 4 mai 1487, Charles VIII, qui avait passé le mois précédent dans le pays de Château-Gontier, arriva à Laval avec « les grans seigneurs de France », et y passa cinq semaines. Après l'insuccès du siège de Nantes, dont il s'était rapproché jusqu'à Ancenis, il rentra à Laval le 17 septembre, suivi par les ambassadeurs de Hongrie, au grand ébahissement des Lavallois, frappés de la richesse d'accoutrement de ces étrangers. Le séjour du roi se prolongea jusqu'au 22 octobre. L'année suivante, après la bataille décisive de Saint-Aubin-du-Cormier (28 juillet), le traité de Sablé (20 août) et un long séjour à la Roche-Talbot, le roi, qui se rendait en Normandie, visita encore Laval, car les comptes du mois d'octobre mentionnent la fourniture de harnais enrichis d'ornements d'argent et de cuivre doré pour ses deux grands coursiers, le Turc et le Grand-Fauveau. La lutte continua alors, mais moins ouverte. De Tours, le roi écrit, le 29 juillet 1490, à M. de Tucé, de faire loger à Laval, « à la moindre charge possible », les compagnies du comte de Vendôme et du sieur de Curton. Puis, prétendant désormais obtenir à la fois le duché et la main de la jeune et intraitable duchesse, il se rapprocha de la frontière bretonne. On prépara au château pour le recevoir avec sa suite des pièces qui étaient dans un désordre complet. Il y arriva le 21 août 1491, alla quelque temps après rejoindre son armée en Bretagne et rentra à Laval le 8 octobre au plus tard pour un séjour de deux mois, pendant lequel, tacitement agréé par la duchesse, il courut sans suite lui présenter ses hommages dans la ville de Rennes, où il la tenait assiégée. Après un simulacre de traité signé dans ces mêmes jours pour abuser les malveillants, le roi revint à Laval et partit pour Tours dans les premiers jours de décembre. Pierre Le Baud, qui fut l'un des négociateurs du mariage, dînait encore à son aumônerie de Saint-Julien le 30 novembre, mais se disposait à partir avec la cour. La future reine ne manqua pas au rendez-vous,

Et incontinent le bornaige De la duchesse et tous ses gens Se partit et fit son passaige Par cette ville (de Laval) à peu de gens.

Femme de Louis XII après l'avoir été de Charles VIII, Anne de Bretagne passa encore à Laval le 4 octobre 1505. La première moitié du XVIe s. fut une ère de prospérité pour la ville. On en trouve la preuve en même temps qu'une contribution précieuse à une partie intéressante de notre histoire littéraire dans la représentation détaillée de nombreux mystères. François Ier visita le pays au mois de juillet 1532 en se rendant en Bretagne pour préparer la réunion définitive de cette province à la France.

Les troubles religieux de la fin du XVIe s. avaient été longuement préparés à Laval. Dès 1526, Jérôme de Hangest, vicaire général de Louis de Bourbon, trouva le danger assez sérieux pour venir prêcher sous les halles contre le luthéranisme. En 1537, Marc Orry venait au nom du roi faire enquête avec le prieur des Dominicains, François Verdier, contre ceux qu'on soupçonnait d'hérésie. Enfin, le 22 et le 28 octobre, le 8 et le 11 novembre 1545, un nouvel inquisiteur, Jean Corbin, conseiller au parlement, dénonça à la cour une vingtaine de personnes de toutes conditions. Du reste, malgré le zèle et la pression de huguenots notoires comme les Coligny, leurs seigneurs, les Lavallois ne se laissèrent jamais entamer dans leur foi. Le rudiment d'Église protestante dont parle le consistoire du Mans, le 26 octobre 1561, ne fut qu'un projet.

Lancelot de Brée, comme lieutenant du gouverneur, et Guillaume Le Breton, son capitaine, tinrent toujours pour le roi et pour la cause catholique. Henri IV, après la soumission du Mans, n'eut qu'à se présenter à Laval pour être reçu par le clergé, harangué par le sieur Guylot et acclamé par le peuple, dont les députés étaient déjà allés au Mans lui offrir 20.000 écus de rançon. Après avoir séjourné du 7 au 17 décembre 1589 dans une maison du Val-de-Mayenne, il laissa comme gouverneur Brandelis de Champagne, marquis de Villaines, et le sieur de Mignonville, son lieutenant. Les bandes anglaises, commandées par Norris, arrivèrent à Laval le 8 janvier 1592, dans la crainte, dit le prince de Dombes, d'une attaque des Ligueurs. Mais Brandelis de Champagne s'accommoda mal des mœurs de ces étrangers pillards, se brouilla avec leur chef et les envoya du côté de Mayenne. Après la défaite de Craon, 23 mai 1592, « la Craonnade », comme l'appelle Du Plessis-Mornay, les royaux ne firent que passer à Laval et l'abandonnèrent aux ligueurs. Boisdauphin, qui en eut le gouvernement, y laissa le capitaine de la Perraudière. Les habitants de la banlieue travaillèrent par corvée aux fortifications et toutes les paroisses du Bas-Maine y contribuèrent par une taille spéciale. Urbain de Laval vint présider à l'élection des députés que le comté devait envoyer aux États de la Ligue. Cependant les royaux de Saint-Luc et les Anglais de Norris, leurs alliés, se tenaient entre Laval et Château-Gontier, ne sachant laquelle des deux villes ils attaqueraient. La Perraudière les poursuivit avec sa troupe et de braves volontaires lavallois, bourgeois, artisans, prêtres même, le dimanche 2 mai 1593. Mais après un premier succès à Entrammes, les Ligueurs se firent battre et perdirent plus de trois cents hommes dont cent huit Lavallois, à la déroute du Port-Ringeard. Saint-Luc et Norris, enhardis par ce succès, vinrent le lundi 3 mai par les deux rives de la Mayenne et tentèrent un coup de main sur les faubourgs de la ville, mais Boisdauphin arriva au secours de la garnison et après trois heures de lutte, Anglais et royaux durent se retirer. Le 7 mai, « la ville et les forsbourgs d'Avénières (étaient encore) circuits de l'armée de messieurs de Saint-Luc et général Noury ». A la fin du mois, il n'était pas sûr encore pour les ecclésiastiques de voyager aux environs. D'Aumont, par l'entremise de ses émissaires — Lancelot d'Andigné de Maineuf surtout, qui avait fait partie de la garnison royale à Laval de 1589 à 1592, — avec quelques hommes influents : Le Clerc de Crannes, Guylot, Charlot de la Claverie, Bigot et Foureau, obtint ce que la force des armes n'avait pu lui procurer. La ville lui fut livrée sans résistance le 27 avril 1594. Louis de Montécler y commanda pour le roi qui, lui-même, passa à Laval après avoir signé à Nantes le traité bien connu. Le gros de son armée y séjourna l'espace de trois jours, « vivant à discrétion à la grande foule et oppression des habitants ».

Le règne de Louis XIII fit ressentir à Laval le contrecoup de ses premiers troubles. Le 4 mai 1616, les troupes du maréchal de Boisdauphin, partisan de la reine, sont depuis six semaines dans le comté « exerçant tant d'inhumanités et de cruautés que le peuple est entièrement ruiné ». Au mois de février 1617, Louis Cazet et les deux échevins, Pierre Moreau et Julien Loriot, vont au Mans prêter serment de fidélité au roi. Les pillages continuent. M. du Plessis de Juigné est sur le pays le 15 août 1617. Ce fut pis encore quand la reine se fut séparée complètement de la cour en 1619. Le 14 avril de cette même année, ordre de M. de Bouillé de bien garder les portes et déclaration des habitants qui promettent soumission aux ordres de leur comte. Le 1er septembre 1626, Louis XIII, revenant des États de Bretagne, tenus à Nantes, passa à Laval avec Monsieur son frère, mais sans réception. La contagion, qui commença à régner en ville cette année 1626, se ranima bien plus meurtrière de 1633 à 1639.

Depuis le commencement du siècle, Laval, obéissant à un mouvement universel de renouvellement religieux, s'était entourée d'une nouvelle enceinte de communautés.

Sous Louis XIV, quatre-vingts jeunes Lavallois s'enrôlent en 1647 sous les ordres du comte de Romorantin, bâtard de Louis de Lorraine, pour une expédition contre les Turcs en Candie. « Nous nous déclarâmes pour le parlement (pendant la Fronde), dit Le Blanc de la Vignolle, Monsieur et Madame ayant entré dans l'union ». Ce ne fut d'ailleurs qu'une attitude de circonstance et assez platonique qui n'eut pas de conséquences fâcheuses pour nos compatriotes. Les guerres qui suivirent amenèrent dans toutes les villes du pays, à Laval surtout, des séjours de troupes en quartiers d'hiver. Au mois de mai 1693, la crainte d'une descente des Anglais en Bretagne y fit concentrer des forces considérables qui s'acheminèrent par Laval, où passa le duc d'Orléans le 31 mai.

Le XVIIIe s., inauguré par le terrible ouragan du 2 février 1701 et qui se termina dans des convulsions bien autrement redoutables, ne fut marqué à Laval au point de vue des événements généraux que par les troubles et la division jetés dans les esprits par le Jansénisme, une part dans les malheurs communs occasionnés par la guerre et les disettes et le développement du commerce local.

On doit considérer comme un prélude de la Révolution le placet de l'Assemblée des notables, du 2 décembre 1788, demandant pour le Tiers-État une représentation égale à celle des deux autres ordres réunis et la suppression des privilèges, vœux auxquels on ajouta celui de la conservation des prérogatives accordées au comté de Laval, avec une représentation pour le Bas-Maine, proportionnelle à sa population. Les cahiers de 1789, ceux particulièrement des communautés, en partie inédits, attaquèrent déjà les ordres religieux dont on réclamait soit la suppression, soit la spoliation partielle, avec application des revenus à la création d'un évêché. La prise de la Bastille, l'épouvante du Vendredi-fou (24 juillet 1789), jetèrent quelque froid sur l'enthousiasme premier. Les Lavallois proposèrent aux Vitréens de s'unir par une correspondance active et pour une défense mutuelle. La milice citoyenne s'organisa sous la conduite de chefs pris dans la noblesse. MM. de Valleaux et de Valois. La disette, les émeutes et les mesures vexatoires qui s'en suivirent mirent dans les esprits des haines et des convoitises que n'éteignirent pas la création d'un comité des subsistances présidé par M. Le Clerc de Terchant, le plus bienfaisant des riches Lavallois.

Laval devenue, malgré les prétentions de Mayenne, chef-lieu du département créé par décret du 23 février 1790, élut sa municipalité qui eut à réprimer une émeute (15 mai), envoya féliciter l'Assemblée nationale et demanda à soumissionner tous les biens nationaux de la commune. L'engouement pour les nouveautés s'accentua derechef à l'occasion des élections aux offices départementaux, 28 juin 1790. La religion ne fut pas tenue à l'écart. Le clergé manifesta presque unanimement un enthousiasme juvénile, malgré les paroles compromettantes de Sourdille de la Valette, le jeune président de l'Assemblée. Une nouvelle émeute (3 août), dans laquelle la municipalité et la garde nationale se compromirent par leur faiblesse, motiva la demande d'un escadron du Royal-Picardie (d'Angers) pour renforcer le Royal-Roussillon en garnison à Laval et un blâme des députés de la Mayenne à l'administration.

La Constitution civile du clergé augmenta la misère publique (lettre des administrateurs). L'élection d'un évêque constitutionnel, dont le premier titulaire déclina noblement la responsabilité, contre laquelle Mgr de Gonssans protesta tout en admettant la création d'un nouveau siège dans les formes canoniques, fut réprouvée de tous les catholiques sincères quand on vit le P. Villar, élu le 20 mars par cent cinquante-neuf voix, faire son entrée (30 mai) au milieu des baïonnettes et au bruit du canon, et devenir membre puis président de la Société des amis de la Constitution déjà composée des éléments les plus compromis dans l'opinion. Le refus unanime du serment constitutionnel par le clergé lavallois (janvier 1791), approuvé et suivi par la grande majorité des habitants, montra combien on était revenu des premières illusions. Mais le parti ultra-démagogique parvenait le 25 août à faire élire à l'Assemblée législative Esnue-Lavallée, Bissy le jeune, Grosse-Durocher. Les craintes augmentèrent. « Depuis huit jours, écrit-on le 22 janvier 1792, il part un grand nombre d'émigrés chaque nuit de Laval ». L'internement de quatre cent cinquante prêtres réfractaires, ordonné illégalement (lettre du ministre du 21 mars 1792) par les administrateurs, leur emprisonnement brutal dans les maisons des Cordeliers et des Capucins, où il n'y avait pas même une litière de paille (20 juin), révoltèrent les catholiques qui se montrèrent comme toujours d'une charité héroïque. Mais les clubistes, encouragés par ces mesures qu'ils avaient sollicitées, adressèrent à l'Assemblée législative une demande de mise en accusation de la reine, pétition qui excita les murmures et le dégoût de l'Assemblée et contre laquelle protestèrent par une adresse du 5 juillet cinq cents royalistes de Laval, aussitôt dénoncés par le procureur syndic. La misère et les désordres ne firent que croître. La ville émit 200.000  de bons de confiance. Les enrôlements volontaires après la proclamation de la Patrie en danger, ne donnèrent que de faibles résultats à Laval et dans tout son district. La Chouannerie naquit enfin de la loi de la conscription qu'on voulait appliquer partout le 15 août. Les commissaires Fauchet et Maurin, envoyés pour réchauffer le zèle des administrateurs, le 8 septembre, ne purent que louer leurs connaissances et leur exactitude, mais ne leur trouvèrent point le patriotisme tel qu'ils l'entendaient. La confiscation des chevaux sur le champ de foire de l'Angevine irrita les paysans, qui firent rapporter l'arrêté. Les députés à la Convention, élus le 2 septembre dans l'église de N.-D. de Mayenne, appartenaient tous au parti avancé.

On se tourne alors contre les prêtres insermentés, dont trois cent quatre-vingt-onze doivent s'embarquer à Granville et à Saint-Malo, aux mois de septembre et d'octobre. C'est le prélude de la dévastation des églises et du pillage des biens des émigrés par des patriotes trop pratiques contre lesquels le département lance des proclamations inefficaces. L'insurrection grandit et la ville appelle à son secours les communes de Forcé, Parné, Louverné, Cossé, Andouillé, Argentré (28 novembre). On veille à la maison commune. L'ancienne société des amis de la Constitution, devenue Club des sans-culottes, affilié aux Jacobins de Paris, applaudit à la mort de Louis XVI, et demande que « le sang des prêtres ruisselle ».

Cent quarante « amis de la république » ont encore le courage de signer une adresse à la Convention pour protester contre ses tendances antireligieuses et rappeler aux députés qu'ily a un législateur au-dessus d'eux (25 février). La Convention répond en envoyant à Laval Fouché, Sevestre, Billaud-Varenne, qui emprisonnent les suspects (26 mars), proscrivent tout culte extérieur et inaugurent la Terreur. La guillotine arrive le 11 avril, et un comité de surveillance, composé de gens sans aveu, est inauguré.

Les hommes de la république bourgeoise de 1790, qui avaient sacrifié assez facilement la royauté et la religion, virent que le danger désormais était sur eux. Une tentative de résistance se dessinait en Normandie et en Bretagne. Les administrations lavalloises s'y rallièrent unanimement et avec courage, envoyèrent le 7 juin à la Convention une virulente adresse où ils demandaient la levée d'une force départementale destinée à marcher sur Paris afin de rendre à l'Assemblée sa liberté, et appelèrent aux armes tous les bons citoyens. La crainte d'une tentative des Vendéens sur Laval fit suspendre quelques jours les préparatifs d'enrôlement, mais le 19 juin, Jourdain et Lair-Lamotte partirent pour la Normandie et Hubert et Sourdille allèrent s'entendre avec les fédéralistes bretons. Les volontaires réunis à Laval le 23 juin, partis le 4 juillet, arrivés à Caen le 9, passèrent le 14 à Évreux sous les ordres de Joseph de Puysaie. La veille avait eu lieu l'échec de Vernon. Malgré l'ardeur belliqueuse qu'ils avaient manifestée, les Mayennais se retirèrent sur Caen, en repartirent le 27 juillet et rentrèrent à Laval le 3 août. Les corps administratifs avaient fait leur soumission le 23 juillet et célébré le 28, avec un enthousiasme factice, la fête de la nouvelle constitution. Mais dénoncés par les districts d'Évron et d'Ernée, par le comité de surveillance de Laval, destitués le 4 octobre par Thirion et Esnue-Lavallée, les principaux chefs furent presque tous victimes de leur courageuse mais tardive détermination.

Le passage de la Loire par les Vendéens, le 18 octobre, donna un autre cours aux idées et aux appréhensions. Les administrateurs firent évacuer les prisons sur Rambouillet et Alençon (22 octobre), et convoquèrent les gardes nationales des environs. Esnue-Lavallée était parti pour Craon avec sept cent cinquante hommes, toute la cavalerie et trois canons. Malgré l'avis très sage de Letournault, adjudant général des Côtes de Brest, Rochette, commandant de la légion du district, voulut tenir. Les Vendéens parurent le mercredi 23 octobre, à sept heures du matin. Il n'y eut pas de résistance sérieuse. Les six mille gardes nationaux jetèrent leurs armes et s'enfuirent dans toutes les directions. Le plus grand nombre de ceux qui périrent furent tués aux Bouchers (route de Mayenne) et sur la route de Paris.

Après leurs succès des jours suivants contre les armées républicaines (V. la Croix-Bataille), les Vendéens rentrèrent à Laval, rendirent la liberté aux prisonniers, émirent du papier monnaie, et repartirent le 2 novembre pour Granville, suivis d'un corps de cinq mille royalistes du pays de Laval connu sous le nom de Petite-Vendée et commandé par M. Besnier de Chambray, sous les ordres supérieurs du prince de Talmont.

D'Alençon où ils s'étaient mis en sûreté, les administrateurs salués d'une façon peu académique à Mayenne par le représentant Letourneur et le général Huchet, rentrèrent à Laval avec le général Danican et la garnison de Valenciennes, appelèrent la commission Félix, et lui livrèrent tous les suspects que désignait le comité révolutionnaire et la suivirent à Angers au second passage des Vendéens, le 27 novembre, après l'échec de Granville. Ils ne reparurent avec Esnue-Lavallée, le 5 ou le 6 décembre, que pour s'esquiver une troisième fois quand la malheureuse armée royale, après le désastre du Mans, revint le 14 décembre exténuée, décimée. Westerman se vante d'avoir fait des Vendéens une boucherie sans exemple. « Je suivis l'ennemi sur la route de Laval où, à chaque pas, des centaines et des milliers de brigands trouvèrent la mort. Ils se dispersèrent dans les bois, abandonnant l'armée ; les citoyens des environs les traquèrent et les ramenèrent par douzaine, tous furent taillés en pièces. C'est sur des monceaux de cadavres que le 24 frimaire au soir (14 décembre), je suis arrivé à Laval. » Cinq cents malheureux qui n'avaient plus la force de se soutenir, furent désarmés à Laval par des mégères. Les massacres continuèrent sur le chemin de Craon. Les prisons regorgèrent et le typhus s'y déclara. La commission Proust ne suffisant point pour expédier tous ces détenus, Bourbotte et Bissy créèrent le 22 décembre 1793, spécialement pour la Mayenne, la commission Clément qui envoya à la mort quatre cent soixante-une victimes. Le supplice des quatorze prêtres infirmes restés dans la prison de Patience et exécutés le 21 janvier fit une vive impression. Au témoignage d'Enjubault-Bouessay, peu suspect en cette matière, c'est bien comme prêtres et sur leur refus d'apostasier qu'ils furent condamnés. Les exécutions du prince de Talmont, d'Enjubault, de Jourdain, furent accompagnées d'actes de sauvagerie.

Le règne de la Terreur durait encore à Laval deux mois et demi après le 9 thermidor. Nulle part, suivant la déclaration d'un représentant à la tribune (7 février 1795), elle n'avait été aussi odieuse. Boursault et Baudran remplacèrent enfin le 15 novembre 1794 la sinistre commission Clément, et arrêtèrent les terroristes de marque qui, du reste, faisaient, même en prison, plus de peur qu'ils n'en éprouvaient, et qu'on ne traita pas sans égards en attendant le bénéfice d'une amnistie générale. Enfin le 21 décembre 1794, on décréta « que le pavé de la place de la Révolution où l'échafaud de la guillotine était placé et le ruisseau qui avait été fait pour faciliter l'écoulement du sang serait relevé. » Cela ne veut pas dire que les exécutions sanglantes cessèrent.

C'est maintenant aux Chouans, organisés avec les débris de la Petite-Vendée, avec de nouvelles recrues et avec de nombreux déserteurs du régiment de la Montagne, que Laval aura affaire. Dès le 21 mars 1794, le Directoire demande des secours en vue d'une attaque imminente, à la ville de Château-Gontier qui a tout assez de se défendre contre Coquereau. Le 30 novembre, la ville est bloquée, les magasins sont vides. Les paysans, dit-on, d'accord avec les Chouans, ou sous les menaces qui leur sont faites, refusent de battre leurs grains et d'en amener en ville. Le 20 avril 1795, on décide d'employer l'armée à l'approvisionnement. Presque toutes les sorties sont l'occasion de combats avec les Chouans, qui souvent reprennent les convois et harcèlent les républicains jusque dans les faubourgs. Puis les soldats et leurs chefs pillent avec une telle licence et Gency, leur général, s'en trouve tellement décrié même auprès des autorités, qu'il doit quitter son poste pour un temps (20 juin 1795). Les royalistes du reste deviennent de plus en plus entreprenants. Le comité de salut public accorde un secours de trois millions à la ville pour se procurer des vivres (13 août).

La loi du 21 février 1795, accordant en principe la liberté des cultes, avait fait rentrer à Laval quelques prêtres de Rambouillet et de Bordeaux, qui dirent la messe dans les églises de Patience et d'Avénières. Mais les restrictions apportées par les lois du 30 mai et du 29 septembre détruisirent les espérances qu'on avait conçues. Les prêtres furent de nouveau incarcérés au couvent des Bénédictines et dans une maison du bas de la rue Renaise où on les laissa plus de vingt jours sans distribution de soupe, couchés sur une paille fétide, qui n'avait pas été renouvelée depuis trois mois le 18 décembre. On ne gagna rien aux élections pour l'Assemblée législative qui virent reparaître, outre Bentabolle, le conventionnel ami de Danton, Serveau, Enjubault, Bissy et Delauney. L'état de siège fut décrété dans la ville dont on ferma les issues par des portes, d'ailleurs peu défensives, « comme celle des maisons. »

De la pacification du 14 mai 1796 date, malgré des retours passagers aux mesures violentes, malgré quelques troubles et les inquiétudes causées par la prise d'armes des Mécontents, le commencement d'une période de paix et de réparation. « Depuis six mois, écrit au Directoire dans une dénonciation haineuse le citoyen Lair, au mois de septembre 1797, on ne porte plus de cocarde, cinquante prêtres disent la messe dans des chambres, on entend sonner l'Angelus dans les paroisses voisines ; les croix, les bonnes Vierges reparaissent parées comme sur des autels ; les juges mêmes acquittent des royalistes et des prêtres. » Après le 18 fructidor (4 septembre 1797), qui fit revenir aux mauvais jours de la Terreur ; après la fermeture des deux loges des francs-maçons le 17 décembre 1797, on doit signaler encore une tentative des Jacobins, Juliot-Morandière et Dutertre en tête, pour reprendre le pouvoir. Ils profitèrent de la présence à Laval d'un détachement de l'armée d'Italie (11 mars 1798), cherchèrent à l'entraîner dans leur complot et faillirent amener par deux fois une collision sanglante avec la garnison. Les agitateurs demandaient encore deux cents têtes pour régénérer l'esprit public à Laval. Ils obtinrent leur révocation, « à cause, dit le ministre, de leur conduite crapuleuse. » Grosse-Durocher entreprit, à son tour, après le 15 floréal an VII, de renverser les administrateurs réélus, mais échoua lui aussi.

Cette année 1799 qui vit presque la fin des guerres civiles, fut marquée à son début, le 6 janvier à quatre heures six minutes du matin, par un tremblement de terre qui dura à Laval trente secondes, le vent soufflant du S.-O. et un épais brouillard enveloppant la ville. La prise d'armes des Mécontents qui jeta l'épouvante dans toutes les petites villes du département, inquiéta moins sérieusement Laval où l'on se mit pourtant sur la défensive, en réclamant le 16 août 1799, les canons envoyés l'année précédente à Angers. La garde nationale et la garnison allèrent se faire battre à Louverné le 1er octobre. Il y eut panique après la prise du Mans le 18 du même mois ; le général Darnaud fit abattre les arbres sur la route, mit la ville en état de siège, enferma quarante otages, hommes et femmes dans l'église de la Trinité ; mais l'alerte avait été vaine. Le 18 brumaire mit fin virtuellement à la Révolution.

Le Consulat et l'Empire, servis avec zèle à Laval par le préfet Harmand, y ramenèrent l'ordre et la paix. La municipalité avait été réorganisée le 7 avril 1800. Mgr de Pidoll fit son entrée solennelle le 10 août 1802, escorté de toutes les autorités. La population supporta avec résignation les charges que lui imposa l'Empire. On vit les jeunes gens des familles nobles et riches s'enrôler dans la garde d'honneur du souverain. Un véritable enthousiasme était réservé pour le retour des Bourbons soit avant soit après les Cent-Jours. Mais dès 1816 la cherté des vivres occasionne des émeutes (16, 19 et 22 novembre). En 1818, des incendies attribués à la malveillance et des bruits alarmants répandus dans le peuple, ont pour but de discréditer le gouvernement. Les sentiments royalistes de la population se manifestent néanmoins avec vivacité à l'occasion de l'assassinat du duc de Berry, du baptême du duc de Bordeaux, au passage du premier régiment de la garde royale revenant de la guerre d'Espagne (5 novembre 1823), et surtout pour la réception de la duchesse d'Angoulême qui arrive à Laval le dimanche 16 septembre 1827, sur les quatre heures du soir, venant de Rennes.

Pourtant la cause légitimiste était perdue depuis que les libéraux, qui n'étaient que des révolutionnaires incorrigibles, avaient trouvé sur les marches du trône un soutien de leurs idées. Le préfet de la Lézardière arriva à Laval pour décrier le clergé et blâmer « la funeste austérité de principes » des légitimistes purs. On ne connut le résultat des journées de juillet que le 31. D'un commun accord, M. de Pontfarcy au nom des légitimistes et M. Jules Le Clerc au nom des libéraux, s'engagèrent à ne pas prendre les armes et à maintenir l'ordre dans la ville. En 1832, le choléra régnait dans la ville et au mois de juillet un conseil de guerre, installé au palais de justice, prononçait contre les insurgés légitimistes plusieurs sentences de mort heureusement rapportées. Le gouvernement nouveau se vit à son tour à Laval en face des difficultés de la crise ouvrière (1843) et des revendications que la visite du duc et de la duchesse de Nemours ne purent étouffer. En 1846-1847, il fallut faire venir cent quarante carabiniers du Mans pour maintenir l'ordre. Le 1er décembre 1847, M. Jules Le Clerc donna sa démission de maire.

La proclamation de la république (27 février 1848) se fit sans désordre, grâce à l'énergie de la commission municipale. Le 18 mai la municipalité et la garde nationale protestèrent contre l'invasion de la Chambre par les émeutiers de Paris. Au mois de juillet, les élections municipales appelaient à l'hôtel de ville des libéraux modérés, et celles du mois d'août portaient au conseil général deux légitimistes. En décembre, Louis Napoléon obtenait 6.648 voix contre 1.765 accordées à Cavaignac. Devenu empereur, le prince passa deux fois à Laval, le 11 juin 1856 et le 21 août 1858, mais se contenta, la seconde fois, de la réception à la gare. Les administrations lavalloises qui eurent à défendre

les intérêts du pays contre le préfet Delattre, montrèrent, d'accord avec toute la population, leur patriotisme dans la guerre de 1870-1871, Laval fut la dernière étape de l'armée de Chanzy. Le 18 janvier 1871, un combat d'avant-poste avait lieu à l'étang de Barbé et le 10e corps de l'armée allemande (général Schmidt) devait attaquer les débris de l'armée quand intervint l'armistice, suivi de la paix. Le maréchal Mac-Mahon, président de la République, passa à Laval la matinée du 18 août 1874 ; le président Félix Faure s'y arrêta quelques heures le 13 août 1896.

Arch. nat, G/7. 521, 524 ; JJ. 122, f. 75 ; 174, f. 82 ; 176, f. 7 ; KK. 73, f. 17 ; 324 ; X/1a. 49, f. 120 ; 150, f. 142 ; 174, f. 114 ; 1.514, f. 158 ; 4.789, non paginé, 2 mai 1413. — Arch. de l'hôpital de Laval, comptes 1433-1434. — Ins. eccl., t. XIX, f. 287, 294. — Arch. de la M., E. 342. — Rev. du Maine, t. XXV, p. 193 ; t. XLVIII, p. 11, 18, 120-125.

II. Féodalité. — BARONNIE ET COMTE,

CHATEAU ET MURS DE VILLE, SEIGNEURS.

La baronnie de Laval, inféodée dans le premier quart du XIe s. par Herbert Éveille-Chien en faveur de Guy Ier, qui nomme le comte carissimus dominus noster, était limitée au N. par celle de Mayenne, à l'E. par celles d'Évron et de Sainte-Suzanne ; elle pénétrait dans le Haut-Maine de toute l'étendue de la Champagne du Maine, joignait au Midi les baronnies angevines de Château-Gontier et de Craon, à l'O. celles de Vitré et de Fougères, et comprenait 84 paroisses en totalité et 27 partiellement. Dix châtellenies : la Champagne, Montigné, Meslay, Montsûrs, Courbeveille, Montjean, la Gravelle, Bazougers, Vaiges, Olivet, en dépendaient et étaient presque toutes pourvues de châteaux forts. Quelques-unes données en apanage à des cadets firent retour à leur centre par diverses voies. Saint-Ouen fut acquis en 1408, avec Juvigné. C'était, dit-on en 1550, le plus grand comté du royaume. Le reste du territoire, donné par sous-inféodation à des familles de chevalerie, resta, sauf quelques enclaves, dans la mouvance des barons de Laval qui, pour le tout, Saint-Ouen excepté, relevaient à foi et hommage lige et sous le devoir de 8 chevaliers d'ost pendant 40 jours, du comté du Maine. Mais, après l'érection de Laval en comté, quand Louis XI devint héritier du roi de Sicile, 1482, il décréta « par édit et statut royal que ladite comté de Laval (serait) doresnavant tenue et mouvante neuement, à foy et hommage lige, des rois de France, à cause de la couronne et non à cause de la comté du Maine, de laquelle elle a esté tenue et subjette par ci-devant ».

Le 17 juillet 1429, jour de son couronnement à Reims, Charles VII éleva la baronnie en comté, en récompense de la « bonne loyauté » des dames de Laval et de leurs enfants. Leur ville était aux mains des Anglais, mais désormais les Français avaient bonne confiance de bouter dehors leurs anciens ennemis. Le parlement de Poitiers enregistra l'acte le 17 mai 1431. Peu à peu les privilèges qui découlaient de cette érection ou qui furent ajoutés à cause des services des nouveaux comtes, donnèrent à leur comté une indépendance et une importance considérable. Toutes les juridictions des châtellenies, divisées en neuf bailliages, s'exerçaient à Laval. Le comte était fondateur de toutes les églises paroissiales, sans préjudice pourtant des droits des seigneurs inférieurs qui, en fait, jouissaient des honneurs ; il était tenu à l'entretien des ponts.

Le comté réclama et finit par obtenir un droit de représentation aux États-Généraux, malgré les chicanes des officiers du comté du Maine. Il eut aussi ses gouverneurs spéciaux depuis la fin du XVIe s. : Louis de Montécler, 1586. — Brandelis de Champagne, 1589, 1592. — Le sieur de la Perraudière, lieutenant du maréchal de Boisdauphin, au nom de la Ligue, 1592, 1594. — Brandelis de Champagne, 1595. — René de Bouillé, 1627. — François de Montécler, 1667. — Louis-Joseph de Montécler, 1684, 1686. — Le duc de la Trémoïlle, † 1723. — Charles-Marie de Birague, 1723. — Pierre-Marie-Alexis du Plessis d'Argentré, nommé à l'âge de cinq ans, en 1776, mort au château du Rocher de Mézangers le 15 mars 1843.

Le comté de Laval, quoique saisi plusieurs fois par les créanciers et menacé de confiscation et d'union à la couronne de 1560 à 1570, ne fut jamais aliéné. Pour parer aux chances d'un morcellement, Charles-Belgique de la Trémoïlle, par testament du 18 avril 1709, le substitua à l'aîné de sa race, autant que la coutume le permettait, c'est-à-dire jusqu'au troisième degré. Jean-Bretagne-Charles-Godefroy, en qui expirait la substitution, la renouvela par son contrat de mariage avec la comtesse de Salm le 13 juin 1763 et de nouveau en mariant le prince de Tarente, son fils, au mois de juillet 1781.

Beaucoup de fiefs secondaires venaient compliquer la situation féodale du territoire de la ville.

Même en 1749, le conseil de tutelle du duc de la Trémoïlle reconnaissait encore « qu'il n'y avoit pas la troisième partie de la ville et des faubourgs dans le fief direct du comté. Tout le reste étoit dans de petits fiefs secondaires qui relevoient eux-mêmes de Laval ». Les fiefs de Bootz, de Guette, de Bressau et des Courtils, qui avaient appartenu pendant des siècles aux seigneurs de Saint-Berthevin, furent acquis d'Hubert de Champagne en 1667. Celui du Pont de Mayenne avait été échangé pour la seigneurie de la Cropte par Foulques de Mathefelon, en 1265 ; la sergenterie en appartenait, en 1407, à Jean de Montenay, chevalier. Tous les établissements religieux anciens avaient fief et seigneurie, comme Saint-Martin, Sainte-Catherine, Saint-Tuguau (1384), Saint-Michel, Clermont, l'Hôpital, Saint-Étienne. On connaît en outre le fief de Belotoisel, qui s'étendait dans la rue Gaudin et vers la Valette ; celui de Chantelou, annexé à la seigneurie d'Hauterives, et dont relevait l'hôpital ; le fief Havard, que tenait le seigneur de Poligné (XVe siècle) et dont la mouvance s'étendait à la fois au Pont de Mayenne et devant la Trinité. Le commandeur de Thévalle avait fief « en dedans de la cloison de la ville » ; le fief de Villaine, dont le four banal était à la Croix-Bidault, appartenait à l'abbé de Toussaint. Le Blanc de la Vignolle dit que les fiefs qui s'étendaient ainsi dans la ville provenaient de ce que les familles nobles, en se retirant à la campagne dans leurs châteaux, y avaient rattaché féodalement leurs anciennes possessions urbaines. Je ne vois rien qui justifie cette explication.

Château, murs de ville. — Le gros œuvre du château, bâti vers 1020 par Guy Ier, subsiste, remanié profondément, mais le donjon et la chapelle ont été à peine modifiés. Jusqu'à présent on s'est borné dans les vues du vieux Laval à reproduire cette grosse tour, en quelque sorte obsédante, et quelques ornements de détail, mais personne n'a encore songé, ce qui serait bien autrement intéressant, à donner un plan et des coupes du monument qui permissent d'en reconstituer l'ensemble et la disposition. On vient seulement de publier dans les Archives des monuments historiques (1900), un plan par terre très sommaire du château, et une coupe de la tour, levés par M. de Baudot en 1879. Les deux corps de bâtiment formant un angle dont le donjon occupe le sommet, longeant l'un la Grande-Rue, l'autre le Val-de-Mayenne, sont assez reconnaissables, mais on ignore comment était disposée la muraille qui fermait le triangle ou les deux côtés du quadrilatère en dedans de la ville. M. de Villiers dit en avoir vu des restes, ainsi que des traces des fossés qui le protégeaient. Le long du Val- de-Mayenne, dans la roche servant d'assise aux murs, étaient creusées des grottes, qualifiées « gueules soubs le chastel » au XVe s., et ordinairement occupées par des particuliers. Des échoppes s'appliquèrent aussi au pied des murs, et les excavations que pratiquèrent tous ces locataires firent craindre pour la solidité des murailles et même de la tour.

Au mois d'avril 1508, Guy XI faisait construire

Un pavillon sur la pousterne En manière d'une lanterne

que reproduisent nombre de vues et qui n'a disparu qu'en 1851. Il entreprit aussi une galerie où

Messieurs ses enfans auront beau Leur solascier et esbattre Fussent-ils cinquante et quattre,

écrit Le Doyen. Comme la motte dont parle le même chroniqueur, et qu'aimait Charles VIII, la galerie a disparu pour faire place au nouveau château. Mais avant de bâtir ce nouvel édifice, de 1517 à 1525, le seigneur de Laval voulut encore orner son ancienne demeure. Un architecte habile, mais inconnu, ouvrit du haut en bas, dans les murs des vieux bâtiments, sur la cour intérieure, cinq brèches qu'il remplit par de belles décorations dans le style de la Renaissance, encadrant une porte, une fenêtre et un riche fronton qui s'élève à mi-hauteur du toit. Tous les caprices d'un art infiniment varié se jouent dans ces sculptures crayonnées dans tous les albums. L'écu de Guy XVI, le chiffre d'Anne de Montmorency, sa femme, datent cette œuvre autant que le genre qu'elle affecte. La devise SE SE SE, souvent répétée, se traduit, paraît-il, par Semper eadem. Le château neuf proprement dit comprend une galerie sur laquelle s'élèvent un étage et des combles éclairés par des fenêtres à meneaux. Guy XVII le fit construire, de 1540 à 1542, par un architecte dont on connaît le nom, Jean Garnyer. L'œuvre, restée inachevée, a été augmentée depuis 1850, à gauche d'un pavillon, d'une travée et d'une aile à droite. Avec ses pilastres ioniques et corinthiens superposés, ses consoles supportant la corniche, avec la simplicité de ses ornements et une certaine majesté grave, le château neuf confine à l'art grec plutôt qu'à celui de la Renaissance. Il s'achevait à l'époque où les seigneurs de Laval allaient cesser d'y résider. Un siècle plus tard, les officiers du comté l'habitèrent. M. Hardy de Lévaré, maire, dessina et fit bâtir en 1710 un magnifique portail. On projeta en 1723 de transférer dans les galeries du rez-de-chaussée et dans la cour le marché aux toiles. Depuis 1792, le vieux château servit de prison ; prison il est resté, mutilé, méconnaissable. Le château neuf est devenu palais de justice. La chapelle, dont on aperçoit les fenêtres romanes s'ouvrant dans la grande muraille sombre du Val-de-Mayenne, est celle qui servit aux offices des chanoines de Notre-Dame du Château avant leur translation au Bourgchevreau. Les voûtes d'arêtes retombent sur deux rangées de colonnettes légères, à chapiteaux ornés de feuillages et d'entrelacs, et sur des demi-colonnes engagées dans les murailles, divisant le vaisseau en trois nefs et quatre travées. La chapelle mesure 16 m. de longueur, 12 m. 30 de largeur et 5 m. 60 sous voûte. Elle a été restaurée en 1851 par M. Renous et ornée de verrières en 1854 par M. Lusson, du Mans, celle du milieu représentant la mort, l'assomption et le couronnement de la Vierge. La cloche servant de timbre à l'horloge du château, et qui pesait 2.690 livres, portait deux écussons carrés aux armes de Montmorency-Laval et l'inscription

L'an mil CCCC soixante et quatre. Anne, comtesse de grand renom De Laval, sans rien rabattre, Me fit faire et porte son nom.

Elle venait sans doute de Saint-Tugal, construit à cette époque par la comtesse. La municipalité l'a vendue en 1837 à M. Gourdin, horloger. Le château est classé comme monument historique depuis 1840.

Les murs d'enceinte, construits par Guy Ier au XIe s., ont disparu, mais ont été relevés probablement sur les anciennes fondations. Guy XII, appuyé d'une partie des habitants, ecclésiastiques, bourgeois et manants de la ville, d'Avénières. de Saint-Melaine, de Grenoux et de Saint-Berthevin, obtint du parlement, le 15 octobre 1407, la levée d'un subside, qui ne fut pas perçu alors parce qu'on le trouva trop onéreux et insuffisant pour mettre la ville en état de défense, mais qui, sollicité de nouveau le 4 juillet 1408, fut imposé pour 6 ans à raison de 6 deniers pour livre sur les vins, 12 deniers sur les draps du pays, 2 sols 6 deniers sur les draps de Brabant, de Mâlines, de Montiervillier, de Saint-Lô, de Rouen, de Bernay et autres, de 15 deniers sur chaque cent de toile blanche ou écrue, 20 deniers sur le cent de laine et de cire, 6 deniers sur la somme de poisson, et 2 deniers pour livre sur toutes les autres marchandises. Il y eut opposition de la part d'un grand nombre de gens, sous prétexte que la taxe avait été consentie par crainte du seigneur et du sire de Gavre, dont les hommes d'armes occupaient la ville. Mais l'exécution de l'arrêt n'en fut pas moins pressée par une nouvelle sentence du 12 mai 1414, et l'on peut croire que les travaux d'alors comprirent la réparation presque totale des murs.

L'enceinte partait de l'extrémité nord du château, suivait la rue de la Poterne, la Rue-Neuve, atteignait la tour Renaise et de là, en ligne droite, la porte Beucheresse, faisait une courbe jusqu'à la tour angulaire des Éperons, d'où elle allait s'amorcer au bas de la Grande-Rue à la grosse tour ou donjon, dite tour Soubite. Sauf sur le Val-de-Mayenne, les murs, de 8 pieds d'épaisseur à la base, de 23 à 38 pieds de hauteur, étaient coupés de 60 en 60 mètres par des tours semi-circulaires s'élevant de 10 à 30 pieds au-dessus des parapets crénelés. Ces tours, d'au moins 24 pieds de circonférence pour la partie circulaire, avaient pour la plupart des guérites en maçonnerie ou en charpente. Un boulevard extérieur enveloppait le Val-de-Mayenne, du pont à la tour du Diable ; un autre, plus moderne peut-être, qualifié seulement demi-lune, protégeait la porte Beucheresse.

Quatre portes donnaient accès dans l'enceinte : la Porte-Peinte, qui était au bas de la Grande-Rue, fut remplacée avant 1683, à l'entrée de la rue de Rivière, par la Porte-Neuve, démolie elle-même à la suite de deux votes de novembre 1792 et janvier 1793 ; — la porte Renaise, dite « portal de Renaise » en 1458, flanquée de deux grosses tours à voûtes, « sur le point gothique », encore défendue par un pont-levis en 1646, fut détruite en 1783 avec l'une des tours ; la seconde tour existait encore en 1800. Près de là se trouve la tour Renaise, bâtie, dit-on, par André de Laval, maréchal de Lohéac, de 47 pieds de diamètre à son sommet, haute de 70 pieds au-dessus des fossés (1772), ayant, outre son cachot souterrain, deux étages voûtés, auxquels mènent des escaliers multiples dans l'épaisseur des murs ; un gros canon, monté sur la plate-forme, servait aux salves d'artillerie des fêtes républicaines. La poudrière y resta jusqu'en 1837 ; Guillaume Raveau y avait installé une fabrique de plomb de chasse. — La porte Beucheresse, ainsi appelée parce qu'elle conduisait à la forêt, reste accostée de ses deux tours comme un spécimen des anciennes fortifications. La procession des Rameaux passait sous son arcade brisée et le détenteur de la maison Rigoncyau devait y faire porter « troys pots de vin de Marche et douze eschaudez de deux deniers la pièce, à l'heure que l'on dit Attollite portas, pour le maistre de sallette, pour les enfans et autres qui chantent ledit jour sur ladite porte (1524) ». L'une des tours était déjà cédée pour l'usage en 1632, par le duc de la Trémoïlle, au propriétaire de la maison voisine. La demi-lune ou redoute ne fut supprimée qu'en 1754 pour faciliter le passage vers les halles aux toiles. — Quant à la porte de Belot-Oiseau, située près du Tertre-Mauvoisin, par où les Anglais entrèrent en 1427 et devant laquelle le sire de Laval fit jeter en 1508 un pont, dit Pont-Neuf, sur le fossé, afin d'aller s'ébattre au lieu de Montmartin, elle fut murée plus tard. On la désigne en 1772 comme une fausse porte, entre la 7e tour et la 8e depuis la porte Beucheresse, surmontée d'un corps de garde et environnée d'un bastion de 16 toises de circonférence. On en retrouva les vestiges en 1843 quand on fit le raccord entre la rue des Chevaux et la place de Hercé.

La tour de la Poterne, dans le Val-de-Mayenne, avait un passage voûté pour cette rue et renfermait un escalier conduisant de l'enceinte du château dans le boulevard. Comme elle soutenait l'angle du château neuf, on craignit longtemps d'y toucher. Le vote définitif pour sa suppression est du 5 nivôse an III.

Le Pont-Vieux, avec son curieux châtelet, complétait les défenses de la ville. M. Couanier de Launay a confondu la construction du pont de la porte Mauvoisine avec une prétendue reconstruction du pont sur la Mayenne vers 1500. Notre pont est plus ancien de trois siècles. La première arche est percée d'une large ouverture pour le pont-levis. La porte, dite de Saint-Julien, large de 9 pieds, profonde de 18 et haute de 13 pieds sous voûte, flanquée de deux ailes dont la base s'appuyait aux contreforts et dans le lit même de la rivière, surmontée de deux « tourelles formant une bastille », offrait l'aspect d'un édifice original dominant les Trois-Moulins et toutes les maisons bâties sur pilotis qui bordaient les deux côtés du pont dans la rivière. Les deux tours et les maisons en bordure furent démolies pour la plupart en 1779.

Le quartier du Pont-de-Mayenne et les autres faubourgs avaient été pourvus en 1593 d'un système de défense auquel travaillèrent, par réquisitions et corvées, les habitants de la banlieue comme ceux de la ville. Les portes de Saint-Michel, de la Croix-Bidault, de la rue Sainte-Anne, de la rue du Hameau ou du Puits-Rocher, et celles des Trois-Croix, en faisaient partie. La porte de Sainte-Anne disparut en 1717, quatre autres en 1745 ; celle du Puits-Rocher depuis la Révolution. Henri IV contremanda l'ordre qu'il avait donné à M. de Montécler de raser les murs de Laval. Il fut fait encore une levée d'impôts en 1624 « pour la réparation de la ceinture des murs et des ponts de la ville » ; mais ce fut sans résultat, et depuis on assiste, d'année en année, à la ruine graduelle des tours et des murailles. Les particuliers obtiennent des concessions pour y ouvrir des brèches, y appuyer des maisons, y suspendre des jardins. En 1733, et d'une seule fois, 144 pieds de murs sont cédés à François Berset ; 113 à François Le Jay et autant à Ambroise Gombert. L'hôtel de ville demande au duc de la Trémoïlle, en 1743, de supprimer les fausses portes des faubourgs et les cintres des portes de ville. Ce fut exécuté en partie. Une montrée des murailles et des tours, faite en 1772 par les officiers royaux, portait à 104.000  les dépenses à faire pour remettre l'enceinte en état, et rien ne fut entrepris parce qu'on dut reconnaître que murs et fossés appartenaient au comte de Laval. Cependant outre la tour Renaise et la porte Beucheresse, on peut voir encore des parties importantes des courtines dans les propriétés particulières, spécialement dans celles qui bordent au nord la place de Hercé et l'un des côtés de la rue Souchu-Servinière.

Barons puis comtes de Laval. — La filiation des Laval vient d'être établie par M. le comte A. Bertrand de Broussillon, avec un soin qui simplifie beaucoup ma tâche sur ce point. Il est de toute justice de le reconnaître.

Guy, 1020-1065 circa, reçut l'inféodation de la baronnie et fonda la ville. L'historien de la Maison de Laval n'admet pas qu'on l'identifie avec le donateur du prieuré d'Auvers-le-Hamon à l'abbaye de la Couture. Le fait est pourtant certain et éclaire peut-être l'origine du personnage. Pour s'en convaincre, il n'y a qu'à se reporter à l'historique du prieuré de Saint-Martin de Laval. On y verra que Guy Ier, avant de fonder ce prieuré, avait tenté, avec le secours d'un moine nommé Guérin, d'établir près de ses murs une abbaye, lui attribuant comme première possession l'église d'Auvers. Or, Guy donne plus tard à l'abbaye de la Couture (Cart., ch. X) le monastère d'Auvers comme l'avait possédé Guérin, uti Garinus possedit. Les témoins sont d'ailleurs du pays de Laval, et le donateur est accompagné de deux fils nommés Jean et Hamon, comme ceux de Guy Ier de Laval. Il est vrai que cette charte contient des anachronismes et des interpolations, mais le fond n'en subsiste pas moins d'autant plus probant qu'il est opposé aux prétentions exprimées ailleurs des moines de la Couture. C'est encore du prieuré d'Auvers qu'un successeur de Guy Ier cherchera plus tard à tirer quelques-uns des religieux qu'il voudrait fixer à Laval. Je propose de traduire par Guy d'Avessé les mots que dans la charte de la Couture on a lus Wido de Danazeio ou de Davazeio. Avessé, qui appartint jusqu'au XVIe s. aux Laval, est comme Auvers dans la Champagne, donnée par le comte Hugues à Guy de Laval, et pourrait être le lieu d'origine du fondateur de Laval.

Autour du baron se groupent déjà de puissants vassaux, probablement pourvus par lui de leurs fiefs : les Le Franc, les seigneurs d'Arquenay, de la Cropte, d'Orange, de Maisoncelles, d'Entrammes, de Bouère, de Saint-Denis, de Saint-Berthevin, de Sourches, de Vaiges, d'Anthenaise, du Bignon, de Marboué, de Méral, etc., etc.

Guy épousa d'abord Berthe de Toësny, dont il eut deux fils : Jean, moine de Marmoutier, Hamon, second seigneur de Laval, et trois filles ; et en secondes noces, Rotrude, fille d'Hamelin de Château-du-Loir, sœur de l'évêque du Mans Gervais, qui lui donna plusieurs terres avec leurs églises, restituées par Guy à Saint-Julien du Mans. Guy et Gervais, fils du second lit, sont mentionnés vers l'an 1040. Leur père, qui fit le voyage de Jérusalem en 1039, est dit senior en 1055 et disparaît après 1064.

Hamon, fils puîné du précédent, devenu son héritier principal par l'entrée en religion de Jean, son aîné, mourut vers 1080 et fut inhumé à Marmoutier. Hersende, sa femme, lui survécut.

Guy II était jeune quand il succéda à son père vers 1080. Il perdit sa première femme, Denise de Mortain, nièce de Guillaume le Conquérant, en l'an 1090. Il épousa depuis Cécile et mourut pendant que Burgondie, mère d'Alard de Château-Gontier, était prieure d'Avénières. L'auteur de la Maison de Laval a cru devoir dédoubler ce règne et l'attribuer à deux personnages qu'il nomme Guy II (1080-1093) et Guy III (1093-1119). Ce système se heurte à des impossibilités. Celui qui serait Guy III devrait être fils de Guy II ; or il est dit expressément fils d'Hamon dans deux chartes (Nos 75 et 91 du Cart. de Laval), Cécile est donnée comme femme de Guy II, alors qu'elle devrait être, dans la même supposition, femme de Guy III (Ibid., no 85). De plus, d'après une charte notice de Saint-Serge, le seigneur de Laval qui avait assisté en 1090 au plus tard à la donation d'Astillé vivait encore sous l'abbé Gaultier, élu en 1103. Enfin, le fait qui date le plus précisément la mort d'un Guy de Laval au commencement du XIIe s. est le priorat de Burgondie à Avénières ; or il prit fin avant 1114 et Burgondie ne quitta plus l'abbaye du Ronceray depuis cette époque. La mort de Guy, fils d'Hamon, eut donc lieu vers 1110. Cette date lève les difficultés secondaires qui avaient confirmé l'auteur de la Maison de Laval dans son système. La raison principale qui l'avait déterminé est la qualification de Guido quintus, prise par le petit-fils de Guy II. L'explication cependant est facile, car la première fois que cette mention se rencontre, c'est sous la forme Guido Lavallensis dominus quintus, ce que l'on doit traduire non pas Guy V, seigneur de Laval, mais Guy, cinquième seigneur de Laval, qualification parfaitement exacte puisqu'il y eut quatre seigneurs de Laval avant Guy titré cinquième. Dans d'autres circonstances, la forme Guido quintus Lavallensis dominus pourrait prêter à une amphibologie qui n'existe pas dans le texte déjà cité et qu'on retrouve postérieurement. Cette interprétation avait déjà été donnée par Aristide Guibert dans son Histoire des villes de France, t. III, p. 411. Il faut tenir compte des observations qui précèdent pour dater les chartes du Cartulaire de Laval. Guy II, qu'un seul document qui n'est pas à l'abri de toute supposition d'inexactitude nomme Guy le Chauve, eut pour enfants : Guy, Hugues, Gervais et Agnès, femme d'Hugues de Craon. Il mourut vers 1110 et fut sans doute enterré à Marmoutier.

Guy III, mineur et sous la tutelle de son oncle Hugues quand il succéda à son père vers 1110, soutint jeune encore une guerre sérieuse contre Lisois de Sablé et, entré dans une confédération de seigneurs contre Geoffroy Plantagenet, fut le premier soumis par lui après le sac de son château de Meslay, 1129. Il mourut peu après, laissant d'Emma sa femme, épousée vers 1120 : Guy, Hamon († 1194), et probablement Emma, abbesse du Ronceray, 1163-1190.

Guy, fils du précédent, se qualifia, comme on vient de le dire, cinquième seigneur de Laval ; son fils se dit de même sixième seigneur ; leurs successeurs s'abstinrent de tout titre d'ordre. Mais plus tard les historiens reprirent comme point de départ du numérotage des Guy de Laval le chiffre de Guy V. L'usage s'était introduit en effet dans la famille de nommer Guy les héritiers de la maison. La Roque, dans son Traité de l'origine des noms (p. 110-112), résumé ce que l'on admettait de son temps (1681) sur ce point. Ce privilège, écrit-il, avait été attribué par le pape Pascal II, vers 1101, à Guy de Laval qui avait fait partie de la première croisade avec ses frères ; Philippe Ier avait ratifié cet acte, et Guy VII, par testament de 1268, en avait prescrit l'observation. La Roque renvoie aux Registres du parlement, ce qui sous cette forme vague n'est pas une référence. Quant au testament de Guy VII, il fut passé à Lyon en 1265 (et non 1268) et ne contient aucune clause relative à la transmission et à l'adoption du nom de Guy. Cet usage n'en exista pas moins en fait jusqu'à François de Coligny, dit Guy XX. Guy, qu'on peut continuer de nommer cinquième dans le sens susdit, mineur et sous la tutelle d'Emma sa mère, peu après 1130, majeur en 1142, est le premier de sa maison qui ait eu un sceau et un contre-sceau où il est représenté d'un côté avec la broigne, de l'autre en haubert. Il fonda en 1152 l'abbaye de Clermont et y fut inhumé au mois de décembre, de 1180 à 1185. D'Emma, sa femme, il eut Guy et Cécile ou Sybille, mariée à Émery de Thouars.

Guy VI suivit le parti de Richard Cœur de Lion contre Henri II, 1189, s'attacha quelque temps à la fortune de Jean sans Terre, 1201-1202, puis se rangea au parti d'Arthur et du roi de France. D'Avoise de Craon, qu'il avait épousée avant la mort de son père, il eut : Osanne, morte jeune, Guyonnet, Emma et Isabelle. Il mourut en 1210.

Guyonnet ne fut que quelques mois seigneur de Laval, sous le bail de Raoul de Beaumont, Il mourut le 8 septembre 1211 et fut enseveli à Clermont.

Emma, sœur de Guyonnet, lui succéda dans toutes ses seigneuries. Elle épousa : 1° vers 1215, Robert III d'Alençon, qui la laissa veuve le 8 septembre 1217 avec un fils, Robert IV, qui ne vécut que deux ans ; 2° en juillet 1218, Mathieu II de Montmorency, veuf de Gertrude de Nesle, et qui fit épouser à son fils Isabelle de Laval, sa belle-sœur, mort, laissant Guy VII de Laval et deux filles, le 24 novembre 1230 ; 3° en 1231, Jean de Toucy, d'où une fille, nommée Jeanne. Emma mourut âgée de soixante-six ans et fut inhumée à Clermont en 1264.

Guy VII, né vers 1219, épousa : 1° en 1239, Philippa de Vitré, fille aînée d'André III, morte à Paris le 21 septembre 1254, et qui le fit héritier de la baronnie de Vitré ; 2° avant 1257, Thomasse de Pouancé, veuve d'André de Vitré, et belle-mère de sa première femme, d'où : Mahé, Bouchard et plusieurs autres enfants. Il mourut à l'expédition de Naples, vers 1265. — Auteur de la branche de Laval-Montmorency, il porta d'abord les armes de Montmorency avec un franc-quartier d'hermine pour brisure. Puis ayant hérité de Mathieu de Montmorency, son frère consanguin, en 1250, il adopta son écusson à la croix chargée de cinq coquilles, mais chargea son contre-sceau d'un léopard, indiqué déjà vaguement dans les sceaux de Guy V et d'Emma de Laval sa mère. Le sceau des contrats de Laval allia aussi depuis cette époque le léopard de Laval à la croix et aux alérions de Montmorency.

Guy VIII, fils de Philippa de Vitré, épousa : 1° âgé de vingt ans, en 1260, Isabelle de Beaumont, fille de Guillaume de Beaumont, seigneur de Pacy-sur-Marne, morte en 1272 après avoir donné le jour à Guy et Guillaume ; 2° le 11 novembre 1286, Jeanne, dite de Beaumont, fille de Louis de Brienne et d'Agnès de Beaumont, qui lui donna huit enfants et lui survécut jusqu'en 1323. Guy avait suivi Philippe le Hardy contre le comte de Foix en 1272 et fait la campagne de Gascogne contre les Anglais, 1294-1295 ; il mourut au cours des opérations à l'Ile-Jourdain, le 22 août 1295.

Guy IX, fils d'Isabelle de Beaumont, avait épousé en 1286 Béatrix de Gavre, héritière d'une puissante maison de Flandre. « Il prit part à toutes les guerres de son temps : en 1297, 1303, 1304, il accompagnait en Flandre Philippe le Bel ; en 1317, il était sous les étendards de Philippe le Long ; en 1324, sous ceux de Charles de Valois ». Décédé le 27 janvier 1333 à Landavran, près Vitré, il alla rejoindre sa femme, enterrée à Clermont en 1315. Il laissait huit enfants.

Guy X, né vers 1295, fiancé à Jeanne de Chemillé vers 1313, épousa en 1315 Béatrix de Bretagne, fille d'Arthur II ; accompagna Philippe de Valois à Tournay, en 1340, prit parti pour Charles de Blois, son neveu, dans la guerre de succession de Bretagne, et mourut à la bataille de la Roche-Derrien le 18 juin 1347. On l'enterra à la Madeleine de Vitré. Sa femme, qui lui survécut jusqu'au 7 décembre 1387, lui avait donné trois enfants.

Guy XI, fait prisonnier à la bataille où son père perdit la vie, marié le 11 mars 1339 à Isabeau de Craon, mourut sans enfants le 22 septembre 1348 et fut inhumé près de son père.

Jean de Laval, dit Guy XII, frère du précédent, épousa d'abord Louise de Châteaubriant, héritière d'une puissante maison de Bretagne et pendant la vie de celle-ci écartela son écusson de ses armes ; mais elle le laissa veuf sans enfants le 29 novembre 1383. Il convola dès le 28 mai 1384 avec Jeanne de Laval, veuve du connétable du Guesclin, laquelle fit rentrer dans la branche aînée des Laval des terres considérables qui en étaient distraites depuis plusieurs générations. Placé entre ses devoirs envers le roi de France et ses attaches multiples avec la Bretagne, il sut au moins rester toujours l'ennemi déclaré des Anglais. Il mourut le 21 avril 1412 et fut enterré à Clermont, où l'avaient précédé Béatrix de Bretagne, sa mère, et Louise de Châteaubriant, sa première femme, et où vint le retrouver Jeanne de Laval. Leurs monuments, souvent reproduits, étaient le plus riche ornement du chœur des Cisterciens.

Jean de Montfort, dit Guy XIII, seigneur de Kergarlay et de Lohéac, épousa le 22 janvier 1405 Anne de Laval, devenue seule héritière de la maison de Laval depuis la mort de son frère, tombé en jouant dans le puits du bas de la Grande-Rue, le 25 mars 1404, et inhumé aux Cordeliers de Laval. Il s'était engagé à prendre le nom de Guy de Gavre avec les armes de Montmorency-Laval, brisées d'un lambel à trois pendants, tant que vivrait son beau-père. Héritier de Laval en 1412, père de cinq enfants, il entreprit néanmoins le 30 avril 1413 le voyage de Terre-Sainte, tomba malade à Rhodes, y testa le 9 août 1414, y mourut le 12 et y fut inhumé. Anne de Laval, restée veuve à trente ans, s'éprit d'un cousin de sa maison, Guy Turpin, élevé près d'elle, car on le trouve dès 1401 attaché à la personne de Guy XII. Il y eut entre eux mariage clandestin en 1416, « grabuche », opposition ardente de Jeanne de Laval, qui fit annuler le mariage dans ses effets religieux et civils, mais aussi revendications hardies de Guy Turpin, qui prit le titre de sire de Laval dans des actes nombreux, et d'Anne de Laval, qui ne se détacha de cette passion qu'après une longue et surtout vive résistance. Turpin eut des compensations territoriales à Paris pour renoncer à ses prétentions, puis il passa en Flandre et se maria à Agnès Soymans.

Anne et sa mère habitèrent Vitré pendant que la guerre sévissait plus âprement à Laval. Elles y moururent d'ailleurs l'une et l'autre, la mère le 27 décembre 1433, la fille le 28 janvier 1466. Celle-ci avait fait construire l'église de Saint-Tugal ; elle voulut y être inhumée. Le corps de Jeanne, ramené à Laval, grâce à un sauf-conduit du duc de Bedfort, fut déposé d'abord aux Cordeliers et porté de là à Clermont.

Guy XIV éleva la maison de Laval à son plus haut degré de puissance et d'honneurs. Après avoir suivi Jeanne d'Arc d'Orléans à Reims, il revint épouser le 1er octobre 1430, à Redon, Isabelle de Bretagne, fille de Jean V, dont il eut dix enfants en treize ans. Veuf le 14 juillet 1444, il épousa le 23 octobre 1450, après des péripéties romanesques et dramatiques, Françoise de Dinan, âgée de quatorze ans. Sa situation l'appela à servir d'intermédiaire entre le duc de Bretagne et le roi de France. Quand le duc Jean voulut faire sa paix avec Charles VII en 1430, il signa les lettres de sûreté données aux envoyés du roi, et le duc s'engagea peu après à l'envoyer au service de la France sur les frontières du Maine et de l'Anjou, lui avançant immédiatement 22.000 . Le comte de Laval fit partie au mois de juillet 1446 de l'ambassade qui alla négocier la paix avec le roi d'Angleterre ; il fut le 28 décembre 1446 l'un des trois parrains d'un fils de Charles VII, et figura souvent à la cour. Il vécut presque constamment dans ses terres de Bretagne quand il ne suivait pas le roi, mais il n'en voulut pas moins être inhumé dans cette église de Saint-Tugal, dont sa mère avait fait la chapelle funéraire de sa famille. Il était mort à Châteaubriant le 2 septembre 1486, ayant encore trois fils de Françoise de Dinan (V. ce nom). Il avait fondé à Saint-Julien du Mans la fête de la Visitation, récemment instituée par le concile de Bâle, 1431.

Guy XV, cinquième enfant de Guy XIV et d'Isabelle de Bretagne, né à Moncontour le 16 novembre 1435, avait été nommé François par François de Bretagne, son oncle. Il porta ce nom avec le titre de comte de Gavre et de Montfort pendant la vie de son père. Il épousa le 8 janvier 1464, à Tours, Catherine, fille du duc Jean d'Alençon. Ce nouveau lien et ceux qui unissaient déjà sa maison à la race des rois de France lui firent introduire dans ses armoiries d'abord l'écusson de France (1478), puis celui d'Évreux, et sur le tout le lion de Vitré (1480). Il avait pris soin de s'assurer contre les revendications que pouvaient lui attirer cette infraction aux conventions du contrat de mariage de Guy XIII avec Anne de Laval. Créé grand maître d'hôtel de France en 1488, il mourut à Laval le 28 janvier 1501 et fut enseveli à Saint-Tugal le 15 février suivant. Catherine d'Alençon, qui mourut elle-même à Montjean le 18 juillet 1505 et le rejoignit à Saint-Tugal le 30, ne lui avait pas donné d'enfants.

Nicolas de Laval, dit Guy XVI, neveu du précédent, fils de Jean de L. et de Jeanne du Perrier, épousa, la veille même de la mort d'un oncle qui le faisait seigneur de Laval (27 janvier 1501), Charlotte d'Aragon, princesse de Tarente. Il vint avec sa jeune épouse faire son entrée solennelle à Laval le surlendemain des funérailles de ce même oncle. Charlotte, morte en couches de son quatrième enfant, le 6 octobre 1505, fut inhumée le 11 à Saint-Tugal par le cardinal de Luxembourg. Guy convola le 5 mai 1517 avec Anne de Montmorency, sœur du futur connétable du même nom, laquelle mourut, elle aussi, en couches de son quatrième enfant, le 29 juin 1525, à Comper. Yves Mayeux ramena son corps à Saint-Tugal, le 23 juillet. Antoinette de Daillon devint le 24 août 1526 la troisième femme de Guy XVI. Celui-ci, blessé d'un coup de pied de cheval dans les bois de la Gravelle, mourut à Laval le 20 mai 1531 et fut enseveli à Saint-Tugal. Son train de vie comme lieutenant puis comme gouverneur de Bretagne avait été celui d'un prince ; ses funérailles, décrites par Jean Mitou, furent les plus somptueuses qu'on ait vues à Laval.

Claude de Laval, dit Guy XVII, fils aîné d'Anne de Montmorency, mineur à la mort de son père, eut pour curateur Jean de Laval, seigneur de Châteaubriant, et fut marié par Anne de Montmorency, son oncle et tuteur, à Claude de Foix, fille d'Odet de F., vicomte de Lautrec, le 23 octobre 1535, dans la chapelle seigneuriale de Châteaubriant. Les époux ne firent leur entrée à Laval qu'en 1538 et furent reçus en grande pompe. Guy XVII prit part à toutes les guerres qui eurent lieu de son temps entre François Ier et Charles-Quint, et mourut sans enfants à Saint-Germain-en-Laye, le 15 mai 1547, âgé de vingt-sept ans. Son corps, déposé pendant longtemps dans l'église Saint-André-des-Arcs, sa paroisse, fut ramené à Laval et enterré à Saint-Tugal le 13 novembre 1548.

Guy XVIII. — Renée de Rieux, nièce du précédent, fille de Claude de Rieux et de Catherine de Laval, succéda à son oncle. Elle était mariée depuis le 5 janvier 1545 à Louis de Sainte-Maure qui prit le nom de Guy XVIII. Elle obtint contre lui le droit de régir ses biens, mais en fut privée par arrêt du parlement. Le mauvais ménage des époux fut un désastre pour la maison de Laval, Renée, dite aussi Guyonne et Guyonne la folle par les historiens lavallois, qui figure comme marraine aux registres de Courbeveille en 1551, donna dans l'hérésie, et mourut au château de Laval, le 13 décembre 1567. On l'enterra néanmoins à Saint-Tugal, sans cérémonies extérieures.

Paul de Coligny, fils de François de C. et de Claude de Rieux, celle-ci issue de Claude de Rieux et de Catherine de Laval, devint seigneur de Laval par le décès de Renée de Rieux, sa tante, et prit le nom de Guy XIX. Il mourut au mois d'avril 1586, laissant veuve Anne d'Alègre et un fils, François de Coligny, dit Guy XX, âgé de deux ans, mort le 3 décembre 1605 (V. l'art. Coligny).

Après le trépas de Guy XX, il fallut remonter à Anne de Laval, mariée en 1521 à Louis de la Trémoïlle, pour trouver dans sa descendance un héritier du comté de Laval et de ses annexes. Ce fut Henri de la Trémoïlle, prince de Talmond, né en 1599, qui épousa Marie de la Tour-d'Auvergne le 19 janvier 1619, et mourut le 25 janvier 1674. Il eut pour successeurs les suivants, qui auront des notices personnelles. — Louis-Maurice de la Trémoïlle, fils puîné (Henri-Charles, son aîné, était mort deux ans avant son père), abbé des Charroux et de Talmond, fut comte de Laval jusqu'à sa mort, janvier 1681. — Charles-Belgique de la Trémoïlle, neveu du précédent, mort à Paris le 1er juin 1709 après avoir substitué le comté de Laval. — Charles-Louis-Bretagne de la T., fils du précédent, décédé en 1719. — Charles-Armand-René de la T., né le 14 janvier 1708, † 1741. — Jean-Bretagne-Charles-Godefroy de la T., né le 5 février 1737, mort à Chambéry le 19 mai 1792.

III. Institutions religieuses. — CLERGÉ SÉCULIER. — 1. EVECHE ET SEMINAIRE. — 2. ARCHIPRETRE, ARCHIDIACONE, DOYENNE. — 3. PAROISSES. — 4. CIMETIERES. — 5. CHAPITRES. — CLERGÉ RÉGULIER. — 1. ORDRES ET CONGREGATIONS D'HOMMES. — 2. COMMUNAUTES DE FEMMES. — 3. CHAPELLES.

CLERGÉ SÉCULIER

1. —  EVECHE ET SEMINAIRE

Évêché. — Le territoire de l'évêché actuel de Laval dépendait avant la Révolution de l'évêché du Mans pour la plus grande partie et de celui d'Angers pour la partie sud de l'arrondissement de Château-Gontier — quarante-sept paroisses. — Au Concordat, il fut tout entier incorporé au diocèse du Mans. Dès le commencement du XVIIe s., la question de l'érection d'un siège à Laval avait été soulevée et Le Clerc du Flécheray, en 1690, dans sa Description du comté de Laval, l'appelait de tous ses vœux. On peut mentionner historiquement aussi la création en 1790 d'un évêché constitutionnel de la Mayenne, à condition de constater en même temps qu'il fut schismatique et non catholique. Il eut deux titulaires, Villar et Dorlodot (V. ces noms). Le nouveau concordat proposé en 1817 et rejeté par la Chambre, comprenait pour le département un siège épiscopal. En 1841, M. William d'Ozouville, encouragé par Mgr de Hercé, évêque de Nantes, son beau-père, se fit l'apôtre de la cause lavalloise, l'appuyant de considérations historiques mais surtout se dépensant en démarches qui finirent par aboutir.

Le projet de cette érection, admis par le conseil général en 1848, présenté en 1849 au concile provincial de Rennes, puis au ministre des cultes et au président de la République, eut en 1851 l'approbation presque unanime de toutes les communes de la Mayenne. La mort de Mgr Bouvier (29 décembre 1854), dont on ne voulait pas attrister la vieillesse, leva le dernier obstacle. Le clergé de Laval et tous les corps constitués adressèrent des pétitions à l'Empereur, sollicité en même temps par MM. Esprit Segretain et Jules Le Clerc, députés. Une délégation spéciale, à la tête de laquelle étaient MM. Davost, curé de la Trinité, et Gérault, curé de Saint-Vénérand, reçut aussi dans une audience aux Tuileries le 28 janvier 1855 la promesse qu'une commission allait être saisie de la question. Voté au corps législatif, le 14 mars, par 178 voix contre 28, et le 26 au Sénat, le projet reçut son exécution, 30 août, par la promulgation de la bulle de Pie IX et la désignation de Mgr Wicart, évêque de Fréjus, au nouveau siège, suffragant de la métropole de Tours. Un hôtel et un terrain, anciennement nommés la Bedouère, bien patrimonial de la famille Letourneurs, avaient été affectés à cette œuvre par Mme de Berset de Vaufleury. Viollet-Leduc vint à Laval le 18 septembre inspecter la cathédrale et les emplacements de l'évêché et du séminaire. Le plan du palais épiscopal comprend un corps de bâtiment orienté à l'E. et à l'O., entre deux ailes peu saillantes. Un portail monumental donne entrée dans la cour (M. Lambert, architecte).

Cinq évêques sont déjà décédés sur le siège de Laval : Nosseigneurs Wicart (Casimir-Alexis-Joseph), 28 septembre 1855, démissionnaire en 1876, † 8 avril 1878 (V. ce nom). — Le Hardy du Marais (Jules-Denis), né à Valenciennes le 7 janvier 1833, nommé le 29 mai 1876, sacré à Paris le 24 septembre, intronisé le 17 octobre, † le 20 juin 1886. — Maréchal (Victor), né à Conflans (Moselle) le 7 octobre 1838, sacré à Versailles le 25 juillet, nommé le 16 avril 1887, intronisé le 7 août, décédé le 21 septembre de la même année. — Bougaud (Louis-Victor-Émile), nommé le 8 novembre 1887, † 7 novembre 1888 (V. ce nom). — Cléret (Jules), né à Carentan le 29 décembre 1835, aumônier de la flotte, archiprêtre de Saint-Lô, nommé le 28 août 1889, sacré à Saint-Lô le 16 février 1890, intronisé le 23 du même mois, † 23 janvier 1895.

Séminaire. — La quête et souscription diocésaine prescrite par Mgr Wicart pour la construction d'un séminaire, « sans lequel, disait-il, l'établissement épiscopal est incomplet et le diocèse en souffrance », produisit 260.000 fr., lesquels, unis à la contribution de l'État (485.000 fr.), permirent de poser le 28 août 1859 sur le terrain de Beauregard, payé aussi par le gouvernement, la première pierre de cet édifice. La rentrée s'effectua pour les deux premiers cours dans l'aile du Nord, à peine terminée le 8 décembre 1860. Aujourd'hui complet (les ailes du sud ont été achevées en 1899), œuvre de M. Lambert. le grand séminaire se développe sur une longueur de 100 m., façade principale au levant, socle en granit, ouvertures, pilastres, bandeaux, entablement, frontons alternativement triangulaires et cintrés, en pierre blanche. Il a un cachet de grandeur que d'autres édifices beaucoup plus dispendieux n'atteignent point, quoique les lignes manquent un peu de saillie. A l'intérieur, un large corridor sur lequel s'ouvrent des deux côtés les chambrettes, se répète à chaque étage tandis qu'au rez-de-chaussée, règne une galerie formée de hautes arcatures et desservant toutes les salles communes et la chapelle. Cette chapelle, commencée en 1882 au centre de la façade ouest, sur devis de 110.000 fr. — Coquart. architecte — sortait à peine de terre que le cinquième de la somme totale avait été absorbé. On dut réduire le plan primitif. Le 16 septembre 1870, Mgr Wicart avait mis son séminaire à la disposition des autorités militaires. L'établissement a eu pour supérieurs : Sebaux (Léopold), 1860-1872, † évêque d'Angoulême 1891. — Hoisnard (Victor), 1872-1887. — Daligault (Jean-Baptiste), 1887.

2. ARCHIPRETRE, ARCHIDIACONE ET DOYENNE.

L'archiprêtré de Laval comprenait dans la première organisation du diocèse les doyennés de Laval, Mayenne, Ernée. Je ne connais que deux titulaires de cette dignité : Hubert, cité dans une charte du Ronceray vers 1120 ; Guillaume de Sablé, connu par le cartulaire de Saint-Vincent, XIIIe s. — En 1230, l'évêque Maurice remplaça les archiprêtrés par des archidiaconés, et après enquête du grand archidiacre et d'un chanoine de Paris, fit approuver cette nouvelle organisation par le pape Grégoire IX, au mois de novembre 1232. Laval est au second rang des six archidiaconés du diocèse ; le doyenné d'Évron, moins Saint-Denis-d'Orques, s'ajoutait aux trois précédemment désignés. L'archidiacre avait pour la visite de ses suffragants un droit de provende qui fut dans la suite transformé en une redevance fixe proportionnée aux revenus du bénéfice. Comme la charge appartenait ordinairement à un chanoine, je m'abstiens de donner la liste des titulaires.

Doyenné. — Aussitôt que la ville de Laval se fut fait reconnaître par le nombre de ses habitants, par ses fondations religieuses, par l'étendue de la baronnie dont elle était le chef-lieu, comme l'un des centres importants du diocèse, l'évêque Renaud s'empressa d'y déléguer un doyen (vers 1075) pour le représenter. Au XVe s., le doyen de Laval se prétendait inamovible, l'évêque au contraire soutenait que, de temps immémorial, il pouvait nommer tel prêtre qu'il voulait, même un curé, à l'un des deux synodes annuels. L'abbé de Beaulieu, chargé de l'enquête, conclut en faveur du prélat le 14 juin 1434.

Doyens : Hubert avait reçu avant 1076 comme annexe de sa charge des droits sur l'église de Nuillé-sur-Vicoin. Il assiste à la visite du prieuré d'Avénières par l'évêque Renaud et paraît comme témoin, après 1104, d'un accord entre l'abbesse du Ronceray et Guérin de Saint-Berthevin. Geoffroy, son fils, fut curé de la Chapelle-Anthenaise. — Hamon, neveu du précédent. — Lisiard, avant 1133 ; il eut par don de l'abbé de la Couture une part dans les oblations de Priz et de la Trinité, et vivait encore en 1179 d'après une charte de Marmoutier. — Guillaume, 1194. — Barthélemy, vers 1200. — Renaud du Cormier, 1208, 1209. — Robert, 1222. — Guillaume, chargé par Grégoire IX d'excommunier Pierre Mauclerc, 1226, 1237. — Pierre de la Marie, 1245, 1260 ; son sceau ovale est chargé d'un croissant montant et au-dessus d'une étoile à huit branches. — Guillaume, 1272. — Hamon du Boisgamats, chanoine du Bourgchevreau, jouissait de la cure d'Andouillé, 1340. — Jean Colgais, 1393. — N. de la Durantière, 1405. — Jean Leroyer, Rotarii, avait dans ses prisons un clerc nommé Robin Davy, 1420, 1421. — Pierre Guyon, 1433. — Macé Dupont et Jean Chenevelle, curé du Buret, en compétition, 1434. — C. Bigot, 1462 ; sceau ovale chargé d'une aigle éployée. — Jean Leroyer, curé de la Trinité de Laval, 1478, 1481. — Jean Le Riel, témoin au jugement du cardinal de Luxembourg entre la prieure et les habitants d'Avénières, 1493. — B., 1497. — Jean Le Jay, chanoine du Cimetière-Dieu, curé de Ruillé-le-Gravelais, † juillet 1532. — Olivier de la Pommeraie, seigneur du Verger, 1543. — Guy Plessis, 1553. — François Troussard, 1587. — Jean de Charnacé, curé de Saint-Vénérand, 1594. — Pierre Marais, 1607. — André Ragareu, curé de l'Huisserie, 1614, 1621. — François Bellanger, curé de la Trinité de Laval, et ses successeurs dans la suite.

Le Doyenné de Laval, qui comptait trente-trois paroisses, onze prieurés et l'abbaye de Clermont, était limité par la Mayenne et par le doyenné de Sablé à l'E., par l'Anjou au S., par la Bretagne à l'O. et par le doyenné d'Ernée au N.

Laval comprend depuis le concile de Rennes (1849) les doyennés de la Trinité et de Saint-Vénérand, correspondant aux deux cantons civils Laval-Est, Laval-Ouest, sauf la nouvelle chapelle paroissiale de Saint-Pierre de Laval attribuée à la Trinité.

3. PAROISSES.

La Trinité, église paroissiale et cathédrale. — L'enceinte de Laval avait été construite sur un terrain qui dépendait au point de vue paroissial de la petite église de Priz, dès lors concédée aux religieux de la Couture. En principe, cette situation se perpétua longtemps, mais la population urbaine ne pouvait être privée d'église et l'abbaye mancelle se hâta de lui procurer cet avantage. Vers 1070, sous Hamon de Laval, les Bénédictins acquirent plusieurs emplacements de maisons, indemnisèrent le seigneur, sa famille, ses officiers, et des fonds qu'ils envoyèrent de l'abbaye ou de leurs revenus à Laval construisirent une église à trois nefs, transept voûté, chœur avec abside, absidioles dans les bras du transept. Sauf que l'abside du chœur était simple et non trilobée, c'est le plan de la Cassine de Bonchamp. Les absidioles étant séparées du chœur et non appliquées latéralement comme à Saint-Jean de Château-Gontier et à l'église d'Azé, ne se trouvaient pas dans l'axe des basses nefs. Les arcades en plein cintre qui établissaient la communication de ces nefs avec le transept ont été retrouvées sous l'enduit dans les dernières restaurations, et on a eu l'heureuse idée de les conserver apparentes. Des arcatures, dont les amorces étaient aussi visibles contre les piliers, semblaient avoir à la première époque séparé les bras du transept de l'avant-chœur. Sur l'intertransept s'élevait une tour carrée moins haute qu'elle n'est actuellement. Quelques chapiteaux assez curieux, des dents de scie, des chanfreins, sont les seuls essais de la sculpture dans le monument primitif. Les Bénédictins avaient un chapelain séculier pour y exercer le ministère.

Moins de cent ans plus tard, vers 1150-1160, les religieux de la Couture transformèrent leur église abbatiale, elle aussi à trois nefs, par l'exhaussement des murs des bas côtés, la suppression des murs côtiers de la nef et l'établissement d'une voûte sur le vaisseau qui ne formait plus qu'une seule nef. Ils firent exécuter le même travail à leur église de Laval. On reconnaît encore aux contreforts plats des latéraux, à la qualité inférieure de la maçonnerie dans les parties basses, que ces murs n'ont pas été reconstruits, qu'on s'est contenté de les surélever sans s'inquiéter de leur solidité insuffisante, une combinaison très habile de l'architecte ayant permis de reporter toute la charge des voûtes énormes sur les piliers édifiés alors et qui n'ont pas moins d'un mètre de saillie intérieure et extérieure. Les trois travées de la nouvelle nef sont éclairées chacune de deux hautes fenêtres en plein cintre d'une belle architecture. On fait remarquer dans la construction des voûtes que les arceaux, divisés dès le départ, trouvent tous leur place distincte sur le chapiteau, tandis que plus tard, avec plus d'expérience, on apprit à réunir en un seul faisceau dans la première assise les trois arcs qui soutiennent les voûtes ogivales.

La tour ancienne n'eût plus été proportionnée à l'édifice renouvelé, on la reprit pour l'exhausser en belles assises de pierres de taille soigneusement appareillées et on la décora de belles fenêtres à voussures où déjà point l'arc brisé. Pour soutenir cette surcharge, les piliers furent renforcés en devant d'un placage habilement soudé, lequel en doubla presque l'épaisseur (v. le plan, Recherches sur la Trinité, p. 134), et en côté, par le rétrécissement de l'ancienne arcade romane, remplacée par une arcade gothique plus basse et plus étroite. La flèche, deux fois incendiée, en 1383 et 1563, n'a pas été réédifiée.

A cette transformation matérielle répondirent des innovations d'un autre ordre. Les religieux craignirent que le seigneur de Laval ne voulût dans l'église agrandie installer ses chanoines et faire une collégiale. En lui faisant promettre qu'il n'en ferait rien, ils s'engagèrent à y placer quatre religieux dont l'un serait pris au prieuré d'Auvers-le-Hamon, et même à augmenter ce nombre quand les ressources le permettraient. La clause alors exprimée que le lieu serait in potestate et in arbitrio abbatis, me semble indiquer que Guy V avait, avec le temps, le désir de créer une véritable abbaye. Le prieuré même ne se fit point. Les religieux se contentèrent dans la suite du titre de curés primitifs.

Bien plus, comme le seigneur avait toujours conservé des droits sur une partie de l'église, il finit par les remettre à l'évêque Guillaume de Passavant, qui, par un des derniers actes de sa vie, en fit don à son chapitre du Mans (1186). Telle est l'origine des deux cures de la Trinité. La cure dépendant du chapitre était plus richement dotée au XIIIe s. que celle des Bénédictins, mais plus tard il ne dut plus en être ainsi probablement, car les curés avaient chacun leur semaine d'exercice, alternativement, et il en était ainsi en 1327. Ce dualisme dura jusqu'en 1688.

Cette transformation de l'époque du roman de transition avait à peine agrandi le vaisseau primitif, elle l'avait surtout rendu plus majestueux et plus commode en le débarrassant des piliers qui obstruaient la vue. Dans la seconde moitié du XVe s., on songea à se procurer de l'espace proportionnellement à l'accroissement de la population. On trouva la place voulue sur le pourtour du chœur, occupé par le cimetière qu'on venait de transférer ailleurs. C'était vers l'an 1490, « à la Trinité, dit Guillaume Le Doyen, (ils ont) abattu et démoli les croppes de leur dite église, auquel lieu firent leur chef d'église ainsi qu'il est de présent ; par laquelle chose ils décorèrent leur église ». On ajouta ainsi à l'édifice un espace carré qui, partagé par des piliers convenablement disposés, forma six voûtes : une pour le sanctuaire du maître-autel, deux pour les latéraux, trois pour les nouvelles chapelles du chevet. On fit aussi à cette époque la voûte de la tour et le pignon à crochets à la séparation de la nef et du chœur. Jamet Nepveu, qui même à la fin de sa carrière, en 1525, se ressentait encore des habitudes de l'art ogival qu'il mariait aux procédés de la Renaissance, a pu peut-être exécuter dans sa jeunesse ces premiers travaux. Les voûtes à pendentifs, à nervures prismatiques et habilement ouvrées, lui feraient honneur. L'église formait encore alors un ensemble régulier ; le chœur, avec ses latéraux et ses trois chapelles, figurait un carré long, un peu plus large que la nef. Mais les travaux venaient à peine d'être achevés que l'on sentit encore le besoin de s'élargir. On ne le fit que d'un seul côté, au N.-E., à gauche du chœur. Jamet Nepveu y fit d'abord deux chapelles (1537) ; qui s'avancèrent jusqu'à l'alignement de l'ancien transept ; il les voûta en reprenant la voûte de la chapelle qui venait d'être exécutée et qui joignait la nouvelle construction (Cf. Le Doyen, Annalles et Chronicques, p. 296). Dix ans plus tard, on poussa la construction en l'élargissement toujours jusqu'à la hauteur de la nef. Enfin (1574-1575), et ce fut le dernier complément, on prolongea de la longueur d'une travée le mur déjà repris deux fois, et l'on ouvrit une large arcade non plus sur le chœur mais sur la nef dont l'aspect se trouva profondément modifié, privée qu'elle fut de ce côté d'un tiers de sa longueur totale. Le nouvel architecte rompt cette fois avec les anciennes traditions. L'arc brisé et le style qui en découlent sont délibérément délaissés. Intérieurement, la large voûte se divise en caissons symétriques mais variés, cernés de reliefs saillants, ornés de sculptures, et un grand ovale laissé à jour au sommet, était garni d'un vitrail — N.-D. de Pitié, — éclairé par en haut. Extérieurement, le portail qui donne accès dans cette chapelle est un intéressant spécimen de l'architecture de la Renaissance, déclinant déjà vers l'art grec. Encadré par deux pilastres qui saillissent en encorbellement à leur sommet pour supporter deux petits clochetons, il se termine en un pignon aigu décoré d'une rosace — celle qui éclairait le vitrail de la voûte — qu'accompagne une galerie récemment restaurée. Tout le milieu est occupé par une première rangée de deux colonnes de marbre supportées sur des socles carrés et encadrant la grande porte au tympan autrefois sculpté d'une représentation de la Cour céleste. Au-dessus de la forte corniche portée par cette colonnade, s'étagent deux autres groupes de deux colonnes plus petites, couronnés d'un fronton triangulaire brisé et d'un autre fronton de forme ronde. La grande fenêtre qui éclaire cet étage a pour meneaux quatre colonnettes qui la divisent en cinq compartiments, sans compter la partie cintrée, occupée par trois ovales aplatis d'un effet disgracieux. Les niches contenaient autrefois de grandes statues en pierre. Au mois de juin 1853, on y a placé quatre statues en terre des Agêts, sorties des ateliers de M. Corto-Parry, d'Angers : S. Bernard, S. Benoît, S. Augustin, S. Ambroise. L'effet général de cette façade est certainement imposant et fait dignement face au château neuf construit cinquante ans avant elle. Cette œuvre est due au talent des deux Guillot. Pierre Guillot avait fait l'intérieur de la voûte ; Jean fit et acheva, en le décorant d'architecture, le portail lui-même. En 1898, le pignon fut renversé par le vent ; on refit alors toute la couverture et le pignon fut remplacé par une croupe. Avant qu'on se fût décidé à construire cette dernière chapelle qui est la plus considérable, on avait dû projeter et peut-être commencer la construction d'un portail de moindre proportion dans la chapelle voisine, édifiée en 1550, car je trouve un legs fait à la fabrique à cette intention et en 1552 Jacques et Pierre Jardrin faisaient marché pour la sculpture de quatre statues destinées à la décorer.

Ainsi agrandi, l'édifice se meubla d'autels, de statues, de vitraux, d'ornements divers. On ne comptait pas moins d'une vingtaine d'autels, tous dotés, desservis, entourés des sépultures de ceux qui les avaient fondés, dispersés dans le pourtour du chœur, accrochés à tous les piliers, même à ceux de la nef. On ferait un volume où revivrait la société lavalloise, noblesse, bourgeoisie et petit peuple, avec ses traditions et ses usages religieux, en utilisant les documents qui concernent les chapellenies attachées à ces autels. On comprendrait alors comment le clergé de la paroisse comptait de soixante à quatre-vingts prêtres habitués. Cette histoire, dont j'ai tous les éléments sous la main, je ne l'effleurerai même pas ici dans une énumération rapide. L'autel de la Vierge avait conservé jusqu'au XVIIIe s. « une belle balustrade carrée de laiton, bien ciselée, soutenue par quatre hauts piliers de même métal ». La statue, en marbre blanc, sauvée pendant la Révolution, a été donnée par un marchand, nommé Julien Fardeau, mari de Jeanne Garnier, mort le 20 mai 1684 et dont la descendance se continua dans la famille Beaumont. François Houdault, architecte, fit pour la Vierge, en 1683, un cul-de-lampe en marbre noir, un encadrement en tuffeau, et les inscriptions : Virgini parituræ, Virgini post partum.

Dans un genre de décoration analogue à celui des autels du style classique particulier au XVIIe s., on remarquait l'édifice imposant qui, se reliant aux deux autels placés à l'entrée du chœur, s'élevait jusqu'au sommet du pignon pour servir de trône au grand crucifix. C'était une transformation qu'on put dire heureuse de ces monuments nommés jubés qui, dans beaucoup d'églises, séparaient la nef du chœur en coupant les lignes générales de l'architecture. Ici, au contraire, l'arcade était parfaitement dégagée, mais les deux pilastres et le pignon qui surmonte le cintre étaient ornés d'un immense retable certainement très décoratif. Une preuve de son importance, c'est le don de 5.000  que M. Marest y affectait généreusement en 1649, à condition qu'une inscription rappelât son nom. Un témoin, qui avait vu cette décoration monumentale, en parle ainsi : « On a fait, il y a quelques années, au bas du chœur, une arcade dont l'ouvrage est fort estimé, tant à cause de sa hauteur qui s'élève jusqu'à la voûte, que parce qu'elle est soutenue par huit colonnes de marbre et qu'elle est toute remplie d'architecture avec huit statues de saints en buste. Au-dessus de cette grande arcade, il y en a une autre soutenue par deux colonnes de marbre, en laquelle est une image aussi en bosse de N.-D. de Pitié, et au-dessus de cette arcade est un grand crucifix qui tient à la voûte ».

Les vingt-deux fenêtres de l'église, tant celles de la nef que celles du chœur, dit le collaborateur de Bourjolly, étaient peintes « avec grand artifice et l'on y voyait la représentation des choses qui se sont passées dans l'ancien et le nouveau testament ». M. Boullier, par la raison peut-être insuffisante que les fenêtres de la nef aussi bien que celles du portail nord étaient en verre blanc à l'époque de la Révolution, suppose qu'elles étaient ainsi cent ans auparavant. En tout cas, tout autour du chœur, les fenêtres étaient garnies de verrières. Guy XVII et Claude de Foix avaient fait faire à Simon de Heemsce, en son atelier de Moulay (1542), celles de Melchisedech et de Judith ; la dame et le seigneur y étaient eux-mêmes représentés au naturel, avec leurs armoiries. François de Laval faisait décorer par le même, en 1543, une des deux fenêtres voisines de l'autel Saint-Jacques, nouvellement ouvertes. Le même artiste, par marché du 19 février 1559 avec la fabrique, fournissait la vitre de N.-D. de Pitié, proche la précédente ; en 1844, cette fenêtre existait encore, quoique dans un état de dégradation lamentable ; elle a complètement disparu depuis. La vitre de l'Image Saint-Michel, vers la sacristie actuelle, fut faite par Guillaume et Tugal Coustard, en 1574. Il faut mentionner encore la Vierge peinte dans le grand ovale de la voûte construite par Pierre Guillot. Un correspondant affirme, dans l'Écho du 12 août 1843, que pour éclairer le chœur on détruisit en 1832 d'anciens vitraux du pourtour et qu'en 1843, ils étaient confiés à une personne qui fut sollicitée de les céder à une dame pour son château. On remarquera encore dans l'église, à défaut de la chaire en fer forgé, œuvre très remarquable exécutée en 1743 par le sieur Raveneau, maître serrurier, mais qui a été malheureusement détruite, les tableaux de la Mort de Saint Bruno, qu'on a voulu regarder comme un second original de Le Sueur, la Décollation de Saint-Jean-Baptiste, triptyque sur bois de l'école flamande du XVIe s., attribué à Aertzen ( ?), et l'Adoration des Mages, signée de Boulogne l'aîné. Le Chemin de Croix, œuvre de M. de Boisricheux, de grandes dimensions, est de valeur discutable.

Les confréries anciennes étaient : celle de Saint-Jacques, antérieure à 1383, dont les bâtonniers et procureurs présentaient à quatre ou cinq chapelles ; — celles des Trépassés, de Sainte-Barbe, de la Conception, de Saint-Sébastien, des Cinq-Plaies, mentionnées en 1558 ; — la confrérie du Saint-Sacrement, fondée au commencement du XVIIe s. et rétablie avec un nouveau règlement en 1826.

Le 16 décembre 1770, eut lieu la réception solennelle d'une relique de la Vraie Croix donnée par M Perier de la Racinière. Le 19 janvier 1775, une procession solennelle alla chercher à l'église des Cordeliers les reliques de saint Barthélemy, de saint Fidèle de Sigmaringen, de saint Jacques et saint Mathias, de saint François de Sales et de sainte Chantal, renfermées dans quatre reliquaires en argent.

La Trinité subit pendant la Révolution toutes les profanations, celles du schisme et celles de l'impiété révolutionnaire. Rendue au culte, d'abord partiellement en 1795, puis complètement au Concordat, elle fut l'objet de générosités multiples qui lui rendirent bien vite la décence convenable et qui, se continuant, secondées par le zèle du clergé, ont permis de lui donner des compléments désirables. Le 21 mai 1847, Mgr Bouvier bénissait la première pierre du transept droit, dont le portail, dessiné par M. Tournesac, est de style roman. C'est aussi dans le même style mais avec beaucoup plus de caractère qu'a été construit, sur les plans de M. Formigé et la direction de M. L. Garnier, la belle façade du bas de la nef. La façade postérieure bordant la rue Charles-Landelle a été restaurée en 1894, les toitures remaniées et des gâbles refaits. En 1897, une sacristie neuve pour le chapitre a été construite. M. Formigé, toujours secondé par M. Louis Garnier, vient de dégager le chœur par un travail très hardi qui ne consistait à rien moins qu'à couper l'une après l'autre les quatre bases de la tour pour les remplacer par des colonnes cylindriques et de forts chapiteaux en granit. L'opération a heureusement réussi. Le résultat est que, provisoirement, il n'y a plus de chœur, si l'on entend par ce nom un espace réservé, ayant sa clôture, et dont la destination se trouve indiquée par une disposition architecturale. L'inconvénient eût été plus sérieux encore si l'on avait sacrifié le maître-autel, d'une valeur réelle, qui arrête au moins les regards à une extrémité. Des boiseries, des grilles artistiques, pourront modifier cet aspect quelque peu fâcheux.

Curés : Hamon Le Gras. Crassus, chapelain de Laval, frère d'Hubert, doyen, est souvent cité au cartulaire du Ronceray avant et après 1100. On lui connaît deux fils, Hugues et Gaudin, chanoine de la Roë vers 1130. Ses successeurs vers 1140 sont dits : rectores de Trinitate. — Guido, rector ecclesiæ sanctæ Trinitatis, 1268. — Pierre Laguille, † 1327. — Jean Lorgre, déjà en possession de la portion du chapitre, obtint celle de la Couture à la mort du précédent, en considération de sa vie exemplaire et de sa science, et sans préjudice pour l'avenir. — André Royer, † 1397. — Jean Ganit ou Gauit obtint une indemnité à l'occasion de l'établissement des Cordeliers, 1398, 1404. — Robert Médex, chanoine de Saint-Tugal, repris pour avoir voulu introduire le costume du chapitre au chœur de son église, 1398, 1417. — Bertrand de Louvigné, condamné à une amende pour avoir exécuté sans mandat des lettres du chapitre, avait pour héritiers en 1444 Michel de la Roche, mari de Guillemette, et Jean Groignet, mari de Robine. — André Fleuriays, 1438. — Jean Leduc, 1444. — Legault, 1445. — Nicolas Sédillé, 1448. — Jean Roussel, chanoine de Saint-Tugal, 1455. — Jean Bodard, 1457, 1462. — Jacques de Fontenaye, 1457. — Jean Leroyer, 1469, qualifié le vieux dans la fondation qu'il fait en 1510 de la chapelle de la Fournerie. — Pierre Lasnier, bachelier en théologie, 1467, 1477. — Charles Geslin, 1490, licencié en théologie, 1510, devient vicaire d'un des deux curés en 1519. — Jean Houeau, 1512 ; le promoteur de l'officialité l'admonesta sévèrement pour non résidence, alors que son peuple, nombreux et zélé pour son salut, ne demandait qu'à être instruit, 1522. — Guillaume Le Gay, docteur en théologie, 1516, 1519, lui aussi se déchargeait de ses fonctions sur un vicaire. — Jacques Dubois, chanoine du Mans, permute avec Florimond Ogier, son collègue, pour la cure de Saint-Germain de Louvigné, 3 mai 1529, et se fait réintégrer à Laval par échange de la cure du Ménil-Germain (Lisieux), 23 mars 1530 (v. s.). — Pierre Belin, 1542, † 1567. — Pierre Ernault, aussi curé de Saint-Mars de la Bruyère, 1548, † 1565. Sa succession fut disputée par Léonard Gigoul, † 1565, Jean Poitevin, Simon du Hardas demeurant à Sainte-Sérote, Thomas Paris, Robert Milles, pendant qu'Antoine Besnier administrait en fait la cure. — Pierre Goueslier, 1569, résigne le 17 octobre 1572 à Mathurin Hochet, qui ne jouit pas de la cure. — Louis Gouin, 1567, † 1568. — Nicolas Saulceron, demeurant au collège de la Justice, à Paris, 2 juillet 1568, remet son bénéfice à Jean Froger pour qu'il en dispose, 14 mai 1571. — Marin Nail, 1571, résigne le 17 avril 1572. — Jean Brouard (V. ce nom), 1572, vicaire de l'archidiacre de Sablé, permute le 19 janvier 1575. — Antoine Le Breton, de Laval, donne au vicaire général des notes sur les nobles de sa paroisse, 1577, est chanoine du Cimetière-Dieu en 1582, † 1584. — Martial de Burlet, du diocèse de Lyon, étudiant en médecine de la faculté de Paris, résignataire de Jean Brouard, accepte par acte du 22 janvier 1575 à Colombiers, mais fut supplanté par : — Antoine Besnier (V. ce nom), vicaire dès 1565, aurait, d'après une tradition peu fondée, été tué à l'autel le jour de la Trinité 1600. Un acte passé le 25 août 1600 entre ses héritiers : Jean et Guillaume B., Robert Marchais, mari de Catherine B., ne fait aucune allusion à une mort tragique. — Jean Busson, licencié en droit, remplace Antoine Le Breton, 19 juin 1584, résigne le 5 juillet suivant. — François Bellanger, curé de Saint-Georges-du-Pain, juillet-novembre 1584. — Jacques Bellanger, 12 janvier 1585, † 1616. — André Marest, successeur d'Antoine Besnier, 1601, maintenu contre Ambroise Beaugeart, était doyen, 1605. — François Leballeur, 1616, curé de N.-D. de Sablé, 1630. — François Rebuffé, 1630-1635. — Guy Rebuffé, 1635-1649. — Julien Bahier, 1649-1666, doyen. — Pierre Gigondeau, chanoine de Saint-Tugal, successeur d'André Marest, 24 mai 1620, doyen, 1631, résigne, mai 1652. — Olivier Marchais, 1652, chanoine de Saint-Tugal, 1667, résigne le 1er décembre 1668, † 20 mars 1677. — Jean Duchêne, curé de la Chapelle-Anthenaise, résignataire de Julien Bahier, 25 août 1666, permute presque aussitôt. — Roch Barbes, chapelain à Saint-Maurice d'Angers, 1666, permute le 28 juin 1667. — Jean Le Barbier, curé de Champéon, 1667, † 18 mai 1673. — Joseph Pouteau, successeur d'Olivier Marchais, 28 janvier 1669, se désista le 14 novembre 1687 en faveur de : — Pierre Bureau (V. ce nom), son collègue, qui resta seul titulaire malgré la présentation de Michel Bresteau par l'abbé de la Couture. L'union des deux portions de la cure, dès lors effective et décrétée le 29 novembre 1688, ne fut pourtant reconnue que le 29 mars 1727 par l'abbé de la Couture, Caillebot de la Salle, et le 12 avril par ses religieux, à condition que la cure unique serait à la présentation alternative du chapitre et de l'abbaye. Un décret du parlement rendu dans ce sens le 20 mai 1745 reçut le consentement des habitants le 29 août suivant. Pierre Bureau avait résigné le 10 mai 1722. — François Fréard (V. ce nom), 29 octobre 1722, résigne le 17 février 1743. — Étienne Le Pelletier, fils du bailli de Sablé, 14 mars 1743-1751 (V. ce nom). — Étienne Couanier des Landes, curé de Lignières-la-Doucelles, 2 janvier 1752. « a beaucoup de mérite » (note de l'évêché), † 15 avril 1779, âgé de soixante-dix-neuf ans, — Jacques Coutelle, que je crois le même que J. Cotelle de la Blandinière (V. ce nom), domicilié au Mans, paroisse de Saint-Vincent, 20 avril 1779, se désiste le 3 mai. — Thomas-René Le Chauve, vicaire au Genest, à Andouillé, à la Trinité, nommé par l'évêque en visite à la Poôté, « pleno jure nostro in turno juris nostri episcopalis », 10 mai 1779. « Excellent à tous égards » (Note de l'évêché), † 24 février 1783. — Jean Turpin du Cormier (V. ce nom), aussi nommé de plein droit par l'évêque, 28 février 1783, quitta son église pour le jour où Villar y parut, le 31 mai 1791, pour se retirer à Saint-Tugal. — Charles-Jean Matagrin, après vacance de huit ans, 22 août 1802, † 16 mai 1806. — François Chéhère, 8 septembre 1806, † 23 avril 1829. — Pierre-François Leterme, né à Laval, 7 octobre 1764, régent au collège et vicaire de Forcé, émigra en Allemagne, rentra et prit une part active à la réorganisation du culte, dirigeait la paroisse depuis cinq ans lorsqu'il fut nommé curé, 29 juin 1829, † 23 août 1830. Jean-François de Hercé, 20 décembre 1830, évêque de Nantes en 1835. — Isidore Boullier, octobre 1835, † 21 mars 1844. — Charles-François Davost, né à Méral le 6 août 1800, curé de Cossé-le-Vivien, 1824, de la Trinité, 24 mars 1844, † 1876. — Édouard-Jean-Baptiste Baudry, d'Évron, vicaire à Saint-Léger, à Saint-Martin de Mayenne, aumônier de l'hospice Saint-Louis, curé de Martigné, de N.-D. de Laval, vicaire général, curé de la cathédrale, 1876, démissionnaire, 1886, † 28 septembre 1889. — Julien-Jean-Marie Bonnel, 1886, † 16 janvier 1888. — Hélie, 1888, démissionnaire, 1897. — Louis Barré, 1897.

Boullier, Rech. sur la Trinité. — Cart. du Ronceray, de la Couture. — Cab. de la Beauluère, Recherches mss., t. III. — Arch. du chap. de Laval. — Arch. du chap. du Mans, B., t. I, f. 60, 185. — Lib. fund., t. I, f. 50, 106. — Province du Maine, t. VI, p. 43. — Bourjolly, Mémoires, passim. — Arch. de la M., E. minutes Noury, 1745.

Saint-Melaine et Saint-Vénérand. — Dans une lettre de l'évêque du Mans Gervais, publiée par les Bollandistes avec la Vie de saint Melaine, le prélat raconte que Rorance, son aïeule, qui possédait en douaire la terre d'Argentré au IXe s., avait une relique de saint Melaine par l'intercession duquel fut éteint un incendie qui dévorait la grange du domaine d'Argentré. On peut croire que cette dévotion locale a déterminé le vocable de l'église de Saint-Melaine, laquelle passa, comme celle d'Argentré, sous le patronage de l'abbaye de Toussaint d'Angers. La paroisse s'étendait jusqu'à la rive gauche de la Mayenne et c'est là, en face et à proximité de la ville, que la population devait se grouper. Pour conserver leurs droits sur ces paroissiens, les chanoines de Toussaint qui desservaient Saint-Melaine obtinrent de la confrérie des prêtres la permission d'établir un des leurs dans la chapelle de Saint-Christophe du Douet-Gesbert. Ils songèrent ensuite à prévenir les empiétements des frères de l'aumônerie de Saint-Julien, dont l'église occupait la tête du pont. Des délégués nommés par le Pape réglèrent, de 1203 à 1208, que le clergé paroissial conserverait le droit d'enterrer tous ceux qui n'étaient pas étroitement affiliés à la Maison-Dieu ; d'interdire aux paroissiens les offices de la chapelle Saint-Julien aux dimanches et aux fêtes de la Vierge, des apôtres, des anges, de saint Laurent, de saint Gilles, de saint Melaine ; de percevoir les oblations des mariages, des relevailles, les offrandes libres ou pénitentiaires ; d'officier enfin à leur volonté dans l'église Saint-Julien. Si les administrateurs de l'hospice voulaient construire pour les religieux une église qui fût aussi proche du pont que la leur, l'abbé de Toussaint se relâchait de quelques-unes de ses exigences. Par le fait même de sa situation, l'église de l'hôpital conserva quelques privilèges paroissiaux.

Quand s'établit le chapitre du Cimetière-Dieu, pour que le prieur-curé de Saint-Melaine ne fût pas lésé, on lui réserva une des prébendes. L'église, ruinée par la guerre avant 1420, et pour la restauration de laquelle sont demandés des « pardons », ne fut pas délaissée complètement même après la construction de Saint-Vénérand. On y allait à la Fête-Dieu, dans les calamités publiques. Le curé y entretenait un vicaire, et le Saint-Sacrement y était conservé, 1729, 1780. Les villages voisins obtiennent encore de la municipalité promesse de sa conservation en janvier 1791. A la fin du XVIIIe s., l'église comprenait « un grand corps de bâtiment et deux chapelles y tenant », au milieu d'un cimetière et en communication avec le prieuré. M. Bachelot de la Pylaie, d'après les vestiges qui subsistaient en 1835, la jugeait du XIIe s. Le clocher avait été rasé avant 1730. Acquise natt le 21 prairial an VII, pour 85.000 fr. en assignats, par un maçon, elle fut démolie en grande partie. La Vierge antique, en bois, et la statue de saint Melaine, sont conservées dans la chapelle extérieure de la Trappe d'Entrammes.

Une assemblée avait lieu le dimanche de Quasimodo.

Le seigneur de Laval avait « dreyture, vaerie et obéissance » sur le prieuré, 1301, et le titre de fondateur de l'église, 1407, 1444.

L'agglomération si considérable, au milieu du XVe s., du faubourg du Pont-de-Mayenne, ne pouvait plus être astreinte à se rendre pour ses devoirs religieux à Saint-Melaine. En 1484, Guy de Laval mandant près de lui les notables de la paroisse, leur promit sa protection, les indemnités féodales et surtout une relique insigne de son église d'Acquigny, le chef de saint Vénérand, martyr, s'ils parvenaient à construire une église. On chercha un emplacement. La maison Pauchon, près du pont de la Seraine, parut trop sujette aux inondations ; le terrain Bougler, au Puits-Rocher, était trop chargé de rentes ; la Triquerie de Jean Martin convenait mieux. Immédiatement, « illecques fut maçonnée quelque peu de maçonnerie ». Mais les Dominicains, en vertu d'un privilège antérieur, jetèrent là leur dévolu. Les bourgeois se rabattirent sur la maison de Jean Dutay où pendait l'enseigne de Saint-Julien-le-Martyr, au fief du seigneur d'Hauterives. Guillaume Le Doyen alla prendre en longueur et largeur les dimensions de l'église d'Avénières, et le 16 mai, à 8 heures du matin, le comte de Montfort, et probablement le comte et la comtesse de Laval, vinrent poser la première pierre. Une petite chapelle, bâtie à la hâte au milieu de l'emplacement du sanctuaire, reçut le chef de saint Vénérand qu'on était allé chercher à Saint-Melaine. Il se fit des miracles. C'en fut un que la pieuse prodigalité des bons marchands qui se délibérèrent de faire, qui une chapelle, qui une vitre, qui autre chose. Après le chanceau et ses annexes, ce fut la « croisée », c'est-à-dire le transept qu'on voûta, l'aiguille du clocher que Jean Bodin dressa au-dessus, 1500, la nef et ses bas côtés qui s'élevèrent de 1501 à 1520. Le 20 janvier 1522 (n. s.), Jean Tisserot, episcopus Citriensis, in partibus, délégué de Louis de Bourbon, vint consacrer le monument. Au bas de la nef, « le mur avait été levé à deux piliers et deux portes jusques au quarré, près à recevoir le pignon, sans autre besoigne au portail ; et avoit-on cy laissé un petit cimetière sur la rue ». L'édifice paraissant déjà insuffisant, on reporta cette façade avec les anciens matériaux sur la rue, en gagnant une demi-travée. Mais l'exhaussement du portail central, depuis le fleuron qui surmonte l'archivolte, se fit longtemps attendre ou fut repris plus tard. La date de 1556, avec l'écusson de François de Laval, celle de 1594 avec les initiales II. G., indiquent qu'on y travailla presque jusqu'à la fin du siècle. Les dais et culs-de-lampe gothiques sont un pastiche du style déjà remplacé. Les cordelières qui décorent les voussures sont là en mémoire des veuves de Jean et d'André Quesnay. Un mort sortant du tombeau garnissait le tympan. L'arcature centrale, les pinacles, la lanterne si gracieuse qui domine la tourelle de l'escalier, semblent de la main qui dessina la flèche d'Avénières. On voulut aussi agrandir le vaisseau vers le chœur. Dès 1550, la fabrique acceptait le remboursement d'une rente en vue de la construction du rond-point du chœur. On l'orna ensuite, en même temps que le chœur lui-même et la voussure de la grande porte, d'une voûte en caissons du même genre que celle des dernières chapelles de la Trinité qui se faisaient alors. Une inscription donne la date de ce travail : Ce superfice fin print, 1565. L'abbé Duchemin écrit que « la croppe de derrière l'église se fit et allongea en 1574 », mais on doit s'en rapporter de préférence à l'inscription lapidaire.

Le 22 septembre 1593, François Leballeur vendait à la fabrique une maison dans la cour Chevalier, à condition que quand il y serait bâti une chapelle, on lui donnerait un banc. Cet emplacement était en face du chœur, au-dessus du transept droit. Julien Margotin, « maistre architecteur », dont le nom n'a pas encore été signalé, construit en 1602 le premier croison et en 1603 la chapelle Saint-Jérôme, dont l'autel, qui subsiste, donné par Jérôme Saibouez, fut exécuté en 1606 par René Chantepie, sculpteur d'Angers, qui travaillait à Laval. Cette chapelle, nommée alors la Grande-Chapelle, servait de lieu de réunion aux habitants pour les affaires de la paroisse. On avait rompu, pour la construire, le mur auquel s'adossait l'autel de Sainte-Barbe. Un autre autel, dédié à saint François, y fut édifié par Chantepie aux frais de François Marpault, « contre le devant d'un pilier, entre les arcades d'entre l'autel de Sainte-Suzanne et l'autel de Saint-Martin ». Presque aussitôt on songea à décorer l'entrée du chœur par un jubé supportant le calvaire. L'autel de Notre-Dame de Pitié fut édifié d'abord contre le pilier gauche et bénit en même temps que les deux précédents, 1617 ; celui de Saint-Michel, avec statue de Sainte-Suzanne, statuettes de Sainte-Barbe et de Sainte-Apollonie, appliqué à l'autre pilier en 1610, alors que le jubé venait d'être achevé en 1610 par Antoine Agényau, complétait la décoration. Le maître-autel, qui masquait les fenêtres de la chapelle absidale, fut construit en 1637. On peut en voir la plus grande partie dans l'église de Brée, où il a été transporté en 1854.

Il restait, pour rendre l'église régulière, à créer un second collatéral du côté de l'évangile. La sacristie était dans cet emplacement ; de plus, le terrain n'avait pu jusqu'alors être acquis. Daniel Guérineau, irrité par les procédés des marguilliers, s'était refusé à tout arrangement. Jérôme Davost, prêtre, son beau-fils, pour réparer le tort qu'avait souffert l'église de cette obstination et des procès qui s'en suivirent, céda aux habitants un espace à prendre dans la cour de son logis, suffisant pour qu'on pût y construire « des chapelles de pareille dimension tant en longueur qu'en largeur et de même architecture que celles qui sont bâties au soleil couchant et qui renferment les autels de Saint-Jérôme et de Saint-Martin » (26 janv. 1642). Ce travail, commencé en 1690, ne fut achevé qu'en 1705. On imita jusque dans les détails le style du « croison » et de la chapelle Saint-Jérôme construits depuis un siècle. La nouvelle chapelle, dont la construction avait nécessité la suppression de plusieurs autels — ceux de Sainte-Anne, Saint-Bonaventure, Saint-Jean-l'Évangéliste et Sainte-Madeleine, — eut le vocable de Saint-André. On utilisa pour l'édifier plusieurs belles pierres tombales prises au Cimetière-Dieu. Celle qu'on voit au coin de la chapelle de la Vierge, marquée d'une croix pattée, a cette provenance.

On remarquera que les chapelles ouvrant sur le chœur, et qui sont des premières années du XVIe s., comme celles des latéraux ouvrant sur la nef, ont leurs cintres en arc brisé, tandis que dans les chapelles plus modernes règne seul le plein cintre, et que les arcs doubleaux reposent sur des consoles ornées d'anges portant les attributs de la Passion ou autres.

Des vitraux qui garnissaient les fenêtres il reste les deux grandes verrières des transepts : celle du Crucifiement, offerte en 1521 par Jean Boulain et Guillemine Touchard, et celle de l'Ancien Testament, donnée en 1525 par les enfants de François Delaunay. Toutes deux ont repris leur lustre d'autrefois, réparées qu'elles ont été par M. Alleaume et replacées dans des fenêtres solidement reconstruites. D'anciens textes indiquent un Arbre de Jessé et la Décollation de saint Jean-Baptiste qui ont disparu. On vénérait dans l'église une statue de Notre-Dame de Bonnes-Nouvelles ; une relique de la Vraie-Croix, don de François Périer-Racinière, 1775 ; celle de saint Charles Borromée, don de Charles-Jean Matagrin, 1772 ; sans compter le chef de saint Vénérand, renfermé dans un buste en argent.

Les chapellenies, moins multipliées qu'à la Trinité, étaient nombreuses encore et desservies par trente prêtres habitués au moins. On cite la confrérie des Agonisants, dotée par Denise Triquerie, avec statuts du 19 mars 1714 ; — celle du Saint-Sacrement, annexée au séminaire paroissial. Les Quarante-Heures, dès 1646, et la Mission des P. Jésuites, fondée par Guillaume Bellière, étaient dotées de rentes.

La sacristie possédait en argenterie, à la fin du XVIIe s. : 200 écus de ciboires, 6 chandeliers de 1.600 , 3 lampes du même prix, 2 encensoirs de 100 écus, un bénitier de 200 écus, 3.000 écus de calices, 1.000 écus de châsses. Onze pièces de tapisseries « belles et bien historiées », acquises en 1622 d'un nommé Blandin pour 400 , étaient estimées 1.000  en 1700. Pour remplacer ces richesses perdues, Dorlodot obtint, le 24 septembre 1793, une Vierge en bois doré et la belle chaire actuelle provenant des Jacobins. Cette chaire a été faite, dit-on, par un religieux ; elle porte un petit bas-relief représentant le couvent des Jacobins et le château de Laval. L'ancienne chaire avait été exécutée par Agényau (V. ce nom). Les stalles du couvent de Patience qui garnissent le chœur ont de jolis détails. On a respecté les grilles du XVIIIe s. Une Vierge en marbre blanc, d'un caractère et d'un sentiment religieux remarquables, œuvre d'A. Toussaint, 1840, se voit à l'autel Sainte-Anne, ex-voto offert à l'occasion du choléra, et un tableau de l'Annonciation, signé Jean Boucher, Bituricensis, 1618, à l'autel du Sacré-Cœur.

Rendue au culte pour le clergé constitutionnel le 1er mai 1795, après avoir servi de magasin pour les subsistances militaires, l'église a été, depuis cinquante ans, dégarnie de plusieurs de ses anciens autels. Deux bas côtés neufs, construits en 1870, sont d'une utilité douteuse et d'une vulgarité absolue. Plus récemment encore, la belle façade a été parfaitement restaurée sous la direction de M. L. Garnier. La Vierge en terre cuite qu'on y voit rappelle, avec plus de grâce, certains ouvrages connus du sculpteur Dyonise, du Mans et peut être comparée à la Vierge de Germain Pilon qui se trouve à la Couture, au Mans.

La paroisse, autrefois du doyenné de Sablé au-delà de l'Ouette, avait son procureur syndic distinct de celui de la Trinité pour les questions de répartition de tailles, et était comme la Trinité représentée à l'hôtel de ville par corporations. Elle vient d'être scindée pour créer une chapelle paroissiale, dite de Saint-Pierre, dans le quartier de la gare.

Prieuré-cure dépendant de l'abbaye de Toussaint d'Angers.

Prieurs-curés : Frère Eudes, du temps de Guy VIII, 1267-1275. — Gervais Dolebet, 1301. — Jean Le Poitevin, 1429. — Guillaume Le Bigot, licencié en droit, 1450, 1478. — Jean Le Bigot, premier prieur commendataire, prieur aussi du Pertre, 1492, mort à Rome vers 1502. — Lezin Cheminard, grand doyen du Mans, 1502, † 1517. — Robert de Dureil, angevin, 1517, étudiant en l'Université d'Angers, 1518, résigne le 10 avril 1570. prieur de Brétignolles, 1573, meurt à Laval en 1579. — Pierre Thominet, du diocèse de Sens, juillet-octobre 1579 : — Jean Rebuffé, licencié en droit, curé de Changé, 1579, † le 18 août 1587, donna le buste de Saint-Vénérand. — Jean de la Court, maître-école d'Angers, octobre 1587-1588. — Jean de Charnacé, fils de Mathurin de C. et de Françoise des Rotours, 1588, notoirement absent en 1600, chanoine du Mans, 1604. — Jean Pellier, docteur en théologie, 1604. Jean Huart s'engage pour lui à administrer les malades, même en temps de contagion, 1606. Il fit des fondations dans sa paroisse et à Soulgé-le-Bruant, 1635. — Jacques Pellier, neveu du précédent, 13 janvier 1636, † 1659. — Charles Testu de Pierre-Basse, neveu de Pierre de Broc, évêque d'Auxerre, et son grand vicaire, 1659, encore diacre, 1663, résigne, 1665, devient abbé de Toussaint, 1669, et meurt en 1709. — Jacques des Loges, fils aîné de Jacques des L., chevalier, et de Catherine de Broc, sous-diacre et chanoine d'Autun, 25 avril 1665, inhumé devant le maître-autel le 21 août 1710, âgé de quatre-vingt-cinq ans. — Jacques Patry, vicaire et résignataire, en 1709, du précédent. — Jean Raybault, 8 septembre 1710, prieur de Sacé, 3 décembre 1719, † 1720. — Jean Rigault, neveu du précédent et prieur de Vouzon. ardent janséniste comme son oncle, 4 avril 1719, † 21 octobre 1741, âgé de cinquante-sept ans. — Pierre Hardy, fils du maire de Laval, profès de Toussaint, 1714, sous-prieur de Senlis, curé de Daunery, 1732, de Saint-Martin-d'Abat, 1739, de Saint-Vénérand, 31 octobre 1739, se démet et devient curé de Saint-Médard de Paris, 8 mars 1742 ; il jouissait de la confiance du cardinal Fleury. — Georges Guérin, prieur d'Argentré, 15 octobre 1742, démissionnaire, 21 mars 1743. — Jacques Valentin, profès de Toussaint, prieur de Cosmes, avril-septembre 1743. — René de Rosy, profès de Toussaint, curé de Nointot, 1743, † 11 janvier 1744. — Léon Séverac, curé de Saint-Lubin d'Isigny, 1744, † le 1er octobre 1786, âgé de soixante-dix-sept ans, et inhumé dans l'église. Il prononça en mars 1766 l'oraison funèbre du dauphin, « discours qu'on loua beaucoup, dit Mme de la Jourdonnière, et qui lui coûta 12 . » — Alexandre-Marie Guérin de la Roussardière, prieur de Sainte-Marie-du-Bois, 16 octobre 1786, déporté à Jersey, rentré au Concordat, † 1809. — Noël-François Changeon, vicaire à la Trinité, 1789, déporté à Jersey, 1810, † 1828. — Joseph-Marie Faisant-Dubourg, 1828, † 1846. — François-Auguste Gérault, 1846, † 1875. — Édouard Le Segretain, 1875, 1884. — Henri-Jean Lemonnier, 1884, † 1890. — François Bourdais, 1890, † 1896. — Alphonse Huignard.

Gérault, chron. par. mss. — Reg. par. analysés depuis 1522 par M. de la Beauluère, Recherches, t. III. — J.-M. Richard, l'Église de Saint-Vénérand. — Guiller, Rech. sur Changé, t. I, p. 628.

Notre-Dame des Cordeliers, paroisse. V. infra Les Cordeliers.

Notre-Dame d'Avénières et Grenoux. V. ces articles.

Saint-Pierre, « chapelle paroissiale [érigée] sur l'étendue de la circonscription paroissiale de l'église curiale de Saint-Vénérand », 1900.

4. CIMETIERES.

La paroisse de la Trinité avait son cimetière attenant à l'église, au N.-E. Il était insuffisant au XVe s., et d'ailleurs on avait besoin de ce terrain pour agrandir l'église. Jeanne Habert, veuve de Jean Le Cornu, par le don d'une somme de 30  le 8 mai 1426, Jean Serron ou Servon, par celui d'une pièce de terre entre la porte Beucheresse et la porte Renaise, et surtout Anne de Laval par l'abandon d'un espace beaucoup plus considérable sur les fossés et joignant le précédent, dotèrent les paroissiens d'un nouveau cimetière en dehors des murs, que Martin Berruyer vint bénir le mardi de la Pentecôte 1458. Il servit aussi pour les paroissiens de Saint-Tugal. A l'angle le plus rapproché de la porte Beucheresse, on bâtit une chapelle qui n'a été détruite qu'après la Révolution.

Le cimetière de Saint-Melaine continua d'être ouvert jusqu'en 1791. Celui de Saint-Vénérand, donné en 1489 par Colas Hutin et bénit le 7 juin 1512 par Philippe de Luxembourg, entourait le chevet de l'église ; il avait sa chapelle avec un calvaire.

Le Cimetière-Dieu était destiné aux sépultures des pauvres de l'Hôtel-Dieu, mais beaucoup d'autres personnes s'y faisaient enterrer. Tous les couvents et certaines chapelles, comme celle de Saint-Jean de l'Hôtellerie, avaient leurs cimetières.

Le Conseil général de la commune, qui avait décrété le 12 octobre 1792 la suppression des arbres, des croix et des tombes, supprima, le 21 janvier 1793, tous les cimetières. Tous les cadavres furent conduits dans les landes de la Croix-Bataille dans une fosse commune, sans cercueils, sans honneurs d'aucune sorte. Sur une pétition des habitants qui demandaient, le 1er mai 1795, à l'exemple des nations civilisées, à honorer « les mânes de leurs parents », le cimetière de la Trinité s'ouvrit de nouveau pour toute la ville. Celui de Saint-Michel fut autorisé en 1802. On commença d'enterrer dans le lieu de la Guétière le 1er août 1807, et ce cimetière unique est remplacé depuis 1885 par le cimetière actuel qui occupe un vaste espace entre la route de Paris et la route du Mans.

5. CHAPITRES.

Saint-Tugal. — Si dévoués qu'aient été les premiers barons de Laval pour les religieux bénédictins, ils ne repoussaient pas le clergé séculier. On connaît les chapelains de Guy II, Hugues et Hamon. La chapelle du château était desservie en 1158 par des prêtres qui conservaient les droits curiaux sur le personnel de la maison du seigneur, et formaient déjà collège. Enfin, le 17 juillet 1170, un décret de Guillaume de Passavant constitua régulièrement un chapitre de douze chanoines, dont cinq prêtres, doté par Guy de Laval. On croit que la Collégiale fut alors transférée dans la chapelle de N.-D. du Bourgchevereau. En fait, les chanoines continuent de se dire « chanoines de N.-D. et du château de Laval ». Leur église est « ecclesia Beatæ Mariæ de castellulo Lavallensi,, 1210 ; — ecclesia nostra de Lavalle », dit Emma de Laval en 1230 ; « l'iglèse de N.-D. de Laval, 1317 ». C'est en 1375 seulement que les chanoines prennent le titre de N.-D. du Bourgchevrel. Le pape Lucius III, par bulle du 25 mars 1183, leur reconnaissait déjà le droit de régir les écoles et de disposer de plusieurs cures : Saint-Jean-sur-Mayenne et Soulgé. En 1208, Guy VI leur avait confirmé tous les dons de son père.

Dès 1383 au moins, le chapitre a pris pour patron saint Tugal, dont les reliques lui avaient été remises à une époque et dans des circonstances inconnues. Ce ne fut point en tous cas au IXe s., lors de la translation du corps de l'évêque de Tréguier pendant les invasions normandes. Laval même n'existait pas. La cassette dans laquelle furent longtemps conservés les ossements du saint, actuellement déposée au musée de Laval, est une boîte en ivoire ornée d'oiseaux et d'autres animaux peints, œuvre d'art oriental et du XIIe s., croit-on. La sainte Vierge resta titulaire de l'église. En 1444, l'annexion au chapitre de Laval de la collégiale des Trois-Maries de Montsûrs porta le nombre des prébendes à dix-sept, mieux dotées qu'elles n'étaient à l'origine et qui toutes, sauf une réservée à l'évêque et une autre à la nomination du chapitre, restèrent au choix du comte de Laval. Devenu si important, le chapitre eut non seulement un chefcier comme on l'avait projeté en 1425, mais un doyen comme les collégiales les plus notables et, par fondation de Guy XV, en 1484, un chantre. Une vaste église se construisait pendant la période même la plus aiguë de la guerre de Cent-Ans. Guy de Laval-Loué ordonne en 1430 qu'il y soit fait une vitre « au cousté devers le chapitre, à l'endroit de l'autier de Nostre-Dame, honneste et compétente, et soye représenté devant elle par Monsieur saint Tugal ». Anne de Laval poussa activement les travaux et, en 1448, le chœur était achevé et le corps de l'édifice assez avancé pour que Jean d'Hierray, évêque du Mans, vint le 27 juillet, lendemain de la fête personnelle de la comtesse, en faire la consécration. Cette cérémonie, qui n'a pas été signalée par nos historiens, est mentionnée dans les comptes de l'aumônier de Saint-Julien, qui était venu de Vitré avec la dame de Laval pour y assister. Des cloîtres, allant de l'église à la rue du Bourgchevreau, furent mis à la disposition des chanoines. Il s'y fit de nombreuses sépultures. La mort de la comtesse interrompit en 1466 la construction de la tour et du transept, que reprit en 1485 Jeanne de Laval, femme du roi René. Guy XVI, en 1491, promet encore vingt annuités de 500  pour l'achèvement de l'église. M. Duchemin de Villiers se trompe en voyant dans les arcatures figurées sur la vue de Laval à la chaire de Saint-Vénérand une dépendance de Saint-Tugal ; le Jacobin sculpteur a voulu représenter une des côtières de l'église de son couvent. Quant à l'« édifice de Saint-Tugal », souvent mentionné et dont il restait des vestiges dans les terrains occupés par le pensionnat de Sainte-Marie, on ne sait trop sa destination. En 1510, le chapitre devait une rente à la Charité de Priz sur « une maison sise au dedans de l'édifice de Saint-Tugal ». Ç'aurait donc été une sorte de cloître, projeté pour l'habitation des chanoines.

Après avoir réparé leur clocher en 1723-1725, les chanoines transformèrent complètement ; en 1740, l'intérieur de leur église en détruisant le jubé, « haut, large et malpropre », dit Pichot, qui séparait le chœur de la nef, en remplaçant par un autel à la romaine celui qui était plaqué contre le pignon, en rangeant les stalles en hémicycle et en entourant le tout de belles grilles aux armes des seigneurs de Laval. On mentionne à différentes époques : la chapelle de Saint-Sébastien, les autels de N.-D. de Grâces, de Saint-Jean, donnant sur le cloître, la statue de Sainte-Avoie, l'autel de Saint-Jean-Baptiste, dont la première pierre fut posée au nom de Jean-Baptiste de la Trémoïlle, en 1745, dans une chapelle voûtée symétrique à celle de la communion. Entre toutes les cloches de la villes, la Luanne était connue des habitants ; elle sonnait le tocsin, convoquait aux assemblées de ville, indiquait l'heure des repas aux ouvriers des ateliers. Elle est maintenant dans le campanile du séminaire et porte cette inscription gothique : Pour servir Dieu et son église auxi de par Messieurs de chapitre ay eu nom prime pour tiltre, l'an mil CCCC IIIIXX quinze. Au trésor était un ostensoir en forme de tour carrée surmontée d'une boule de cristal dans laquelle se mettait l'hostie.

On trouva au milieu du chœur, le 17 août 1761, six cercueils en plomb : ceux d'Anne de Montmorency, femme de Guy XVI, de Guy XVII, de Guyonne de Rieux, et trois autres sans inscriptions. Le cœur de Guy XX était dans une petite boîte aussi en plomb. En 1740, on avait ouvert au fond du chœur un caveau où reposait le squelette d'une femme, vêtue en religieuse, Anne de Laval, sans doute, dont le cercueil fut encore mis au jour en 1834 quand on creusa les fondations de la façade du musée. Plus récemment, ont été recueillis au musée les ossements vertdegrisés d'un corps probablement embaumé et qui doit être celui de Guy XIV, décédé à Châteaubriant le 2 septembre 1486, ou celui de Guy XX, rapporté de Hongrie en 1606.

Le chapitre en corps avait le pas sur tout le clergé de la ville. Son doyen était paré des ornements quasi épiscopaux qu'Anne de Laval avait obtenus du pape pour sa collégiale de Vitré. Ce fut le souci des chanoines jusqu'à la Révolution de défendre par d'interminables procès leurs droits honorifiques. Ils avaient place à l'hôtel de ville. Plusieurs chanoines furent soupçonnés d'hérésie au XVIe s. On trouva, appendue à un pilier, une pancarte avec la prière du Salve, Regina, appliquée à N.-S. et jugée erronée par la Sorbonne en 1553. Le chapitre contribua à la fondation des Capucins à Angers et à Laval, et donna presque en masse dans le Jansénisme. L'office canonial cessa le 14 novembre 1790, et malgré les protestations justes et légales du duc de la Trémoïlle, qui réclamait comme siennes les dotations des prébendes à présentation laïque, tout le temporel passa en vente nationale le 3 février et le 1er octobre 1791, tandis que l'église, occupée jusqu'au 23 juin 1791 par le clergé fidèle chassé de la Trinité, devenait avec les maisons adjacentes le palais de la justice criminelle. C'est là que se fit l'appel nominal des prêtres internés à Laval, 15 avril-30 juin 1792. Magasin d'abondance, par décision de la municipalité, le 23 prairial an II ; transformée en écurie pour ses chevaux par le général Gency, 27 septembre 1795, l'église a été démolie au mois d'août 1797. La bibliothèque et le musée occupent son emplacement, dominés encore par la moitié d'un haut pignon de l'ancien édifice.

Parmi les dignitaires, plusieurs ont une notice personnelle

Doyens : Blaise Louvel, 1444, doyen de Sablé, 1445, étudiant à l'université d'Angers, 1455, encore en titre, 1459. — Jean de Goulon, reçu, 1477, † 1484. — Philippe de Montmorency, 1485. — Jean du Bouchet, nommé en 1488. — Pierre Le Baud, 1504, † 1505. — André d'Averton, 1505, † 1533. — Olivier de la Pommeraye, 1534, résigne, 1546. — Guillaume de Coste, alias Lateranus, 1546, † 1562. — Toussaint Gautherot, du diocèse de Sens, 4 octobre 1562, résigne le 27 décembre 1564 ; eut pour compétiteur Jean Blouin, « doyen de Laval et abbé de Fontelaines », 1596. — Mathieu Durand, 1564, † 1590. — Pierre Duchemin, clerc tonsuré, 25 novembre 1590, † 1613. — Daniel Hay, 1613. — Isaac Hay, frère du précédent, 1614, 1621 ; inhumé dans l'église d'Erbrée, le 6 mars 1631, dans une voûte qu'il s'était fait construire. — Daniel Hay, neveu du précédent, 8 mai 1621, † avril 1671. — Louis de la Trémoïlle, 15 juillet 1671, résigne, 1676. — René Le Verrier, 26 août 1676, † 19 janvier 1702. — Jean-Jacques Trouillet, oratorien de la maison d'Angers ; on voulut lui imposer l'obligation de quitter le collet de l'Oratoire pour prendre celui du clergé séculier, ce qu'il refusa de faire, † 1707. Sa succession, qui comprenait la seigneurie de la Plaichardière en Blaison, fut partagée entre René Trouillet, lieutenant particulier au présidial d'Angers, Joseph Boucault, secrétaire du roi, Jacques Trouillet, prieur de Livré, Louis Chotard de la Sablonnière, conseiller au présidial d'Angers, veuf de Marie Trouillet, et Madeleine Trouillet, veuve de Marin Grimaudet. — Jacques Auvray, prêtre du diocèse de Bayeux, docteur de Sorbonne, 21 avril 1707, démissionnaire, 1716. — Jean Desmares, prêtre du diocèse de Beauvais, docteur de l'université de Bourges, 27 avril 1716, † 1775. — François-Jérôme Gaultier de la Villaudray, 25 février 1773, refusa le serment, fut déporté en Angleterre et mourut à Reading en 1798. Chantres : Mathieu Sauquet, 28 décembre 1485, † 1493. — Pierre Le Baud, 1493, devenu doyen, 1504. — Gilles de Tréal, 1505. — Olivier de la Pommeraie, 1531, doyen, 1534. — Pierre d'Argentré, 1543, démissionnaire, 1560. — René Le Royer, janvier 1560, 1584. — Julien Lemoine, décembre 1584, résigne, juin 1585. — Alexandre Lelong. 1585, † 1604. — Roch Pillier, 1er décembre 1604, † 1630. — Claude de Nesmes, docteur en théologie, de Lyon, 1630. — Claude Allard, 1634, † 1672. — François des Courtils, seigneur de Villebrune, capucin au couvent de Caen, 1637, qui avait quitté le froc, 1659, et s'était retiré en Hollande, rentra en France, 1663, se fit connaître comme prédicateur et gagna l'affection du duc de la Trémoïlle qui le nomma chanoine, 1670, puis doyen, 1672. Il s'esquiva l'année suivante, son origine ayant été connue. — René Le Verrier, docteur de Sorbonne, nommé par le cardinal de Bourbon, tuteur du duc de la Trémoïlle, fut maintenu par arrêt du Parlement du 8 août 1675 contre M. Duplessis d'Argentré, qui s'était fait pourvoir par dévolu, cette clause n'ayant pas lieu pour les bénéfices à présentation laïque ; René Le Verrier devint doyen en 1676. — Germain Guilbert, de Caen, 1676, † 1688. — Gabriel Puiaubert, précepteur du prince de Talmont, 1689-1699. — Pierre Guays, 1699, † 1704. — Jacques Édon, 18 juillet 1704, démissionnaire, 1705. — François Mottier, 22 mai 1705, † 1708. — Charles Collet, bachelier en théologie de l'université de Bourges, 21 septembre 1708, † 1743. — François-Alexis Brochot, du diocèse de Laon, 21 avril 1743, † en août 1778. — Pierre-François Lemonnier de la Jourdonnière, 8 août 1778, † 1781. — Jean-Baptiste-Auguste Baudouin, 4 juin 1781, † 1784. — Vincent-Jean Raveneau, 27 novembre 1784, mort fou pendant la Terreur.

L'église collégiale avait aussi comme annexe une cure et paroisse dont la juridiction s'étendait, non sur un territoire délimité, mais sur les personnes de certaines qualités. C'était la conséquence de la réserve des droits curiaux faite en 1158 par Guy V, en faveur des chapelains de sa chapelle sur sa famille, ses chevaliers et officiers. En 1253, Geoffroy de Loudun nomme comme rentrant dans cette catégorie les nobles domiciliés ou de passage par la ville, trois cuisiniers, deux échansons, un pannetier, un portier, un hérault, un chambrier, un maréchal. Certaines maisons — on en compte sept, outre le château, en 1425 — et plus tard toutes les maisons canoniales finirent par dépendre de cette cure d'une constitution spéciale, source de conflits sans cesse renouvelés entre le curé du chapitre et le clergé paroissial. L'évêque nommait le titulaire sur présentation du chapitre, et l'autel paroissial était dans la nef. Adam Châtelain recommande au curé de Saint-Tugal (5 août 1404) l'assiduité à ses fonctions, le zèle et la religion dans la psalmodie journalière.

Curés : Michel Chambront, 1343. — Jacques Drouineau, 1459, 1462, précédemment receveur de l'hôpital. — Chabot, 1474. — Burgé, 1491. — Macé Lebascle résigne, mars 1554. — Macé Coullay, 1554. — Laurent Lemoulnier, 1555, était aussi secrétaire du chapitre, encore curé et chanoine, 1572. — Jean Baubet, 1572, 1579. — Robert Faveron, prêtre de Saint-Malo, bachelier en droit, † 1587. — Philippe Baillé, 10 août 1587, résigne, 18 décembre 1600, à Guillaume Douineaulx. — Pierre Barrais, 1599. — Laurent Breillet, 1605, 1608. — Garreau, 1617. — Mathurin Martin, 1640. — Guillaume Guays, nommé, janvier 1665, tint par ordre le premier registre paroissial à partir de 1668. — Guy Le Clerc, 4 septembre 1674, † 16 février 1697. — Jean-Baptiste Bahier, prêtre de l'Oratoire, 1697, résigne, 1701 (V. son nom). — Pierre Martin, 18 novembre 1701, résigne, 30 juin 1705. — René Lebreton, 1705, † 1752. — Ambroise Noël, 24 juillet 1752, † 1759. — Ch.-R. Perrotin, maître ès arts, 18 avril 1759, † 1762. — Charles Caillon, 10 janvier 1763 ; les chanoines protestent contre la qualité de curé qu'il veut prendre au lieu de celle de chapelain-curé, † 1782. — Nicolas-Charles Cahoreau, bachelier en droit, janvier 1783, devint chanoine en 1790. — François-René-Jean Josset, nommé le 4 octobre 1790 (V. son nom).

Une confrérie, dite des prêtres, et dont les membres se qualifiaient en 1203-1208 fratres confratriæ presbyterorum lavallensium, remontait, comme on le voit, plus haut que la date de 1270 qui lui est assignée par les notices imprimées ou par les actes officiels du XVIe au XVIIIe s. Elle tient aux origines religieuses de Laval. Les confrères cèdent au commencement du XIIIe s. aux chanoines réguliers de Saint-Melaine l'usage de la chapelle du Douet-Gesbert, située sur la rive gauche, au quartier de Saint-Étienne, à condition de pouvoir y tenir leur chapitre quand ils voudront. La confrérie, qui admit dans la suite tous les fidèles, hommes et femmes, dans ses rangs, s'est perpétuée jusqu'à nous. Deux éditions anciennes des statuts avaient complètement disparu quand Charles Barrière, d'Angers, les réimprima en 1748, in-8°. La dernière édition avant la Révolution, parut chez Monnoyer, au Mans, 1781, in-12 de 167 p.

Un grand nombre d'autres fondations qu'on ne peut qu'énumérer assuraient la ponctualité et la magnificence du service religieux dans la collégiale. C'étaient les chapelles des Genetais, des Lignardières, celle du Clos-Doucet qui devait une messe par semaine pour Jean Auvé, seigneur de Soulgé ; — la Segretainerie, dont le titulaire devait amesser le juge ou son lieutenant à toutes les assises, percevait deux deniers pour tous les serments qui se faisaient en justice, et avait charge d'aller à chaque heure savoir si c'était le plaisir du seigneur et de la dame de Laval d'assister au service ; — l'Organisterie, fondée en 1366 par Michel Lefeulpier, à charge de « dire des orgues à toutes les festes doubles, demi doubles, dimanches, festes d'apoustres, etc. » ; — la chapelle de la Madeleine, fondée lors de l'union du chapitre de Montsûrs, pour deux chapelains, à l'autel de la Madeleine, pour Jean de Laval et pour sa sœur ; — deux chapellenies fondées pour Jean de Parené, l'une par lui, l'autre par Jean Carron, prêtre ; — les deux semi-prébendes pour lesquelles André de Laval, maréchal de Lohéac, légua 100  de rente en 1486 ; — la fondation de Jean Beuzelin, chanoine (1492), aussi pour deux chapelains ; — la chapelle de Derval, dotée par Madame Hélène de Laval pour Jean de Derval, son mari, à l'intention du comte de Laval, son père, et de dame Ysabeau de Bretagne, sa mère.

Bibl. de Laval, mss. 347. — Boullier, Recherches sur la Trinité. — Lib. fundat., t. I, p. 117, 123, 128 ; t. VI, p. 219. — Bibl. nat., fr. 20.349. — L. de la Beauluère, Communautés de Laval. — Bertrand de Broussillon, Maison de Laval, t. III, p. 334, 371. — Office de Saint-Tugal, imprimé par Feillé-Grandpré, 1837.

Saint-Michel du Cimetière-Dieu. — Sur le chemin conduisant de Laval à Saint-Melaine, au fief du Manoir-Ouvrouin, un terrain avait été affecté dès le XIIIe s., sous le nom de Cimetière-Dieu, aux sépultures des pauvres de la Maison-Dieu. Une chapelle de Saint-Michel y existait. Pierre Ouvrouin, évêque de Rennes, par testament du 27 mai 1347, demanda à y avoir son tombeau, ante altare B. Michaelis — il est actuellement à la cathédrale, — et y fonda quatre chapellenies à la présentation de Jean O., son frère et principal héritier. Cette fondation augmentée de deux chapellenies par Guillaume Ouvrouin, évêque de Léon, vers 1380, puis d'une rente de 70  par Jean Ouvrouin et Jeanne de Courceriers, sa femme, portée à 100  par Jean O., leur fils, fut enfin transformée en une collégiale de huit chanoines prébendés par Jeanne Ouvrouin, sœur et héritière de Jean, dernier nommé, tué à la bataille de Baugé le 21 mai 1421. Quinze métairies avec vignes, bois taillis, dotaient les chanoines, logés dans des maisons canoniales et tenus à chanter, « tous les dimanches de l'an et toutes les festes que l'on fait service double selon l'usage du Mans, prime, tierce, sexte, nones », outre le service ordinaire et quotidien, comprenant la messe, les vêpres et matines. L'acte est passé devant Guillemeaux le 16 novembre 1421. La fondatrice s'y déclare « désireuse d'accroistre le service divin dans une ville où il n'y a qu'un collège et une grande multitude de peuple ». Elle ajouta par son testament du 1er février 1422 une chapellenie pour le sacristain, et demanda à être inhumée près de l'évêque de Rennes dans l'église, qu'elle voulait « estre accrue et allongée » et à laquelle elle laissait « ses robes de soie qui lui sont demeurées de son très cher et honoré époux, et son bréviaire à une colonne non noté, à estre attaché en ladite église ».

La fondation fut décrétée le 22 novembre 1421 par Adam Châtelain, et Louis XI, par acte passé à Orléans le 4 octobre 1466, donnait les lettres d'amortissement pour une partie des rentes.

René de Feschal, successeur de Jeanne Ouvrouin, ajouta pour le pain du chapitre, le 13 avril 1512, une rente de soixante-quatre charges de blé, moitié froment, moitié seigle, et demanda à être enterré dans le chœur de l'église.

En 1737, le maréchal de Coigny, pour soulager les chanoines trop peu nombreux, autorisa la formation de trois demi-prébendes avec les revenus des chapelles de la Sacristie, d'Étriché et de Parneau, et l'évêque du Mans, le 25 octobre 1751, en créa une quatrième, dotée du temporel des chapelles de la Rommeraie et de la Blanchardière. Parmi les autres chapellenies on peut remarquer celle de Pierre Blouyn. « natif du beau pays d'Anjou », marchand à Laval, en faveur d'Olivier Bréhermon, « l'un des serviteurs de l'église, bien instruit à lyre et à chanter, lui aussi natif de ce beau pays d'Anjou », 1559.

L'église, telle qu'on peut le reconnaître à ses décorations extérieures, date bien des années qui suivirent la mort de Jeanne Ouvrouin. On commença par le chœur, au dire de Le Doyen, et en effet la grande fenêtre qui ajoure le chevet, divisée en cinq compartiments avec son arcade brisée remplie de losanges flamboyants à redans non ajourés, peut bien avoir précédé de vingt ans le portail en arc brisé avec contrecourbe, fleurons et crochets soigneusement fouillés. Martin Berruyer vint consacrer le dimanche 28 mai 1458, fête de la Trinité, cette église, qui comprenait, outre le maître-autel, ceux de Saint-Jean-Baptiste et de Saint-Mathieu dans le chœur, ceux de la Vierge et de Sainte-Anne dans la nef.

La construction du « revestuaire » en 1487, bien qu'autorisée par lettre du roi, occasionna une grande querelle. Les paroissiens se prétendaient maîtres du cimetière sur lequel on voulait bâtir ; ils y firent irruption le jour de l'Ascension au nombre de quatre cents, armés de pioches, et détruisirent l'ouvrage commencé. L'affaire, portée en parlement où le seigneur de Poligné était soutenu par Jean Bourré, son gendre, tourna contre ceux de Saint-Melaine (7 août 1492). Deux chapelles latérales, du Sacré-Cœur et de la Vierge, dont la première pierre fut posée le 1er mai 1763 au nom de Jean-Baptiste-Joachim Colbert et de dame Henriette-Bibiane de Franquetot, furent bénites le 28 septembre par Étienne Couanier, curé de la Trinité. De nos jours, des plâtrages intérieurs ont fait de l'ancienne chapelle une église de style classique.

Plus modestes, quoique mieux dotés que leurs collègues de Saint-Tugal, les chanoines n'eurent pas d'aussi graves démêlés avec le clergé paroissial. En 1614, ils n'avaient pas encore de ciboire, c'est-à-dire de tabernacle, pour y conserver le Saint-Sacrement, le curé de Saint-Vénérand y faisant opposition. Munis de la permission des vicaires généraux, ils décidèrent de mettre « en lieu éminent du chœur de leur collégiale un beau et riche ciboire pour recevoir le Saint-Sacrement et qu'il ne seroit loisible à personne, fors le prieur de Saint-Vénérand, de lever dudit ciboire le Saint-Sacrement. » La fondation d'une messe solennelle du Saint-Sacrement le dernier jeudi du mois par le chanoine Mathurin Huchedé suivit cette concession. Presque dès l'origine, les prieurs-curés de Saint-Melaine jouissaient d'une des huit prébendes et remplissaient leurs fonctions de chanoines. Dans la suite, ils trouvèrent cette charge incompatible avec leurs obligations paroissiales, se firent remplacer par un prêtre et même, malgré de longues protestations du chapitre, par un chantre laïque (1731). Une autre situation originale était celle des chanoines de Saint-Michel qui l'étaient en même temps de Saint-Tugal. On les voyait chaque jour se rendre en hâte, en habit de chœur, d'une église à l'autre. Le protestantisme des seigneurs de Poligné, leurs patrons laïques, amena aussi des difficultés et des conflits avec l'autorité religieuse. Plusieurs fois les prébendes furent attribuées à leurs protégés par les Montbourcher hérétiques. Le jansénisme eut des adhérents de marque parmi les chanoines, comme Nicolas Baudouin et Michel Tronchay.

L'office canonial cessa par ordre du district le 29 novembre 1790.

Tous les chanoines refusèrent le serment schismatique. C'étaient : Jacques Poisson, vieillard infirme, mort en 1793 ; — Mathurin Gaultier de Mérolles (V. ce nom) ; — Auguste-Jean-Benoît Davrillé des Essarts, qui se fixa à Paris pendant la Révolution et revint mourir à Laval en 1816 ; — Jean-Baptiste Frin de Saint-Germain, déporté en Angleterre, mort curé de Saint-Isle, 1806 ; — Nicolas Matagrin (V. ce nom) ; — Louis Fouquerel, de Château-Gontier, déporté en Angleterre où il mourut ; — Paul Lemercier, mort à Rambouillet le 10 octobre 1794 ; — Jean-Noël Leray, mort en exil ; — François Duchesne, l'un des quatorze prêtres guillotinés le 21 janvier 1794 ; — Michel Raimbault, mort à Jersey ; — Michel Chevreul, mort en Angleterre, 1810.

L'église avait été fermée le 19 août 1791 et servit de magasin militaire. Le 21 février 1800, « pour répondre aux vœux du préfet ». Charlotte-Françoise Guitet, veuve Dolsegaray, qui l'acquit définitivement le 11 nivôse an IX, en donna bail pour six ans à MM. Jacques Duchemin de Villiers, René-Jean Duchemin de Vaubernier, François-Jean Boullier, qui la rendirent au culte. Délaissée à la réouverture de Saint-Vénérand, l'Empire en fit un hôpital pour les prisonniers de guerre. Les Prussiens y logèrent en 1815. L'hôpital aliéna le 13 décembre 1833 le cimetière au profit de M. Courte.

Une résurrection était réservée à la vieille église et au cloître des chanoines. A la suite d'une mission de deux mois donnée par six Pères de la Croix et terminée au mois d'avril 1816, le P. de Clorivière, « sur la demande officielle et par écrit des autorités civiles et ecclésiastiques », accepta le don de l'église et des bâtiments annexes offert par M. René-François Morin (V. ce nom). Neuf religieux Jésuites s'y installèrent le 6 mai, et commencèrent à donner des missions, formèrent une congrégation d'hommes, supprimée en 1820 et remplacée en 1843 par celle de la Bonne-Mort, et une autre de femmes ; restaurèrent l'église, où l'on voit un Saint-Michel, œuvre de Barême, d'Ancenis, et la salle capitulaire, ornée des moulages en plâtre du P. Martin, et enfin reconstruisirent avec le temps pour le scolasticat de la province de Paris une maison spacieuse où sont passés tous les saints et doctes religieux dont s'honore la Compagnie depuis un siècle. Des services inappréciables rendus à la ville et au pays par les missionnaires leur ont valu, le 30 juin 1880, d'être expulsés manu militari de leurs cellules et de leur église.

Lib. fundat., t. I, f. 36, 37, 107 ; t. II, f. 269 ; t. VI, f. 277, 314. — Ins. ecclés. — Arch. nat., X/2a. 60 ; JJ. 200, f. 9 ; P. 353. — G. Le Doyen, Annales et Chronicques, passim. — Ch. Maignan, Notice sur Saint-Michel. — L. de la Beauluère, Communautés et chapitres de Laval. — Tit. de Saint-Michel. — Boullier, Mémoires ecclés.

CLERGÉ RÉGULIER

1. ORDRES ET CONGREGATIONS D'HOMMES.

Prieuré de Saint-Martin. — Avant de fonder le prieuré, où il appela les enfants de saint Martin, Guy Ier avait eu un projet plus ambitieux. Un moine de Saint-Calais, nommé Guérin, déserteur de son couvent, avait gagné ses bonnes grâces et obtenu de lui un terrain suffisant pour y construire une abbaye et y former un bourg. L'église d'Auvers(-le-Hamon) et tout ce que Guérin aurait pu acquérir devait appartenir à son abbaye. Le moine se mit à l'œuvre et bâtit une église qui, par une chance bien extraordinaire, malgré son abandon immédiat, subsiste encore, transformée actuellement en cave et maison d'habitation. On peut en reconnaître la porte romane au fond d'une petite allée de la rue de Rennes, et sur la cour Mingé en voir la côtière méridionale. Les murs ont 1 m. 20 d'épaisseur et le vaisseau, dans toute sa longueur, n'est divisé par aucun mur de refend, ce qui indique suffisamment sa destination première. Le P. Tournesac, à qui l'on avait signalé cet édifice, y avait vu une maison du XIIe s., bien à tort, car l'histoire du moine Guérin en donne une explication indiscutable. Ce religieux entreprenant fut tué et son œuvre en resta là.

D. Le Michel avait vu au chartrier de Saint-Martin la charte contenant les concessions de Guy de Laval au malheureux moine, attestée des mêmes témoins qui plus tard figurèrent à la donation faite à Marmoutier et revêtue des mêmes marques de solennité. Il y avait trouvé encore une autre charte très antique, certe vetustissima, d'un comte nommé Eudes et d'Ermengarde, sa femme, qui donnaient à Saint-Martin de Laval une serve, Sancto Martino Lavallensi servam. Seul, Eudes, dit le Champenois, comte de Blois, eut au XIe s. une femme du nom d'Ermengarde. Or, il mourut en 1037 ; le don en question s'applique donc à la fondation du moine Guérin, mise aussi sous le vocable de Saint-Martin, et la charte qui la contenait sera, comme plusieurs autres, passée au chartrier du prieuré lavallois de Marmoutier.

A défaut d'une abbaye, Guy Ier en effet résolut de créer un prieuré uni à l'abbaye de Saint-Martin de Tours où son fils Jean avait fait profession. En plein chapitre, il déclara lui donner le bourg qu'avait possédé le moine Guérin, à l'ouest de son château, devant la porte de Rennes. Cela se passait vers 1050 — 1048 d'après une note du chartrier de M. le duc de la Trémoïlle. — C'est alors que se produisit la réclamation d'un nommé Foucouin qui prétendait que les biens de cette dotation étaient compris avec les villas de Laval et du Coudray dans une main-ferme concédée à son aïeul, à sa mère et à lui-même par le comte Herbert. Vieux lui-même à cette époque, Foucouin ne comprenait pas même la teneur de l'acte sur lequel s'appuyaient ses prétentions et il se désista.

Les religieux de la Couture furent pour ceux de Marmoutier des compétiteurs plus sérieux. Ils soutinrent que le bourg de la porte Renaise avait été attribué à leur prieuré d'Auvers-le-Hamon qu'ils tenaient de Guy de Laval. C'était, d'après ce que nous savons, une contre-vérité absolue, et aussi un acte d'ingratitude envers leur bienfaiteur, qu'ils voulurent obliger au jugement de Dieu. Guy de Laval offrit à Renaud, abbé de la Couture, qui se trouvait à Évron, un de ses hommes nommé Sibald pour subir l'épreuve réclamée. Portée devant l'évêque d'Angers, puis devant Guillaume le Bâtard, l'affaire fut enfin jugée par ce dernier à Domfront en faveur de Guy de Laval, qu'il exempta de toute épreuve judiciaire autre que le serment, et les religieux de Tours déclarés légitimes possesseurs du bourg (1064).

Ces derniers ne se servirent point des constructions du moine Guérin ; ils bâtirent leur église et leur couvent plus loin des murs de la ville, mais sur le même chemin Renais. Ils réglèrent en commun avec le seigneur de Laval dans une charte du plus haut intérêt leurs droits respectifs sur leurs sujets et leurs marchandises. Le détail en est impossible à reproduire. Notons seulement que les religieux avaient ces profits sur leurs hommes en dehors des foires et marchés, soit dans leur bourg, soit même en ville ; qu'ils ne pouvaient admettre chez eux les bourgeois du seigneur sans son consentement ; enfin que leurs sujets avaient les mêmes privilèges en tout que ceux de leur fondateur.

La maison de Laval continua de protéger, d'enrichir et de tracasser quelquefois le prieuré. Jean de Laval, lui-même religieux, fut auprès de son père, de son frère Hamon et de ses neveux, l'inspirateur de nombreuses générosités et de quelques réparations. Les seigneurs de Saint-Berthevin, de Botz, se montrèrent bienfaisants et les moines de la Couture, qui avaient si âprement disputé la place à ceux de Marmoutier, finirent par conclure avec eux un pacte de fraternité (1094).

Le fief de Saint-Martin s'étendait depuis les murs de la ville ou l'étang qui les protégeait jusqu'à Botz, de là en ligne à peu près droite à Aligné, puis à la Coicaudière, pour revenir au point de départ. Ce territoire n'a pas moins de deux kilomètres de long. La partie la plus rapprochée de la ville formait un vaste marécage, assaini peu à peu par des travaux et grâce aux concessions que les moines firent à des particuliers qui bâtirent des maisons et cultivèrent autour, surtout depuis le XVe s. Les vieux droits de péage disparurent. Ce qu'il en restait à la fin du XVIIe s. fut racheté par le comte de Laval pour 30  de rentes. Des fondations religieuses se firent nombreuses dans les limites du fief : Saint-Jean de l'Hôtellerie, Sainte-Catherine, le couvent des Cordeliers, celui de Patience, les Capucins, l'hôpital Saint-Louis. Le prieur avait haute, moyenne et basse justice et, particularité rare, relevait du comté roturièrement et censivement.

Les bâtiments claustraux entouraient une cour carrée dont l'église, orientée à l'est, occupait un côté, avec entrée principale au midi. Avec la grange dîmeresse, cette église est d'ailleurs tout ce qui reste de l'époque primitive. Avec ses trois absides, son transept voûté, sa nef plus large que le chœur et ses deux petits passages donnant accès aux chapelles du transept, disposition intermédiaire entre les églises à bas côtés et celles qui n'ont qu'une seule nef, l'église priorale offre un type fréquemment reproduit dans notre région. Dès le XIIe s., les murs étaient peints. On a reproduit dans le Bulletin de la commission historique de la Mayenne (t. II, p. 250) une série d'arcatures romanes encadrant les rois de Juda, ancêtres du Christ. Ces peintures ont été depuis retouchées et complétées. Une Adoration des Mages qu'on voyait dans l'absidiole méridionale et le zodiaque peint sous l'arcade du haut de la nef ont disparu, mais la Vie de saint Martin, peinte en huit tableaux à la voûte du chœur, et qui date des premières années du XVIIe s., était encore en bon état avant la restauration récente qui ne l'a pas trop atteinte. Chaque scène est accompagnée d'un quatrain explicatif

I. L'évêque milanois, versant l'eau salutaire, Régénère ce sainct, qui de soldart païen Parvient tost au colier de chevalier chrétien, Monstrant exemple à tous de bien dire et mieux faire. II. Un jour que Valentin humblement il salue, Ce superbe séant en son trône romain, Le feu du ciel y tombe : il se lève soudain Et l'humble sainteté de force est recogneue. III. Au pié du pin sacré à Cibèle on le lie, Pour là périr de faim, mais la divine main Cet arbre culbuta sur le peuple inhumain Et ceux qu'il n'écrasa quittent l'idolâtrie. IV. L'ennemi lui parut orné du diadème Contrefaisant le Dieu. Loin, dit le sainct, de moy Jésus ne marche pas en pompe comme un roy, Ains il viendra portant à dos sa † lui-même. V. Forcé d'abandonner le séjour solitaire, Pour surveiller pasteur le peuple tourangeau, Maint patron de vertu il donne à son troupeau, Pour l'une et l'autre vie, en ville, au monastère.

Dans le sixième quatrain, je n'ai pu lire que quelques mots : l'oraison, … la haire, l'habit religieux … Rien dans le septième ni le huitième.

Toutes les fenêtres du S.-O. ont été refaites et agrandies au XVe s. Extérieurement on doit remarquer la porte romane, si souvent décrite et dessinée, avec son archivolte saillante, ses voussures moulurées, ornées de dents de scie, de billettes, de macarons. La tour élevée sur l'intertransept, s'éclairant sur chaque face d'une baie géminée, était terminée par un toit en pyramide ; elle a reçu en 1895 la forme originale d'une tour à mâchicoulis et renferme une belle grosse cloche de 2.000 kilog. Tout l'édifice d'ailleurs, après un long abandon, a repris le lustre de la vie par les soins de M. le chanoine Le Segretain. qui a prodigué dans cet ancien sanctuaire les décorations rajeunies de tous les arts.

Dans la chapelle nord, consacrée à saint André, puis à saint Eutrope, dom Le Michel vit en janvier 1643 un os considérable d'un bras de saint André avec l'authentique de la relique. — Le musée a reçu un fragment de vitrail provenant de la maison et sur lequel se trouve un écusson : d'argent à 3 pals de gueules, au chef d'azur chargé de 3 étoiles d'or.

De 1316 à 1325, le prieuré était desservi et habité par un prieur et deux religieux, qui chantaient l'office du jour et de la nuit. Le visiteur réprimanda l'un des deux socii qui prétendait ne pas savoir le chant et l'admonesta en outre aussi bien que son collègue, parce qu'ils se confessaient l'un à l'autre au lieu de s'adresser à leur prieur. Il trouva la maison en bon ordre, mais presque sans provisions, parce que la récolte avait été dévastée par les tempêtes. D'après son inventaire, le principal domaine consistait en 30 quartiers de vigne, deux moulins, un four à ban, quelques dîmes en Arquenay, Le Genest, Laval. Les cures de Saint-Berthevin, Loiron, La Gravelle, Courbeveille, étaient à la présentation du prieur. La maison souffrit beaucoup pendant les guerres anglaises. Les revenus étaient notablement diminués, le clocher et d'autres parties des édifices, en ruine. Le prieur Jean Henri, qui avait déjà beaucoup dépensé pour réparer ces ruines, obtint en 1437, grâce aux sollicitations du duc de Bretagne et du comte de Laval, pour deux ans, la jouissance d'un autre bénéfice, afin de continuer les restaurations.

De 1528 à 1560, et probablement avant et après ces dates, un noviciat, où l'on rencontre surtout des jeunes gens du pays de Laval et quelques étrangers, existait à Saint-Martin.

M. Dubuisson, qui desservait le prieuré au nom du dernier prieur, y continua ses fonctions aussi longtemps qu'il put, mais le 13 juin 1791, écrit en son journal Graffard, le maître d'école du quartier, « l'église a été fermée par les intrus, et les bons prêtres n'ont pu y aller dire la messe ». M. Dubuisson, associé avec MM. Péan, Durocher, Noyer, Derouet, offrit alors (23 février 1792), en vertu de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme, de prendre à loyer l'église de Saint-Martin pour y exercer le culte catholique. La réponse de la municipalité fut à bref délai l'internement, puis l'emprisonnement des pétitionnaires, et la vente nationale pour 35.000  de l'église, qui servit de caserne depuis le 20 brumaire an II. On en fit depuis des magasins en la divisant par des planchers et des cloisons. M. le chanoine Le Segretain l'a acquise dans cet état en 1879, l'a restaurée, en a fait sa chapelle de l'aumônerie militaire, et l'a depuis donnée à l'évêché de Laval, pour une œuvre de missionnaires diocésains, dit-on.

Prieurs : Hervé, obedientie de Valle prepositus, 1080 ; prepositus Latævallis. — Guyard conduisit en 1090 le corps de Denise de Mortain, dame de Laval, à Marmoutier : il fut plus tard, en 1093, témoin de la cession des religieux de Marmoutier à ceux de la Couture de tous leurs droits sur les églises de Laval, et en 1095 d'une restitution de Guy II à Avénières. — Nicolas, 1143, témoin du don de la Gandonnière aux religieux de Marmoutier par Guérin de Saint-Berthevin. — Hubert, 1150, assiste à la restitution que Guy V fait aux religieux. — Guillelmus abbas, prior Lavallensis, 1186. — Geoffroy, témoin d'une charte d'Origné, 1189, puis d'une exemption en faveur de l'abbaye de Clermont, 1191. — Ol., prior de Valle, 1197 ; je trouve, à peu près à la même date, Ormux, prieur de Laval, dans une charte de Thibault de Mathefelon ; est-ce le même ? — Geoffroy du Breil figure à la transaction qui eut lieu entre l'abbé de Toussaint d'Angers et les frères desservant l'aumônerie de Saint-Julien de Laval, 1203-1208. — Richard achète en 1224, de Guy de la Hatonnaille et de Legarde, sa femme, le moulin de Botz. — Hugues, 1258. — Simon de Géri, 1316, avait comme socii Pierre de Saint-Cenery et Pierre Pourceau. — Pierre de Hipré, de Hipreio, prieur en 1325, habite le prieuré avec G. de la Beurère et Pierre de Saint-Cenery. — Pierre de Montenay fait un contrat avec Jean Hatry, seigneur d'Aligné. — Macé des Granges fit différentes concessions ou baillées de terrains pour y construire et des inféodations de vignes, 1374, 1384 ; il chargea son neveu et successeur de fonder pour lui la messe du vendredi. Une inscription, conservée à l'entrée du chœur, rappelle cette fondation et montre au-dessus un moine recevant à genoux la bénédiction de son abbé ; le fondateur, décédé au mois de février 1400, est inhumé au-dessous de cette plaque de pierre blanche. — Alain de la Corbinaie, 1400, 1408. — Jean Henri, 1437. — F. Pierre-Amaury de Lantillac, 20 mai 1470. — Jacques de la Béruche, 1483. — F. Pierre-Guillaume Turmel, 1485. — F. Déodat de la Frézie, 1490. — Jacques de Berrug, 1493, 1513, probablement le même que Jacques de la Béruche ; les prieurs n'étaient pas à vie. — Jean-Baptiste Chotard, 1514, 1526, ne résidait peut-être pas, du moins frère Pierre de Bourges est fermier du prieuré en 1522. — Dom Innocent Garreau était également prieur de Maillé et prieur claustral de Marmoutier ; s'il ne résidait pas ordinairement, on le voit du moins fréquemment à son prieuré où il recevait des novices, dirigés sans doute par le prieur de Louvigné, qui semble demeurer à Saint-Martin de Laval. — Jacques Caperon, résignataire du précédent par acte du 5 août 1566, reçut encore un novice en 1569, † 1575. — Léon Scesneau, trésorier et chanoine de la collégiale de Saint-Sauveur de Blois, donne le 6 novembre 1575 à Guillaume Lebreton, chanoine de Saint-Michel, bail du prieuré, à charge entre autres de nourrir un religieux, s'il y est obligé par l'abbé de Marmoutier ; il résigne presque aussitôt. — François de Rochechouart, fils bâtard de François de R. de Mortemart, étudiant à Poitiers, 9 août 1576, résigne, 1588. — Pierre de Monthoir, religieux bénédictin, 20 mai 1588, résigne, 1605 ; il avait racheté de l'abbé de Marmoutier le droit de table abbatiale. — Louis Blanchard, religieux de Marmoutier, 6 juillet 1605, secourut les pauvres pendant la disette qui commença en 1607, démissionnaire, 1628. — Louis Blanchard, neveu du précédent, mars 1629, religieux de Saint-Sauveur de Redon ; il dut mourir au prieuré, où l'on voyait son inscription : Hic jacet venerab. P. Ludovicus Blanchard, Aurelianensis, hujus prioratus prior. Vixit annos 74, obiit 18 febr. 1643. — Urbain Brullé résigne le 17 mai 1638. — Denis Reneufve, profès de l'ordre de Saint-Benoît, résigne au mois d'août 1650. — Bernard Roussarye, religieux bénédictin du monastère de Notre-Dame de la Daurade, 18 avril 1651, fit retirer des mains de Pierre Bogais, prêtre, receveur du prieuré, tous les titres, les vases sacrés et les ornements du prieuré. — Charles-Martin Cadeau permute, 1658. — Nicolas Leroy, prêtre du diocèse de Paris, ci-devant prieur de Saint-Martin de Bellesme, 19 juillet 1658 ; permute au mois d'août 1671. — Pierre Séguin, doyen du chapitre de Saint-Germain-l'Auxerrois, 12 septembre 1671-janvier 1672. — Jacques Aveline, clerc du diocèse de Paris, maître ès arts, 9 avril 1672, résigne, 1686. — Gaspard Garrot, clerc du diocèse de Paris, bachelier en théologie, 13 juillet 1686, démissionnaire, octobre 1696. — Daniel Bonnenfant, prêtre de Lyon, 1696, abbé de Brissart, mort en 1726 à Laval, laissant tous ses biens à l'hôpital Saint-Julien et ses ornements aux Cordeliers. — Joseph de Bonnail, prêtre de Saint-Flour, fut nommé à condition de réparer les bâtiments du prieuré, 5 mai 1726 ; il était aussi prieur de Saint-Brez. † 1748. — Louis-Bernard-Guillaume de Marsangy, prêtre et chanoine du diocèse de Sens, licencié en théologie de la maison de Navarre, 19 mai 1748, dernier prieur, se fit représenter à l'assemblée du clergé par M. Dubuisson, qui desservait le prieuré.

Bibl. de Tours, Hist. de Marmoutier, par D. Le Michel. — L.-M. de la Beauluère, Le prieuré de Saint-Martin de Laval. — D. Martène, Hist. de Marmoutier. — Arch. d'Indre-et-Loire, H. 365, 382. — Bib. nat. lat. 5.441, passim. — Cart. de la Couture, p. 62, 224. — H. Denifle, Désolat. des Églises de France, t. I, p. 111.

Sainte-Catherine. — Ce prieuré conventuel de chanoines réguliers dépendait de l'abbaye de la Réal, en Poitou. Avoise de Craon, veuve de Guy VI de Laval, remariée à Yves Le Franc, le fonda au mois de septembre 1224, au N.-O. de la ville, mais sur le territoire de Grenoux, dans un hébergement qu'elle avait acquis de Pierre Jehan. Un fief ayant moyenne justice, droit de pressoirage dans les paroisses de Grenoux, de la Trinité, d'Avénières, de Changé, de Louverné, et fourches patibulaires à deux lieues de Laval, était attaché au prieuré, qui percevait en outre huit deniers par an sur tous ceux qui usaient de poids et de balances dans la ville de Laval. La fondatrice avait aussi attribué en tout domaine à ses chanoines la Trepelière et la Galpière en Montigné, le Moulin-Neuf et Rimacé en Nuillé-sur-Vicoin. Confirmés par Emma de Laval, fille d'Avoise, ces dons furent augmentés par elle et par ses successeurs. Guy IX, mort en 1333, fonda au couvent une messe quotidienne pour lui et pour Béatrix de Gavre, sa femme, ce qui valut à ses successeurs « la participation à tous les bienfaits de l'abbaye et de ses membres ». Jeanne de Laval, femme de René d'Anjou, procura aux religieux des reliques de sainte Catherine et eut comme bienfaitrice son image dans la principale vitre de l'église.

Le première église, consacrée la veille de la Saint-Jean-Baptiste 1247 par Michel de Villoiseau, évêque d'Angers, et par Geoffroy de Loudun, évêque du Mans, qui bénit dans la crypte un autel de Sainte-Marie-Madeleine, fut reconstruite vers la fin du XVe s. par le prieur François Lesné,

Ung homme lectré, bien savant, Qui avoit mys en avant Grands deniers à édifier L'église, dortouers et moustier, Porte de fer et parement, Pupitres, cloaistres et bastiment.

De cette reconstruction il reste, vers le nord, une petite façade à deux tourelles, l'une carrée et l'autre à pans coupés supportant un dernier étage carré. Dans la chapelle, grande, orientée régulièrement et qui tenait à l'angle N.-O. du quadrilatère formé par les bâtiments claustraux, on voyait de riches vitraux et l'on invoquait saint Clair pour la guérison des maladies d'yeux. Dès le XIVe s., un chartreux du Parc d'Orques y vient pour cet objet. Le 18 juillet, fête du saint, se tenait une assemblée sur le préau, et sa confrérie fut érigée en 1675. Les cloîtres avaient été reconstruits en partie en 1693 par ordre de Pierre Rodoyer, prieur commendataire, et les dépendances, jardins, prairies, étang, terrasses, avenue plantée, charmille, aménagés comme on le voit sur le plan de Laval en 1753. Un incendie dévora une grande partie de ces bâtiments dans la nuit du 15 au 16 janvier 1776. On estima les dégâts à 30.000 . La bibliothèque et les archives périrent. Ces dépôts étaient-ils considérables ? Le prieur claustral, N. de la Salle, répondait à une demande de l'intendant, le 7 novembre 1678, qu'il ne pouvait fournir aucun renseignement sur son prieuré : « la bibliothèque est vide, écrit-il, et le chartrier n'a pas été mieux conservé ». Sans doute les chanoines de la Congrégation de France avaient depuis enrichi leur bibliothèque, car le prieur, après l'incendie de 1776, déclare qu'elle contenait les meilleurs livres tant anciens que modernes et qu'aux archives se trouvaient des registres, titres et papiers, entre autres l'acte d'érection du prieuré en abbaye. Bourjolly mentionne souvent une chronique de Sainte-Catherine. Ce qu'il en cite n'indique pas qu'elle eût une valeur sérieuse.

Le prieuré ne comptait à l'origine que quatre chanoines. Ce nombre augmenta dans la suite, ce qui donna au prieur François Lesné, après sans doute qu'il eut reconstruit le couvent, l'idée ambitieuse de le faire ériger en abbaye avec Olivet et le Port-Ringeard pour prieurés dépendants. Appuyé de la reine de Sicile, Jeanne de Laval, il obtint une bulle en forme d'Alexandre VI, du 29 mars 1493, visée le 11 mars 1494 par Philippe de Luxembourg et qui n'était, dit-on, qu'une confirmation d'un acte donné par Sixte IV en 1483. On connaît un grand sceau ovale de François Lesné, faussement attribué à François de Laval (1496), avec la légende S. Francisci, abbatis monasterii sanctæ Katherinæ prope Lavallem ; dans le champ, une sainte Catherine dans une niche et au-dessous un écusson écartelé aux un et quatre chargés d'un chevron et de trois croissants, aux deux et trois d'un lion, sur le tout d'un trèfle ou d'une fleur de lis, cantonnée de quatre besans ( ?) L'abbé de la Réal qui avait, paraît-il, donné son consentement verbal à l'érection de l'abbaye de Sainte-Catherine, le révoqua. François Lesné, au moment de partir pour Paris, mourut d'apoplexie à Laval, le 28 juillet 1508. On mit le prieuré en commende et il ne fut plus question d'abbaye. Par contre il y eut de longs procès entre les prieurs claustraux et conventuels jusqu'à ce qu'un règlement déterminât en 1596 la mense de chacun. L'admission, vers 1666, du prieuré dans la Congrégation réformée des chanoines réguliers de France fut un bienfait pour la bonne administration spirituelle et temporelle. L'un des cinq religieux possédait à titre de bénéfice la sacristie. En 1480 le prieur voulut fonder une école pour les enfants du quartier, mais se heurta au privilège et à l'opposition du chapitre de Saint-Tugal. Dans la prairie de Sainte-Catherine, la ville établissait en temps de peste des loges pour les pestiférés, et les religieux leur donnaient leurs soins. Le fait se produisit spécialement en 1637.

Trois religieux habitaient Sainte-Catherine au moment de la Révolution : Pierre-Arnold Bartholyns, prieur claustral, qui se retira à Paris avec Aubin-Léon Bouton, au commencement de 1791 ; Urbain-Second Le Gillon d'Hagruisard, qui fut emprisonné aux Capucins et déporté. Le district envoya à la Monnaie un bras d'argent doré, un bassin d'argent doré relevé en bosse avec la tête de saint Jean-Baptiste, un ostensoir en vermeil garni de pierreries, une statue-reliquaire en argent de Sainte-Catherine ; il fit procéder à la vente du mobilier le 10 juin 1791. L'église devint paroissiale sous le titre de Notre-Dame jusqu'à la Terreur. La maison conventuelle, destinée un instant à servir de séminaire au clergé constitutionnel, fut vendue nationalement pour 14.506  à Jérôme Frin-Cormeré, qui la loua pour le logement d'une compagnie de vétérans, 13 septembre 1796. Une loge de francs-maçons y tint depuis ses séances. Enfin Mlle Letourneurs de la Borde acquit le vieux couvent, et y installa le 18 novembre 1816 des Trappistines venues de Darfeld et logées provisoirement à la Doyère de Louvigné, chez Mme Le Clerc de la Roussière. Le couvent prit le nom de monastère de N.-D. de Grâces et suivait la réforme de l'abbé de Rancé. Des sœurs tertiaires faisaient la classe à deux cent cinquante enfants pauvres de ce quartier déshérité. Devenues trop nombreuses pour un si étroit logement, les Trappistines le quittèrent après quarante ans pour le couvent de la Coudre en Avénières. La maison de Sainte-Catherine est devenue depuis une filature, et n'est plus occupée aujourd'hui que par quelques pauvres ménages.

Prieurs : N. Quartier, avant 1417. — Jacques Lemercier a un conflit de juridiction avec le commandeur du Breil-aux-Francs, 1417. — Jean Doré, 1433. — François Lesné, 1468. — Antoine Coulonneau, 1487. — François Lesné, 1492, † 1508. — François de Laval (V. ce nom), 1528 ; le premier ouvrage en marbre de Saint-Berthevin est, dit-on, un bénitier qu'il fit placer dans l'église de son prieuré (1547). où il résidait souvent, et où il mourut, 1554. — René Pinault, étudiant en l'université d'Angers, 1554. — Gilbert de Savignac, demeurant au prieuré de l'Habit-de-Beaumont, permute, 1559. — Pierre Mariau, chanoine de Paris, 1559, résigne en juin 1574. — Martin Métal, chanoine de Saint-Honoré de Paris, prieur de Saint-Blaise au diocèse de Cavaillon, 1575. — Médéric de Vic, démissionnaire, octobre 1578. — Geoffroy Vincent, clerc angevin, prieur de Cossé-le-Vivien, 1578, 1631. — Vincent Montel, du diocèse d'Angers, curé de Saint-Christophe de Paris, 1631, en compétition avec Claude Simon, 1632, qui résigne au suivant. — Nicolas de Thubert, doyen et chanoine prébendé de Paris, 1635, 1647. — Macé Thoreau, doyen de la cathédrale de Poitiers, 1651. — François du Four, aumônier du roi, prieur de Saint-Leu, prend possession le 29 octobre 1666 en présence d'Antoine Vigier, prieur claustral, résigne, 1668. — Étienne du Four, neveu du précédent, 1669, permute, 1673. — Henri Le Fèvre de Caumartin, chanoine de Paris, abbé de Saint-Quentin au diocèse de Noyon, prieur de Romilly, 25 juin 1673, † 1693. — Pierre Rodoyer, assistant de la Congrégation de France, prieur de Sainte-Geneviève du Mont, 14 février 1693, résigne à Laval le 8 octobre 1708 et meurt quelques jours après. — Pierre Mesnager, religieux de la Réal, 1708, résigne à Laval, « incommodé de gouttes », le 22 novembre 1734. — Michel Mesnager, précédemment prieur claustral, 1735, † 1760. — Pierre Mailhac, prieur de Saint-Germain de Noyon, 1760, † 1776. — Mathieu-Marie Lasnier, curé de Saint-Aubin-de-Pré-Corbin, diocèse de Bayeux, 1776, résigne, 1788. — Guillaume-Alexandre Lefebvre, né en 1732 à Rethel-Mazarin, au diocèse de Bayeux, assistant de la Congrégation après avoir été professeur de théologie à Reims, curé de Fougères, supérieur du séminaire de Reims, curé à Paris.

Cab. de M. l'abbé Esnault. — Lib. fundat., t. II, f. 180. — Boullier, Rech. sur la Trinité et Mémoires ecclés. — Arch. nat., X/1a. 4.791, f. 291 ; X/2a. 61 ; Q/1.704. — Bibl. nat., lat. 5.411/1. f. 86. — Arch. de M.-et-L., G. 341. — L. de la Beauluère, Communautés de Laval. — Arch. de la M., B. 475, 577, 583, 725, 947 ; Reg. du Directoire. — Catal. Dumont, Paris, novembre 1899.

Le monastère de Grenoux, monasterium Grinordis, est aussi à citer parmi ceux du territoire actuel de Laval. Il n'est connu que par un accord de 1094, dans lequel les religieux de Marmoutier se désistent envers ceux de la Couture de leurs prétentions sur la chapelle de Guy de Laval, sur l'église de la Trinité et sur le monastère de Grenoux (Maison de Craon, t. II, p. 310). Au point de vue archéologique on doit rapprocher de ce texte l'existence de vestiges très anciens et encore considérables au bourg même de Grenoux, à la ferme de la Dîmerie. Les étables, pour un mur tout entier et pour presque toutes les substructions, sont en petit appareil et d'un ciment extrêmement solide. Le grand jardin est lui-même sillonné de fondations analogues que toutes les causes réunies de désagrégation n'ont pas réussi à entamer. On y a rencontré également sur un assez grand espace une aire de salle composée de deux lits de ciment séparés par un lit de charbon.

Les Cordeliers. — Guy XII et Jeanne de Laval, sa femme, appelèrent à Laval les Frères mineurs conventuels, pour lesquels ils achetèrent en 1394 une portion de terrain « au bourg de Saint-Martin de Laval, abutant d'un bout au pavement de la grand rue du bourg et de l'autre au champ dit des Lavandiers ». Ils s'adressèrent au pape Benoît XIII, dont la France suivait l'obédience, lequel, par bulle datée d'Avignon au mois d'avril 1396, donna commission aux abbés de Clermont et de Bellebranche pour l'enquête et pour l'établissement des religieux, licentia reverendi fratris nostri episcopi Cenomanensis minime requisita. Les curés de la Trinité firent quelque opposition, mais furent indemnisés par le baron de Laval aussi bien que le prieur de Priz et,-dès 1397, « le monastère avec son campanile, le cimetière, les dortoirs, le réfectoire », bénits par un évêque de l'ordre, étaient en état de recevoir les religieux, ce qui eut lieu, dit-on, le 19 mai 1397. L'église, dédiée à N.-D., à saint Jean l'Évangéliste et à saint Sébastien, achevée seulement dix ans plus tard, fut consacrée le 8 mai 1407 par Adam Châtelain. Cette église et le monastère parurent alors si somptueux que la fondatrice eut le projet de le remettre à d'autres religieux, les trouvant peu séants pour un ordre mendiant, et de bâtir ailleurs pour les Franciscains. Mais Martin V, après enquête faite par l'abbé de Fontaine-Daniel en 1425, ne fut pas aussi sévère et les « beaux pères », c'est ainsi qu'on les nommait à Laval, restèrent dans leur couvent qu'ils continuèrent d'embellir encore.

L'église formait un seul vaisseau rectangulaire quatre fois plus long que large, avec un seul bas côté au nord, divisé en six chapelles répondant aux six travées de la nef et du chœur. Le fond du chœur était presque entièrement ajouré par une grande fenêtre de style flamboyant aux compartiments multiples et aux découpures les plus variées. Elle est murée aujourd'hui et on peut encore distinguer à l'extérieur des fragments de vitraux qui pourraient être sauvés. Les autres fenêtres, plus simples, sont de même style. Un second latéral, ajouté vers 1863 au midi, a donné à l'édifice intérieur une régularité qu'il n'avait pas, en même temps que des voûtes compliquées à pendentifs dans le style du XVIe s. ont remplacé un lambris curieux par ses peintures mais entièrement dégradé. Il était l'œuvre d'un religieux, le P. Beaubrun, et montrait dans une série de cadres les saints franciscains et les papes protecteurs de l'ordre. Tout le mobilier primitif de ce vaste vaisseau fut remplacé avec le temps ; les autels en particulier sont tous des œuvres du XVIIe s., depuis le maître-autel, dans lequel on croit reconnaître le style et l'art des Corbineau, jusqu'à ceux du bas côté gauche. L'un de ces derniers porte la date et l'inscription : 1652, ex dono J. Guylot, advocati. L'église possédait au XVe s. un « bréviaire à l'usage de Rome, attaché en la nef … pour s'en aider qui en aura besoin », don de Jeanne Ouvrouin, 1422 ; et « un imaige de Pitié portant croix, le plus piteulx, le mieux pourtraict selon la vérité réelle du faict, que tous ceux qui le regardent en font grand admiration et en le regardant ont de leur rédempteur moult grant compassion ». Cette image était l'œuvre du roi René. Jeanne de Laval l'avait fait encadrer, 1456. On vénérait dans l'église des reliques de saint Laurent, saint Julien, saint Thomas de Cantorbery, saint Yves, sainte Catherine, sainte Marguerite, sainte Claire, sainte Ursule et ses compagnes. La porte est précédée d'un porche clos avec portail monumental qui donnait sans doute accès sous les cloîtres. Sur le placître, qui sert aujourd'hui de place du marché, étaient à droite une chapelle de Saint-Jean-l'Évangéliste, à gauche une autre chapelle faite sur le « véritable modèle de celle de Lorette », toutes deux démolies pendant la Révolution. On admirait dans le réfectoire, relevé d'un étage en 1534, de superbes verrières de Simon de Heemsce, détruites par l'orage du 24 août 1670.

Au commencement du XVIIe s., des cloîtres magnifiques soutenus par soixante-quatre colonnes de marbre de Saint-Berthevin, avec lambris peints comme l'église en 1639 par le père Beaubrun, entourèrent la cour et un parterre. Au milieu jaillissait un jet d'eau, alimenté ainsi que quatorze fontaines par les sources de la Valette, cédées au couvent en 1521 et 1526 par Guillemine Cireu, veuve d'Ambroise Audouin. Le P. Luc de Wadding exprime longuement son admiration pour cette savante et utile distribution des eaux. Il paraît que le jet d'eau avait remplacé un calvaire. Ce fut l'occasion d'une épigramme

Inde tulere crucem patres lymphamque recentem Supposuere. Ribant : crux ea major erit.

Les colonnes du cloître allèrent en 1809 décorer à Paris le palais du cardinal Fesch.

Le couvent comptait quarante et un religieux en 1482, époque où plus de trente « moururent en brief temps furieux », dit Le Doyen, Wadding porte leur nombre à quarante-cinq vers 1630 et il s'éleva jusqu'à cinquante-quatre un peu plus tard. Ils s'affiliaient aussi des tertiaires qui, par privilège, pouvaient recevoir les sacrements de tout prêtre à leur choix, sauf à Pâques. En 1631, sous prétexte de réformation, on voulut leur substituer des Récollets, mais la dame de Laval, quoique protestante, sollicitée par l'avocat et le procureur fiscal, s'y opposa et leur témoigna un vif intérêt.

Les chapitres de l'ordre se tinrent souvent à Laval. L'un fut présidé, dit-on, en 1422, par saint Jean de Capistran. A celui de la Pentecôte, 1505, quatre cents Pères étaient venus « de Romanie, des Italles et de Hongrie ». Ceux du 12 octobre 1579 et du 17 mai 1619 furent nombreux. La province de Touraine-Pictavienne s'y réunit aussi, mai 1735, 20 mai 1738, 10 juin 1753, 26 mai 1765. Les évêques du Mans donnèrent la confirmation dans les cloîtres, 11 septembre 1618, septembre 1622, 1642. C'était aussi un lieu de réunion pour les marchands tissiers, et le réfectoire recevait à l'Ascension les autorités de la ville. Aux thèses soutenues par les étudiants assistait le clergé, et une fois même tous les corps de ville s'y portèrent (1738). « Ce fut une belle cohue, écrit Pichot de la Graverie, les dames et les demoiselles envahirent toutes les places, les portes ayant été rompues ».

Un Père se vit convaincu d'hérésie en 1554. Le P. Laigneau de Langellerie, Fontevriste, accueilli aux Cordeliers, y jeta quelques semences de Jansénisme et fut éconduit en 1756. Six religieux seulement et un frère lai habitaient le couvent en 1790 ; deux adhérèrent à la Constitution civile.

Gardiens : Fouacier, 1593. — Macé, 1608. — François Motais, 1614. — Philippe Greffier, 1664. — Périer, 1671, 1672. — Nicolas Jouanneaux, 1674. — François Royeux, 1694. — Alexis de Laval, 1707. — Jean Duteil, 1710. — A. Demarsay, 1712, 1713. — Beaussier, ancien ministre provincial, 1716, 1720. — Fournier, 1720, 1722. — Monnier, 1723. — Fournier, 1724, 1725. — Beaussier, 1726, 1730. — De la Barbinière, 1731. — H. Guibourg, 1732, 1733. — Beaussier, 1733. — Farineau, 1735. — Jean Lebreton, ancien lecteur en théologie, 1737, 1738. — L.-A. Fontaine, 1738, 1740. — François Viau-Boisjauny, lecteur en théologie, 1740, 1742. — Étienne Gouineau, ancien lecteur, 1742, 1744. — Viau-Boisjauny, 1744, 1745. — André Chantrier, ancien lecteur, 1746, 1747. — Louis-Antoine Fontaine, ancien définiteur, 1747, 1749. — Joseph Le Balleur, lecteur, ancien provincial, 1750, 1751. — Hilaire Duverger, lecteur, 1752, 1753, † 1765. — François Michel, lecteur, 1753, 1756. — Urbain Deroy, 1756, 1758. — Alexis Beunache, 1761. — François Buon, lecteur, 1765, 1768, † 1770. — Joseph Le Balleur, 1768, 1770, † 1777. — Deroy, 1771. — Christophe Outin, 1771, 1775. — La Vigne, 1777. — A. Guiton, 1779, 1781. — Basset, 1781. — J.-B. Filiâtre, ancien définiteur et gardien, inhumé dans le cloître, 1784. — Guérin, 1785. — Denis Lemonnier, 1788, 1790.

Le couvent, dont les habitants du faubourg demandaient la conservation en 1790, occupé par les administrateurs du district, proposé pour évêché, séminaire, servit à l'internement de quatre cents prêtres insermentés le 20 juin 1792, puis d'hôpital militaire en novembre 1795 et devint caserne après l'acquisition par le département le 10 juillet 1812.

L'église, où se tinrent les réunions électorales puis les séances du Directoire, fut cédée au clergé constitutionnel le 26 juin 1792, et convertie ensuite en magasin militaire. Les citoyens Peigner et Ricoul en acquirent les balustrades en marbre le 31 octobre 1795. Les habitants du faubourg Saint-Martin la réclamèrent en 1800, y commencèrent des réparations le 19 octobre sous la direction de M. Boullier, trésorier d'une fabrique improvisée. M. l'abbé Touchard donna au mois de décembre 1802 la cloche de Priz. Mais l'année suivante, l'État voulut l'annexer à la caserne, malheur qui fut écarté grâce à l'intervention de M. Duchemin de Villiers et à une souscription volontaire de 10.000 fr., 17 août 1803. Par décret du 23 janvier 1806, N.-D. devenait annexe de la paroisse de la Trinité et fut desservie par deux vicaires jusqu'au 5 mars 1826. Devenue alors succursale, puis cure de deuxième classe (10 décembre 1828), avec traitement de cure de première classe (9 mars 1832), elle a eu pour curés : Mézerette, 1826, † 1855. — Léopold Sébaux, 1855-1860. — Baudry, 1860-1872, plus tard vicaire général et curé de la Cathédrale. — Fouilleul, 1872, † 1875. — Furet, ancien missionnaire au Japon, 1875, † 1900. — St. Mars.

Lib. rub., f. 77. — Arch. nat., X/1a. 51, f. 333 ; F/1c, III, Mayenne, 5. — Greffe de Laval, reg. de décès des Cordeliers. — L. de la Beauluère, Communautés de Laval. — Boullier, Recherches sur la Trinité. — Mémoires épist. sur la Révolution à Laval. — Arch. de la S., H. 17, 536, fds. municip. 826. — Comm. hist. de la M., t. V, p. 126. — Les archives du couvent contenaient une lettre de Charles VII, 1429, et plusieurs bulles des papes, d'après Wadding.

Les Dominicains furent appelés à Laval en 1485 par Guy XV, en exécution des dernières volontés d'Isabeau de Bretagne, sa mère, qui avait fait exprimer le vœu de cette fondation sur son tombeau, dans l'église des Dominicains de Nantes. Le frère Mallet vint, en signe de prise de possession, poser la première pierre du couvent au lieu de la Trinquerie, nom malsonnant, qui par la volonté expresse du comte de Laval fut changé en celui de N.-D. de Bonne-Encontre. Les bulles d'érection étaient déjà obtenues quand Charles VIII, par lettres patentes données à Paris au mois de janvier 1488 (n. s.), autorisa « son très cher et amé cousin Guy, comte de Laval …, à faire construire et édiffier … un couvent de Frères Prescheurs … de l'observance de la congrégation de Hollande », avec permission de prêcher et quêter à cinq lieues à l'entour. Une « maisonnette en forme d'une camynecte », une cloche pendue à un poirier, un modeste abri pour l'autel, furent la première installation du monastère, qui se bâtit vite

O la grant ayde des seigneurs, Bourgeoys, marchans et laboureurs.

Le lendemain de l'Angevine 1489, le comte de Laval posa la première pierre de l'église, dont la reine de Sicile, sœur du comte,

Fist construire le beau portail Où est l'armoirie de Laval Assiz devant Sainct Vénérand.

Un instant inquiets sur le succès de leur entreprise, les religieux songeaient à se retirer à Rennes lorsque des secours inespérés leur arrivèrent. Jean Courte, riche marchand, donna 5.000 ou 6.000  pour l'achèvement du chœur, puis finit par se faire moine. Antoine Coulonneau, élu de Laval et maître d'hôtel du comte, prit à sa charge la construction d'une grande chapelle voûtée, dite chapelle du Sépulcre, où il eut sa sépulture en 1506. Robin Touillon, seigneur des Ifs, décédé le 16 novembre 1508, légua 700  pour parfaire la nef, et sa veuve, Jeanne Roussard, paya la grande verrière du pignon, estimée 350 , et le pavage de la nef. La partie principale de l'édifice avait été consacrée le 2 juillet 1499 — G. Le Doyen dit au mois de mai — par Philippe de Luxembourg. Le réfectoire, les cloîtres avec « prédicatoire », dont le prieur Liger fit tailler « les beaux piliers…à moult grans deniers », s'achevèrent de 1525 à 1538.

L'église continua de s'accroître et de s'enrichir. Jean Talbot, bon et riche prêtre, contribua à la construction des chapelles du côté du cimetière. Celles du côté droit étaient dues à la générosité de la famille Lemercier : Saint-Fort, à Michel Lemercier, dont la figure et l'armoirie avec l'image de Saint-Michel étaient « empraintes dans la vitre » ; — Sainte-Madeleine, à André Menjottin et Marie Lemercier, aussi représentés dans le vitrail ; — Sainte-Catherine de Sienne, à Catherine ou Marguerite Menjottin, fiancée du seigneur de Vaucené ; — les Cinq-Plaies, « dans le chapitereau, enclos de bois faict à ouvraige », à Marie Lemercier, « peinte au-devant de l'autel à gauche, comme bourgeoise, ayant au-dessus l'imaige de Sainte-Catherine, et à droite comme religieuse et au-dessus l'image de sainte Marie Égyptienne ». Une fondation de deux messes, le lundi et le vendredi, se desservait dans cette dernière chapelle, pourvue par la fondatrice d'une custode, d'un calice et d'une croix d'argent doré. La tombe des Lemercier était devant le crucifix, en marbre blanc, bordée de lames de cuivre avec inscriptions. On mentionne encore dans l'église les autels de Saint-Jean, de N.-D. de Bonne-Encontre, de Saint-Jérôme, de Saint-Thomas d'Aquin, de Sainte-Rose. Celui du Saint-Esprit, construit en 1606, était l'œuvre de Jean Chantepie, architecte d'Angers ; le grand autel, refait en 1675, était surmonté d'une crosse et de colonnes de marbre. Un incendie causé par la foudre le 27 mai 1573, après quatre heures du soir, consuma le clocher et menaça de dévorer tout le couvent. Un orage, accompagné de grêle, causa aussi de grands ravages le jour Saint-Dominique 1670. De belles verrières — Jacques Leblanc de la Vignolle cite le Passage de la Mer Rouge, — œuvres pour la plupart de Simon de Heemsce, ornées des portraits ou des armoiries des principaux bienfaiteurs : Jean Courte, Guy XVI, Jeanne de Laval, Lancelot de Brée, qui avait fondé (1597) une bourse pour un étudiant « des plus pauvres et des meilleurs esprits », donnaient une grande richesse à l'église des Jacobins qu'un témoin enthousiaste du XVIIIe s. dit être, après celle du couvent de Lyon, « la plus grande, la plus large, la plus belle et la plus accomplie, presque toute bâtie d'un beau marbre noir jaspé ». Le même écrivain mentionne un jubé,… prodige de l'art,… tout doré, enrichi d'une infinité de statues qui sont autant de chefs-d'œuvre, des vitres où il y a autant de miracles de peinture que de figures,… une chaire (celle de Saint-Vénérand) des plus belles qu'on ait vues, des autels incomparables, etc.

Davelu dit plus simplement : « L'église est superbe, bien ornée. On y voit les sépultures de quelques seigneurs de Laval, entre autres Guy XX, dont le cœur est à Saint-Tugal ; on y voit dans le chœur des casques des seigneurs de Laval. Les jardins sont grands, murés, et vont jusqu'aux prairies de Laval ». Un plan du couvent dressé avant sa démolition existe aux Archives départementales. L'église y est aussi dessinée en plan et en coupe longitudinale, longeant la rue actuelle de Mazagran, avec ses arcs et ses fenêtres en ogive, son sanctuaire à trois pans coupés ; contreforts, arceaux, ouvertures étaient en granit.

Le Couvent qui, à l'origine, était de la congrégation de Hollande, réforme du B. Raymond de Capoue, entra dans la Congrégation gallicane créée par Léon X en 1514, fit enfin partie de la province de Paris, constituée par le chapitre général de l'ordre tenu à Valence en 1646.

Les mystères de la Nativité et de la Bourgeoise de Rome, 1494, 1498, furent représentés au couvent. Le pape Léon X le désigna pour la collecte des deniers d'une croisade projetée en 1516. Plusieurs ordinations y eurent lieu, une entre autres de six cents ordinands, le 19 septembre 1618, et les chapitres de l'Ordre s'y tinrent le 1er juillet 1624, le 27 avril 1684, le 31 mai 1715 et en l'année 1755. Par leurs missions et l'institution des confréries du rosaire, par la création d'un tiers-ordre de femmes destinées à l'enseignement, qui fut peu nombreux et de courte durée il est vrai, les Pères rendirent des services dont le comté de Laval leur était reconnaissant. Ils auraient voulu admettre à leur cours de philosophie et de théologie les clercs séculiers, mais, malgré l'appui du maire et des échevins, l'évêque refusa une autorisation préjudiciable aux collèges du Mans et de la Flèche.

Ordinairement peu nombreux, les religieux, qui venaient de faire à leur maison des travaux considérables, n'étaient plus que quatre profès et un frère convers en 1790. Les PP. Erpelding, prieur, et Christoffel, ainsi que le frère Joseph Schaeffer, déclarent vouloir de préférence rester dans leur maison. Louis Monsallier et Sébastien Le Chauve se sécularisèrent volontiers. Dans le couvent, acquis par le département, pour 9.835 , le 1er octobre 1791, le Directoire vint s'installer avec solennité en présence de toutes les administrations, et bannière en tête, le 25 juin 1792. Ce fut pour peu de temps, car la municipalité acquérait à son tour église, maison et enclos le 30 octobre suivant, cédait les terrains inutiles au percement des rues, et aliénait de nouveau en l'an X l'église qui avait servi d'atelier du salpêtre et le couvent ; démolis tous les deux en l'an XI, les fondations en servirent à la construction d'une préfecture insignifiante.

Prieurs : Simon Berthier, religieux en 1489, prieur, 1511. — Liger, 1525, 1528. — Étienne Le Parye, 1533. — François Verdier, 1537. — Planchois, 1544. — Pierre Michel, 1545, 1548. — René Goussé, 1548, 1550. — René Rabinard, 1550 ; en 1551 il est substitut du vicaire général de la Congrégation gallicane. — Lebel, 1551, 1554. — Revel, 1554, 1556. — Mailler, 1556, 1559. — Jean Moreau, 1559, 1561, sous-prieur, 1563. — Jean Saichespé, 1561, 1563. — René Goussé, 1564, 1565. — Jean Dumay, 1565, 1567. — Dominique Sergent, 1567, 1570. — Mathurin Lailler, prieur au Mans, 1552, le fut ensuite à Rennes et à Laval. — Jean Quetin, après 1566. — Pierre Ragot, 1593, 1594. — Simon Richer, 1596. — Olivier de Cuilly, 1599, 1602. — Michel Cormier, 1603. — Olivier de Cuilly, 1605. — Simon Richer, 1606, sous-prieur, 1609. — Olivier de Cuilly, 30 septembre 1606, 1607. — Michel Beaudoux, avant 1615. — François Lemasson, 1620, 1625 ; avec Simon Richer, qui l'avait précédé dans le priorat, il donna son approbation au fameux Dialogue des Trois Vignerons. — Ambroise Blanchet, 1627. — Jacques Germont, 1634. — Étienne Blondel, 1647, 1648. — Antoine Danguy, avant 1656. — Louis de Guibert, avant 1659. — Florent, 1659. — Denis Gomer, deux fois prieur, avant 1666. — Florent Ranciat, pour la seconde fois, 1667. — Jacques Macé, 1671. — Nicolas Gaullier, 1684. — André Pinoche, 1695. — Julien Girard, 1698. — Jean Lenoir, 1716. — Olivier Couannier, 1718. — François Leroux, 1733. — Leveau, 1739. — Guillaume Boullier, 1739, 1742. — Thomas Hamard, 1746. — Cottereau, 1749. — B.-L. Lebugle, 1758. — J.-M. Frezier, 1783. — Pierre Erpelding, né au diocèse de Trèves, 30 janvier 1722, professeur au faubourg Saint-Germain, 1752, prieur, 1790.

G. Le Doyen, Chronicque, passim. — Arch. nat., JJ. 225, f. 79 ; X/1a. 1.569, f. 360. — L. de la Beauluère, Communautés de Laval. — Guiller, Recherches sur Changé. — Cosnard, Hist. des Frères-Prêcheurs du Mans. — Arch. du chapitre du Mans, B. I, f. 261, 317.

Les Capucins, derniers venus des congrégations d'hommes, eurent pour principaux bienfaiteurs Jacques Marest, seigneur des Abatants, François Bignon, sieur de la Croix, lieutenant au siège ordinaire, et Pierre Marest, sieur de la Ragottière, qui leur cédèrent le lieu de Hochebride par acte du 28 juin 1614, accepté des PP. Emmanuel de la Touche, gardien de Nantes, et Louis de Laval, sous le bon plaisir du R. P. Joseph, provincial de Paris, des PP. Jean-Chrysostôme d'Angers, gardien de Morlaix, Séraphin d'Orléans, gardien de Châtellerault, et Michel d'Angers, socius du Père provincial. Hochebride était au haut de la rue de Bel-Air. Les chanoines de Saint-Tugal, à condition que les Capucins les accompagneraient aux processions annuelles, leur donnèrent une partie d'un terrain qu'ils tenaient de Pierre Le Baud, leur ancien doyen, et c'est là que fut plantée la croix d'inauguration le 24 juin 1614, cérémonie suivie de la pose de la première pierre de l'église par Louis Cazet, le 19 octobre, et de sa consécration sous le vocable de Sainte-Geneviève par Charles de Beaumanoir le 16 septembre 1622. Cette église formait le côté nord de la cour intérieure. On l'agrandit au XVIIIe s. ainsi que le monastère, qui put contenir quarante religieux, et eut son infirmerie (1717) et sa bibliothèque bien fournie installées au second étage du bâtiment méridional. Le Bocage, situé à l'ouest, agréablement disposé, tout en appartenant au couvent, servait de promenade publique.

Attaché à la province de Touraine, puis à celle de Bretagne, le couvent reçut les chapitres provinciaux de l'Ordre, le 18 septembre 1654, le 11 septembre 1686, le 13 juin 1704 et le 13 juin 1766. Des fêtes de toute une octave, auxquelles s'associa la ville entière, marquèrent les canonisations de saint Félix de Cantalice, au mois d'avril 1713 ; de saint Joseph de Léonisse et de saint Fidèle de Sigmaringen, en mai 1749. Les Capucins de Laval, qui s'associaient pour la circonstance d'autres prédicateurs de leur Ordre, donnaient tous les dix ans dans la ville une grande mission fondée par la famille Beaumont. Cet événement, des plus considérables alors pour toute la population, suscitait aussi quelques rivalités entre les partis et même dans le clergé, symptômes et effets des petites passions qui n'empêchaient pas le bien de se produire. La lecture publique des restitutions opérées, qui clôturait la mission, était particulièrement intéressante.

Les religieux choisissaient parmi les notables bourgeois un père temporel, quelquefois qualifié syndic du couvent, qui s'occupait de leurs affaires, même en justice ; ils avaient aussi une sœur spirituelle, logée près du couvent, pour recevoir les aumônes. Quoique adversaires déclarés du jansénisme, ils eurent cependant avec l'évêque du Mans, Louis de Froullay, une difficulté qui entraîna un interdit momentané de leur communauté, à l'occasion des opinions suspectes du Père de Lannion que son supérieur avait cru devoir soutenir, 1750. Du reste, le prélat racheta sa vivacité d'un moment — c'est ainsi qu'on apprécia sa mesure rigoureuse, — en favorisant la mission donnée ensuite par les Pères. Quatre Pères et trois Frères occupaient le couvent en 1790 et tous, sauf le P. Joseph-Marie Férail, né à Rennes, qui fut déporté à Jersey, adhérèrent à la Constitution civile. Le P. Bourgeois, gardien, se fit, comme intrus de Saint-Berthevin, une triste réputation.

Fermée au mois de février 1791, la maison devint du 22 juin au 23 août 1792 la prison des prêtres insermentés, prison sans portes, sans fenêtres, où ces malheureux furent entassés, privés de tout secours et maltraités à plaisir. Une lettre adressée au roi par Mgr de Gonssans rend compte en termes émus et indignés de cette situation affreuse. Vendu nationalement le 9 février 1793, le couvent servit d'asile aux orphelins vendéens (11 juin 1794), puis de prison pour les « brigands » et pour les prêtres rentrés de Rambouillet, 31 décembre 1795. On démolit l'église au mois de février 1796.

Greffe de Laval, reg. de décès. — Pichot de la Graverie, Sentences. — Boullier, Rech. sur la Trinité et Mémoires ecclés. — Arch. municip. de Laval, D/1b, D/1c. — L. de la Beauluère, Communautés de Laval. — Arch. de la M., L. 108. — Arch. nat., F/1c, Mayenne, 7.

Compagnie de Jésus. — V. l'art. Cimetière-Dieu.

2. COUVENTS DE FEMMES.

Bénédictines. — Le prieuré de Sainte-Scholastique est une fondation de la Trinité de Poitiers. Sollicitée par Guy Bourdais, curé de Cosmes, ancien professeur au collège de Navarre, mandataire de Robert Chevalier, riche marchand lavallois, et de Lézine Beloce, sa femme, l'abbesse Jeanne Guichard de Bourbon acceptait, le 10 août 1621, le lieu de Montmartin — actuellement place de Hercé — avec l'engagement d'y bâtir dans le délai d'un an un couvent de religieuses réformées de l'Ordre de Saint-Benoît, et d'y admettre la fille des donateurs, Gillette Chevalier, pauvre fille quasi idiote, qui causa beaucoup d'ennuis aux Bénédictines et qu'elles ne purent admettre aux vœux, après consultation d'avocats, qu'à condition qu'elle n'aurait jamais voix au chapitre. Guy Bourdais mena adroitement les négociations avec l'évêque du Mans, Charles de Beaumanoir, dans un conseil épiscopal tenu à 6 heures du matin le 23 septembre 1621. Les habitants de Laval avaient donné avec reconnaissance leur adhésion au projet de fondation le 5 août précédent, et Henri de la Trémoïlle accorda l'indemnité du terrain concédé.

Le jeudi 21 octobre, cinq religieuses de chœur : Jeanne de la Crossonnière, Catherine de Lucinge, Marguerite Courtinier, Marie de la Crossonnière, Geneviève Regnault et deux converses, partirent de Poitiers dans un grand carrosse attelé de quatre chevaux qui devint leur couvent ambulant jusqu'au 8 novembre. On les suit par Mirebeau, Guesnes (22), Saumur où elles font provision de chapelets et de lunettes, Tresves où les reçurent Pierre de Laval et Isabelle de Rochechouart, Beauveau, Sèches chez les Bénédictines, au Ronceray d'Angers où elles passèrent les fêtes de la Toussaint et où les rejoignit « Monsieur de Cosmes », à Nyoiseau, au Buron d'Azé, à Entrammes chez M. de Birague. Elles arrivèrent enfin à Laval le lundi 8 novembre à 4 heures du soir, reçues par le clergé et introduites dans la maison de Montmartin par le doyen rural, André Ragareu, curé de l'Huisserie.

Sans ressources dans leurs bâtiments « angustes et serrés », que l'abbesse de Poitiers avait augmentés d'une chapelle au pignon, les religieuses, qui avaient déjà recruté quelques novices, étaient encore harcelées par le sieur Chevalier, qui n'exigeait rien moins que la construction d'une abbaye, « ce qui leur feroit, disait-il, beaucoup de gloire ». Elles obtinrent la réunion à leur mense de la chapelle de la Gaucherie (1622), firent creuser par Jean Gourny, « maître faiseur de puiz, demeurant au lieu des Pavés de la Gravelle », un puits large et profond qu'elles firent munir plus tard (1636), par Simon du Vassal, fontainier ingénieur, flamand de nation, d'un mécanisme et de conduites en plomb distribuant l'eau dans tous les offices. Le même ouvrier leur fabriqua aussi un moulin à bras, mû par une seule personne et pouvant moudre et bluter vingt-quatre boisseaux de blé en vingt-quatre heures.

Ce furent les Corbineau, père et fils, qui s'engagèrent le 10 juillet 1630 à construire l'église avec portail en pierres de taille et tuffeau, aussi riche au moins que celui des Ursulines, pignons à « rempaulx » semblables à ceux de Patience, entablements de tuffeau. Le marché comprenait aussi la construction des dortoirs et autres bâtiments ayant « portaulx, portes et fenêtres toutes faictes à vouste, entablements et lucarnes de tuffeau de dix en dix pieds. » Le grand autel, le tour des grilles du chœur haut et bas, le portail sur le Gast, firent l'objet d'un second contrat avec les mêmes architectes, le 18 janvier 1636, et l'autel de la chapelle latérale fut marchandé le 8 mai. Souvelin, menuisier, fournit en 1641 un tabernacle de 9 pieds sur 7, garni de 20 colonnes torses, de 18 figures et de 10 anges posés sur les entablements. Une chapelle de Notre-Dame de Lorette vers les Éperons et un bâtiment pour trente ou quarante pensionnaires s'élevèrent au XVIIIe s. Le plan du couvent et de son enclos, conservé aux Arch. départementales, est reproduit dans la Revue du Maine, t. XVII, p. 285. Les religieuses firent imprimer à Laval, chez Ambroise (V. ce nom), en 1664, Le Sanctoral, contenant plusieurs offices propres de leur Ordre. Les pensionnaires avaient aussi un Manuel de piété à leur usage.

Riche en vocations, le couvent de Sainte-Scholastique envoya de nombreux essaims : à Vitré, 1624 ; à Domfront, 1629 ; à Château-du-Loir, 1630 ; à Ernée, 1631 ; à Avranches, 1632 ; à Lassay, 1632 ; à Évron, 1638 ; sans compter un essai à la Flèche en 1629. J'ai relevé ailleurs le nombre vraiment extraordinaire de sœurs qui arrivèrent à cinquante, soixante, soixante-dix et soixante-dix-huit ans de profession religieuse. Malgré la banqueroute Law qui faillit ruiner la maison et l'avis de l'intendant qui demandait leur suppression en 1733, les Bénédictines se maintinrent toujours nombreuses et de vie régulière. Elles étaient seize encore en 1790, qui toutes, sauf une seule, demandèrent fermement à la suite de leur vénérable supérieure, la sœur Tripier. âgée de quatre-vingt-trois ans, à vivre et à mourir dans leurs cloîtres et suivant leurs vœux. Expulsées le 22 septembre 1792, elles ne prêtèrent le serment d'ailleurs bien inoffensif de liberté et égalité, au mois de janvier 1794, que pour le rétracter aussitôt, ce qui valut à plusieurs la consolation de rentrer prisonnières dans leur couvent, siège du tribunal révolutionnaire, et depuis le mois de mars 1793 maison de détention pour les suspects. On y enferma aussi les prêtres atteints par la loi du 3 brumaire et du 22 thermidor an IV. Au Concordat, le curé de la Trinité installa son presbytère au milieu des bâtiments dévastés, dans un corps de logis à peine habitable. Enfin M. de Hercé, maire de Laval, fit raser ces ruines et ces décombres et planta sur une vaste terrasse qui faisait le tour de la place de beaux arbres qu'on a abattus en 1880 pour faire un champ de foire et d'exercices assurément moins agréable.

Prieures : Jeanne de la Crossonnière, 1621-1625. — Catherine de Gaston, 20 décembre 1624-1631. — Marguerite Courtinier de la Millenchère, 29 mars 1631-1638. — Anne Arnoul, 1645, 1666, 1667, morte en 1674, après avoir été plusieurs fois prieure. — Renée Le Clerc, fille de Jean L., sieur de la Bouffraye, morte en charge le 16 février 1689. — Marie de Breslay, morte prieure le 1er décembre 1694. — Françoise Rayer, fille de Gervais R., sieur du Garoullay, et de Renée Le Clerc, 1698, 1700. — Perrine Monnerie, de Vitré, 1701, 1704. — Guyonne de la Gatellerie, 1706, 1707, morte sous-prieure, 1712. — Louise Hennier, 1723. — Jeanne Châtenier, 1730, morte en fonction le 9 mai 1731. — Louise Hennier, 1733, 1736, 1743, 1746, 1747. — Renée-Michelle Barbeu du Boulay, fille de Mathurin B., avocat, et de Françoise Rousseau, de Saint-Martin de Mayenne, 6 août 1746, † 14 mai 1750, âgée de soixante et un ans. — Perrine-Nicole Du Cellier, 1751, 1754, morte prieure le 6 mars 1768, après cinquante-trois ans de profession. — Marguerite Tripier, morte supérieure le 9 novembre 1775, âgée de quatre-vingt-trois ans. — Thérèse Tripier, 1776, 1781 ; sous-prieure, 1790. — Jeanne Poisson, 1790.

A. Angot, Les Bénédictines de Laval. — Arch. de la Vienne, abbaye de la Trinité, liasse 6. — Arch. de la M., E. 355, 362 ; minutes Jardrin. — Arch. nat., S. 7.846 ; Q/3. 77. — J'ai donné aux Arch. le martyrologe avec obituaire du couvent.

Patience est le premier couvent de femmes qu'ait possédé Laval. A l'exemple et sous l'inspiration de Marguerite de Lorraine, sa parente, fondatrice des Franciscaines à Argentan et à Château-Gontier, Guy XV et Catherine d'Alençon, sa femme, désirèrent avoir des sœurs Urbanistes suivant la règle de sainte Claire, mitigée par les papes Urbain IV (1263) et Eugène IV (1446). Ils leur destinèrent, par acte du mois de juillet 1494, le lieu dit « Patience ou clos de Paradis », qui, du pavé et de la fontaine de Saint-Martin s'élevait, en longeant l'enclos non terminé encore des Cordeliers, jusqu'au sommet du vallon. Les sujets, qu'on demanda sans doute aux couvents de l'Ordre, manquèrent. Le comte s'adressa donc, le 3 juin 1494, à un petit groupe de tertiaires qui vivaient librement dans le monde sous la conduite de Marguerite de la Roë, dame de Thorigné, et de Marguerite Hatry, fille du seigneur d'Aligné, leur donna le clos de Patience, une prise d'eau de la grosseur d'un pois dans le tuyau des sources de la Valette, et leur promit sa protection. Les sœurs s'engageaient à réciter l'office selon le rite romain, à prendre le voile de lin selon l'usage d'Allemagne, à venir saluer le Saint-Sacrement au passage de la procession du Sacre et à permettre au fondateur l'entrée de leur couvent. Jusqu'en 1519, elles gardèrent le nom de « religieuses du tiers-ordre de Monsieur saint François ». Outre les deux supérieures déjà désignées, Catherine Hatry et Jeanne Cotteblanche, contribuèrent largement à la dotation de la nouvelle communauté.

Marguerite de Lorraine se disposait à venir à Laval établir les observances de son couvent d'Argentan, quand elle mourut à Alençon le 2 novembre 1521. Ce fut Marguerite de la Roë qui alla se pénétrer des usages et de la règle des Urbanistes à Argentan pour les rapporter à Laval, où le couvent, augmenté par Guy XVI d'un terrain cédé par Gilles Georget, fut « érigé et parfini » en 1523.

Il y manquait pourtant une formalité essentielle. On s'était passé de l'intervention de l'évêque. Le 13 juin 1525, Jean Corbin, vicaire général, cita devant lui par affiches apposées aux portes de Saint-Tugal et de la Trinité tous ceux qu'intéressait la fondation. Jean Berault, procureur général, Antoine Pinçonneau, élu, Jacques Hennier, procureur des religieuses, et ceux des deux curés de la Trinité, se rendirent à la convocation, trouvèrent dans les cloîtres huit religieuses, dont la doyenne, Marguerite Hatry, suivait la règle franciscaine depuis quarante ans, visitèrent l'église, le chœur, le dortoir, les cloîtres, les chambres, les jardins, les clôtures ; puis reprirent la visite le 19, ordonnant de murer une porte et une fenêtre et de construire un mur parallèle à la clôture des Cordeliers, lequel laisserait entre deux un chemin public de 8 pieds. Après promesse de 200 écus par le comte de Laval pour l'achèvement des travaux, le vicaire général rendit à Saint-Tugal un décret d'érection, mettant la maison sous le gouvernement d'une mère, sous la direction de deux pères cordeliers, et l'assistance temporelle d'un receveur ou syndic et de deux servantes ou converses âgées. Jérôme de Hangest, premier vicaire général de Louis de Bourbon, « prévenu, dit-il, que des personnes sans mission avaient érigé une communauté », recommença les mêmes formalités au mois d'août et rendit un nouveau décret le 9 décembre, louant grandement la générosité du comte de Laval, le zèle religieux des tertiaires et la sympathie dont les honoraient les habitants. L'évêque décréta à son tour, le 26 mai 1526, puis visa la règle approuvée par le cardinal Antoine, légat en France, pour « les sœurs de Sainte-Claire du couvent de Patience de Laval ». Cette règle fut imprimée en 1651 chez Robert Cormier (V. ce nom).

Yves Mayeuc, évêque de Rennes, avait consacré l'église le 23 juillet 1525. Jamet Neveu (V. ce nom), dont la fille prit le voile au couvent en 1547, bâtit un nouveau corps de logis, celui qui subsiste, avec avant-corps au centre. La chapelle s'y soudait, comme on le voit encore aux murs conservés sur une hauteur de deux mètres et formant clôture d'un petit jardin. La clôture entre les Cordeliers et Patience fut refaite en 1637 de manière à ne pas « empescher la vue du grand vitrail du chœur et à ne pas permettre de voir du dortoir des religieux dans le jardin et dans le verger des sœurs ». C'est ce voisinage qui suggéra, dit-on, à Henri IV, en 1589, une plaisanterie dont l'exemplaire vertu des Patientines ne peut être atteinte. Au XVIe et au XVIIe s., la supérieure prenait le titre d'abbesse, inséré dans les bulles d'Eugène IV et de Léon X. Les religieuses, sorties des meilleures familles du pays, étaient nombreuses (de 25 à 35) et fondèrent en 1635 la maison de Fougères, en 1636 celle de Beaumont-le-Vicomte. « La maison est belle et grande, écrivait Davelu vers 1780, l'église assez jolie, sur une élévation. Elles sont très bien rentées et en grand nombre. Elles ont un aumônier qui n'est pas logé chez elles ».

Au moment de la Révolution, toutes les religieuses restèrent fidèles à leurs vœux, car celles qui, surprises un instant, prêtèrent serment, le rétractèrent avec courage et subirent la prison aux Bénédictines, après avoir été chassées de leur propre couvent le 27 septembre 1792. La maison, où les prêtres sexagénaires furent alors internés sous la surveillance du citoyen Leclerc, convertie en magasin militaire, 1794-1795, fut ensuite livrée à des locataires auxquels il fallait défendre de laisser leurs « ordures et excréments dans les corridors, les escaliers et les ci-devant cloîtres ». Les prêtres catholiques ayant obtenu la permission d'exercer le culte à l'église, du mois d'avril au mois de juillet 1795, la foule s'y porta. On la démolit en 1798. Un joli corporalier, coffret du XIIe s. en bois incrusté d'ivoire, où le Christ est représenté avec les symboles des évangélistes, appartenait aux religieuses. Il est passé dans le cabinet de M. Basilewski. Le musée de Laval en possède un moulage. Une souscription publique a permis de fonder dans la maison, acquise de la ville en 1853, un établissement des Frères de la Doctrine chrétienne.

Mères-Supérieures. — Marguerite de la Roë, fondatrice, 1517-1542. — Anne Cotteblanche, de la famille des seigneurs de la Guitterie, de Placé, 1543, 1558. — Philippe de Laval, fille de Guy de Laval, baron de Lezay, et de Claude de la Jaille, 1560. — Renée Berault, 24 mai 1562. — Philippe de Laval, 1562. — Marie de Lysore, 1565. — Philippe de Laval, 1570, 1571. — Marie de Lysore, 1571, 1581. — Marguerite de Vassé, fille d'Antoine de V. et de Marguerite Hatry, 1581, 1584. — Philippe de Laval, 1584, 1596. — Anne Le Verrier, 1604, 1608. — Anne Le Clerc de la Manourière, 1609. — Marguerite de Vassé, à qui Charles Jouye, religieux récollet, dédie un de ses ouvrages, 1616. — Perrine Davost, 1619. Pendant son priorat, l'évêque du Mans vint, du 21 au 23 septembre 1622, remettre dans le monastère la bonne intelligence un instant troublée. — Marie Chapelle, 1624, 1625. — Jeanne Hardy, 1629. — Anne Chemineau, 1630. — Anne Chapelle, 1635. — Françoise des Vaux de Lévaré, 1637, 1638. — Renée Chemineau, 1641, 1644. — Louise de Meaulne, fille de Claude de M. et de Louise de la Haie de Brissarthe, et petite-fille de René de M., lieutenant à Laval, 1644, 1646. — Jeanne Lucas, 1648, 1652. — Jacquine Lemaistre, 1653, 1655. — Renée Chemineau, 1657, 1658. — Françoise Baillé, 1659, 1661. — Élisabeth d'Andigné, 1665. — Françoise Baillé, 1669, 1670. — Élisabeth d'Andigné, 1671, 1672. — Françoise Baillé, 1675. — Barbe Gigault, 1677, 1679. — Agnès Chasteigner, 1680, 1682. — Barbe Gigault, 1682, 1683. — Marie de Breslay, 1684. — Jeanne d'Andigné, 1690, 1691. — Claire Chevalier, 1692, 1694. — Jeanne d'Andigné, 1696, 1706. — Claire Chevalier, 1707, 1709. — Jeanne d'Andigné, 1710, 1713, 1714. — Renée-Thérèse Beucher, 1719, 1725. — Renée Périer de la Bizardière, 1725, 1728. — Anne-Urbaine Josse, 1728. — Renée-Thérèse Beucher, 1735, 1740. — Anne-Urbaine Josse, 1740. — Renée-Thérèse Beucher, 1741. — Françoise Beucher, 1744, inhumée dans le cloître le 4 décembre 1746, âgée de soixante-treize ans. — Renée-Thérèse Beucher, 1748. — Perrine-Jeanne Beucher de la Poupardière, 1752, 1764. — Anne Salmon, 1765, 1766. — Perrine-Jeanne Beucher de la Poupardière, 1766. — Anne Salmon, 1770. — Marie-Anne-Louise Le Duc, 1770, 1776. — Anne Salmon, élue le 15 juillet 1776, le 26 août 1782 et le 21 août 1785 à l'unanimité, 1790. — Anne-Jacquine Pellé-Dupré, élue le 19 octobre 1790.

Lib. fundat., t. IV. f. 96, 98, 103. — Cab. Esnault. — Luc Wadding, t. VIII, p. 261. — Gonzaga, Provincia Turon., p. 697. — Boullier, Recherches sur la Trinité et Mémoires ecclés. — L. de la Beauluère, Communautés de Laval. — Arch. nat., S. 70486 ; Q/3. 79. — Arch. de la M., L. 108, 259 ; Reg. du Directoire. — Arch. municip. de Laval, D/1c. — Mém. épistol. sur la Révol. à Laval. — Greffe de Laval. Reg. de vêtures. — Bib. de Laval, fds Couanier. — Coutumier mss., ex meis.

Les Ursulines furent appelées à Laval par les fondateurs de la confrérie du Saint-Sacrement de Saint-Vénérand, qui proposèrent de leur céder la maison de l'Armurerie, située à l'extrémité du cimetière, où ils avaient eu le projet d'établir un séminaire « ou collège pour l'instruction des enfants de chœur de la paroisse ». La Mère de la Croix, supérieure de la maison de Bordeaux, accepta l'offre qui lui fut présentée, au nom des habitants, par Robin de Beauvais, docteur en théologie, prieur de Châtillon en Bordelais. Au mois de décembre 1615, elle obtint du roi des lettres patentes autorisant la nouvelle fondation et, le 27 avril 1616, son procureur, Robin de Beauvais, vint prendre possession de la maison du séminaire, en se réservant le droit de la quitter si un logement plus convenable s'offrait. Partie de Bordeaux le 16 juin 1616, sous la conduite de la Mère de la Croix, la petite colonie, composée de six religieuses : Marie de Jantilleau, supérieure, Marguerite de Lucines, Anne de Beauvais, Catherine de Cremons. Renée de Beaunes et Catherine Moreau, arriva à Laval le 28 et fut installée le même jour. On mit à sa disposition la chapelle Saint-Jacques du cimetière, avec Guillaume Riviers, chantre de Saint-Vénérand, pour chapelain. L'école des Ursulines, ouverte aux enfants pauvres, donna pleine satisfaction aux habitants et la communauté naissante s'augmenta de plusieurs novices. Soumises à la clôture après l'approbation définitive des statuts de leur ordre par Paul V, en 1612, elles eurent d'abord la pensée de se fixer définitivement à Saint-Vénérand et conclurent même avec Étienne Corbineau, le 29 novembre 1617, un marché pour la construction d'un monastère dans la partie du cimetière qui leur avait été concédée par les habitants dans leur assemblée du 19 du même mois. Mais jugeant bientôt que ce terrain était insuffisant, elles achetèrent, le 12 septembre 1610, de Nicolas Bertrand, avocat, et de Françoise Roullet, sa femme, les maisons et terres de la Croix-Blanche, « près le pavé neuf de la ville et le chemin qui conduit de la porte de Beucheresse au Gué-d' Orgé, » afin d'y « faire bastir une maison de collège avecq église et autres édifices et accompagnement nécessaire. » L'enclos fut agrandi, la même année, par la réunion du lieu de la Valette, acquis, pour 8.500 , de Catherine Hennier, veuve de Robert Moraine. La croix y fut plantée par le curé de la Trinité le 24 mai 1620, et Étienne Corbineau commença la construction du monastère dont la première pierre fut posée par Louis Cazet, juge de Laval. On peut en dégager le plan primitif au milieu des bâtiments plus considérables ajoutés pour l'aménagement du lycée. Il formait un carré avec cour extérieure dont la chapelle dédiée à sainte Hélène était un des côtés. Aux quatre angles internes s'élevaient des pavillons reliés par des galeries. Il ne reste plus de la chapelle que la façade, « beau et honneste portail, » disait E. Corbineau, assez richement décoré par les encadrements de la porte et de la fenêtre qui la domine et des pilastres, le tout traité en bossage. Ces deux ouvertures sont couronnées de frontons brisés, avec niches aujourd'hui vides de leurs statues. La nouvelle chapelle accolée à l'ancien portail a été reconstruite en style gothique, par M. Renous, vers 1848 ; au fond, trône, dans un jour céleste, une Vierge tenant l'enfant Jésus à droite (signée Barré, 1849) d'un effet assez remarquable quoique d'un sentiment peu religieux. On lit encore sur une pierre tombale servant de pavage : Cy gist le corps de Pierre Cornilleau, sieur du Chastelier, qui décéda le 12 juillet … et Marie Lemasson, femme du dit Cornilleau, décédée le 21 juin 1643… Charlot, sieur de la Claverie, conseiller du roy, décédé le 4 février 1675 ( ?), et de Françoise Cornilleau femme du … sieur de la Claverie, décédée le 3 février 1677 ( ?)

Tous les travaux étaient terminés en 1625, les religieuses rendirent le 9 novembre aux confrères du Saint-Sacrement leurs immeubles derrière l'église de Saint-Vénérand et furent installées, probablement le même jour, par M. Lair, official du Mans, dans le nouveau couvent qui portera désormais le nom de Sainte-Croix. Elles continuèrent de se livrer avec le même zèle à l'instruction des enfants pauvres, but principal de leur institut, et ouvrirent en dehors du couvent un pensionnat de jeunes filles très florissant surtout à la fin du XVIIe s., et une maison de retraite pour les grandes personnes, dont la pension annuelle fut portée à quarante écus en 1692, « à raison du rehaut notable des provisions ». « Tout est beau dans cette maison, écrira plus tard Davelu, église, pensionnat, bâtiments, enclos. Les religieuses en grand nombre y tiennent les écoles et donnent des retraites aux femmes et filles ». Quatre-vingt-quatre signent le formulaire contre les Jansénistes, le 24 juillet 1661, et quatre-vingt-neuf celui du 17 mai 1666. Elles étaient cinquante sœurs de chœur en 1680 ; trente-sept, avec cinq converses en 1727 ; vingt, et six converses en 1790. La maison de Laval envoya des colonies au Mans et à Dinan, 1621, à Château-Gontier, 1630, à Thouars, 1632, à Vitré, 1679. Elle fournit des supérieures à Vannes, Saint-Pol de Léon, Morlaix, Tréguier et Angers. Parmi ses membres qui pratiquèrent des vertus éminentes et moururent en odeur de sainteté, il faut citer les mères : Marie Boulain, Louise Guays, Candide Baillé, Anne Gaudin (V. ces noms). Le couvent fut éprouvé en 1689 par une épidémie suivie d'une période de relâchement et de division. Les évêques du Mans y rétablirent la régularité par diverses ordonnances, datées des 6 et 16 août 1699, du 30 avril 1715 et du 20 mars 1717, et l'archevêque de Paris nomma une supérieure en 1699. Ruiné en partie par la banque-route de Law, il reçut de l'État une subvention de 600 , que l'intendant de Tours demande à continuer vers 1735 « à cause de l'utilité que ces religieuses procurent au public ». La déclaration de 1790 accuse un revenu total de 5.049 , avec l'état de la maison augmentée des deux chapelles de Saint-Joseph et de Bethléem construites dans les jardins.

Chassées de leur couvent par l'émeute du 10 juillet 1791, les Ursulines y furent ramenées le lendemain par la municipalité, mais durent fermer leurs classes et céder la nef de leur église à la société populaire. Après leur expulsion, 29 septembre 1792, elles se retirèrent dans des maisons charitables de la ville, prêtèrent (1794) à l'exception de deux, le serment inoffensif de liberté-égalité, qu'elles rétractèrent toutes, peu après, ce qui leur valut d'être incarcérées pendant quelque temps aux Bénédictines. Leur maison fut proposée pour servir d'établissement d'instruction nationale, le 23 prairial an II, et affectée en partie au logement des gendarmes le 14 brumaire an VI (4 novembre 1797). Elle est devenue collège, puis lycée.

Supérieures : Marie de Jantilleau, 1617, 1628. Pendant qu'elle était à fonder la maison du Mans, Marie de la Jaille-Talbot, préfète, gouverna la communauté. — Gabrielle de Fontenailles, 1631, 1633. — Catherine de Cremons, 1635, 1639. — Marie de la Jaille, 1640. — Charlotte de Gyrois, 1642. — Jacquine Le Nain, 1645. — Anne Arnoul, 1646. — Marie Rousseau, 1648, † 1652. — Marguerite Marest d'Abatants, 1652. — Anne Gaudin, 1653, 1658. — Charlotte de Gyrois, 1660, 1661. — Anne Gaudin, 1661, 1665. — Marie Cornilleau, 1665. — Anne Arnoul, 1667. — Marie Cornilleau, 1673. — Anne Gaudin, 1674, 1677. — Charlotte de Gyrois, 1679. — Marie Simon, 1680, 1682. — Andrée de la Court, 1683, 1686. — Ursule Simon, 1688, 1689. — Thérèse Niot des Loges, 1690. — Marie Charlot des Bigottières, 1691. — Marie de Breslay, 1692. — Ursule Simon, 1693, 1694. — Thérèse Niot, 1696, 1699. — Anne de Bragelongne, nommée par l'archevêque de Paris, 1699, 1702. — Hélène de Gennes, 1705, 1708. — Marie Le Blanc de la Vignolle, 1708, 1714. — Anne Frin, 1717, 1720. — Anne Touchard de Sainte-Plennes, 1720, 1723. — Anne Frin, 1724, 1728. — Marie Duchemin de Courgé, 1730, 1734. — Françoise Bidault du Châtelier, 1736, 1738. — Marie Duchemin, 1740, 1744. — Françoise Bidault, 1744, 1746. — Marie Ouvrard, 1746, † 1750. — Françoise Besnard, 1750, réélue 1753-1756. — Marie Le Grand, 1756, 1759. — Louise Couanier, 1759, réélue 1762-1765. — Marie Touchard, 1765, réélue 1768-1771. — Jacquine Roustille, 1771. — Marie Touchard, 1777, 1781. — Renée Guinoiseau, 1781, 1787. — Jeanne Perron, 1787. — Judith de Carheil, élue le 13 août 1789.

L. de la Beauluère, Les Communautés de Laval. — Arch. nat., Q/3. 77 ; S. 7.486. — Arch. de la M., E. minutes Croissant et Salmon. — Chart. d'Hauterives. — Boullier, Rech. sur la Trinité et Mémoires ecclés. — Cab. Garnier. — Greffe de Laval, reg. de décès.

Le Carmel, fondation de Mlle Virginie Freulon, exécutrice des intentions de M. et de Mme Dubois-Beauregard, occupe l'ancien Manoir-Ouvrouin. Deux sœurs de chœur, trois novices et plusieurs postulantes parties du Mans, en prirent possession le 20 novembre 1856. Le lendemain, jour de la Présentation, Mgr Wicart bénit la chapelle provisoire et les lieux réguliers. Toutefois la communauté dut se retirer durant deux ans au logis de Préaux, pendant que les ouvriers achevaient d'aménager la maison de Laval. En 1867, un essaim de cette ruche partit pour la Chine. La chapelle, construite sur les plans de M. David, architecte au Mans, est un bijou d'architecture en style du XIIIe s., copie exacte de la chapelle de la Vierge de Saint-Germer (Oise). Composée d'une chapelle haute et d'une chapelle basse, comme la Sainte-Chapelle de Paris, elle est, elle aussi, divisée en travées par des faisceaux de colonnettes d'une légèreté et d'une élégance parfaites ; ornée d'arcatures finement ouvragées, et éclairée de grandes fenêtres où de riches verrières — œuvres de Grosset, de Bruges — font voir dans une douce lumière les fastes du Carmel, les mystères du Sauveur et la Vie de la Vierge. La chapelle basse est dans la clôture.

Le monastère des Trappistines a été transféré de l'ancien prieuré de Sainte-Catherine de Laval (V. ce nom) à la Coudre, section d'Avénières, où les religieuses se transportèrent dans la nuit du 26 au 27 avril 1858. Le nouveau couvent, commencé le 25 mars 1857 et terminé seulement en 1859, prit le nom de N.-D. du Salut de l'Immaculée-Conception. C'est un vaste bâtiment carré avec cour intérieure, dont la chapelle — architecte M. Beignet, d'Angers — forme un des côtés. Toutes les ouvertures sont en arcs brisés. La sévérité de l'architecture est en rapport avec la vie pénitente des hôtes qui l'habitent. Les religieuses font un commerce assez considérable de beurre et de fromage.

3. — CHAPELLES.

La chapelle St-Jean-Baptiste de l'Hôtellerie, du XIIe s., située à l'extrémité de la rue du même nom, autrefois grand chemin de Laval à Rennes, avait été donnée par les seigneurs de Laval avec le petit cimetière de deux toises en longueur sur une et demie de largeur aux hospitaliers de Thévalles, à charge d'y faire célébrer la messe à la fête patronale, et était le centre religieux d'un hameau qualifié dès la fin du XIIe s. vicus B. Johannis-Baptistæ hospitalis. En 1360, un nommé Louail s'engagea à payer au commandeur de Thévalles trois sols de rente pour être ensépulturé dans « l'église de S. Jehan de l'Oustellerie », et en 1503, Étienne Decheleu, prêtre, prit à bail pour 12  le « revenu de la chapelle de Saint-Jehan tant oblaisons que autres chouses données … avec ce il servyra ladite chapelle du divin service comme il est de coustume ». Au siècle suivant, une chapellenie de deux messes par semaine y fut fondée par Guillaume Beré, prêtre, sur son lieu de la Mare dont la maison fait aujourd'hui partie de l'enclos de Haute-Folie. A l'assemblée qui se tenait le 24 juin, on exposait sur l'autel jusqu'au commencement de ce siècle le chef en cire du saint patron. L'édifice, long de huit toises et large de deux et demie, comprenait primitivement une nef sous charpente et un chœur lambrissé et était éclairé par quatre petites fenêtres, outre la lucarne de la façade terminée en pinacle. Au XVIIe s., pour avoir une sacristie, on divisa le chœur par une cloison à laquelle fut adossé l'autel surmonté d'un tableau représentant la décollation de saint Jean-Baptiste, ayant d'un côté les statues de N.-D. et de Saint-Jean l'Évangéliste et de l'autre celles de Sainte-Anne et de Saint-Fiacre. Les réparations importantes qui furent faites à la toiture et aux lambris en 1727 coûtèrent 869 . Rendue au culte après la Révolution, la chapelle de Saint-Jean de l'Hôtellerie fut convertie (1837) en classes où soixante enfants pauvres du quartier sont instruites gratuitement par les religieuses de Haute-Folie. Une statue de Saint-Jean-Baptiste, placée dans l'enfoncement des murs, perpétue le souvenir de sa pieuse destination.

La chapelle Saint-Mathurin du Gast ou du Marchis, longue de 10 mètres et large de 6, avec lambris en arc brisé retombant sur une corniche d'un très beau travail, était primitivement affectée à l'œuvre de la Rédemption des captifs, pour laquelle les seigneurs de Laval payèrent jusqu'à la fin du XVIIIe s. une rente de 80  aux Trinitaires de Châteaubriant. Au XVIe s., elle fut fondée de trois messes par semaine par Étienne de Torchard, écuyer, et Marguerite de Montesson, sa femme, qui en donnèrent la présentation aux seigneurs de Beauchêne en Bazougers. Les vitraux et les statues de cette chapelle, faisant aujourd'hui partie de l'enclos des petites sœurs de Saint-François et restaurée par elles, ont été transportés dans la chapelle de Lesnières en Vaiges ainsi que des panneaux des vitraux de la Trinité.

Bibl. nat., lat. 5.441, f. 11. — Arch. de la Vienne, H/3. 969, 971, 972, 988. — Arch. de la fab. de Grenoux. — Commis. hist. de la M., t. II, p. 241.

IV. Administrations. — 1. MUNICIPALE. — 2.

JUDICIAIRE. — 3. MILITAIRE.

1. — ADMINISTRATION MUNICIPALE

Un conseil de ville, dit aussi communauté de la ville, mentionné en 1447, avait un receveur des deniers (1452). Les sieurs Berault et Pinçonneau sont échevins en 1507. Ces magistrats étaient ordinairement au nombre de quatre. Chaque paroisse avait son procureur syndic et ses assemblées dites « congrégations publiques des manants et habitants », distinctes de ce que l'on appela le conseil, lequel tenait ses réunions dans l'auditoire et faisait enregistrer « le résultat des conseils par un greffier héréditaire de la maison de ville (1636) ». Le titre de maire, mentionné dans des lettres du roi en 1574, et le 14 février 1617 dans un acte de Charles de Valois attestant que les habitants ont prêté serment de fidélité au roi, n'est là que par analogie avec ce qui existait dans d'autres villes ; en fait, Laval n'avait que ses échevins, son procureur, et les assemblées de la maison de la ville étaient présidées par le juge du comté.

Le juge royal, ou des exempts, prétendit « précéder les officiers du comté, convoquer les assemblées de ville, y présider, recueillir les voix, prendre et recevoir le serment des échevins et syndics nouvellement créés, recevoir les paquets en l'absence du gouverneur, donner le mot, permettre ou empêcher la levée ou passage des gens de guerre, avoir la garde des clefs de la ville, permettre de sonner les tambours et trompettes, avoir la police dans la ville, faire règlements d'icelle, donner permission de faire des jeux publics ». Il se vit débouté au profit du juge ordinaire par arrêt contradictoire du 30 janvier 1627 et obtint seulement, ce qui ne lui était pas contesté, de présider les assemblées convoquées en vertu de lettres de la cour à lui adressantes ; encore un second arrêt régla-t-il, le 17 mai 1631, que le juge ordinaire présiderait quand la lettre du roi serait adressée aux échevins, et qu'il aurait la connaissance des entreprises qui se feraient aux portes, murailles et fossés.

Un intrigant, l'échevin Lemercier, nommé contre les formes légales par M. de Vautorte, voulut en 1648 abolir l'autorité civile du premier magistrat. C'était, au dire de Leblanc de la Vignolle, un homme dont le peuple était « infatué, et qui en faisant le mal avoit le bonheur qu'on ne s'en apercevoit point ; d'ailleurs ennemi de la douane et de la maltôte, hardi imprudent, et qui ne se portoit à toutes ses actions que par passion et par envie. » Cette conspiration avorta. Le juge du comté non seulement garda ses privilèges, mais quand on divisa sa charge pour attribuer à des titulaires distincts le criminel et la police, il eut, avec le titre de juge civil, celui de maire perpétuel, 1682. Un règlement dressé alors par le duc de la Trémoïlle (31 décembre 1683) débute par une plainte sur le peu d'ordre qui existait dans l'administration et qui provenait de la licence que chacun se donnait d'entrer aux assemblées générales ou particulières de l'hôtel de ville. Il détermine ensuite quels sont ceux qui feront partie des assemblées particulières, savoir : le juge civil, président ; les procureurs fiscal et syndic, ce dernier réélu tous les trois ans le vendredi des quatre-temps de carême ; les échevins, pris deux parmi les avocats, deux parmi les bourgeois et âgés de trente-cinq ans au moins ; trente conseillers dont quatre perpétuels, savoir : le doyen de Saint-Tugal, le juge des exempts, le procureur fiscal et le procureur du roi ; des quatre derniers échevins, des députés de chacun des corps ou communautés ecclésiastiques ou civiles, des paroisses, y-compris Avénières, enfin trois membres élus par le maire et les échevins. Aux assemblées générales assistaient en outre : tous les anciens échevins ou procureurs, le chantre et un chanoine de Saint-Tugal, un chanoine de Saint-Michel, les curés, le principal du collège, les administrateurs des hôpitaux, les officiers des deux sièges, les marguilliers, six avocats, deux notaires, neuf marchands. Les assemblées particulières étaient convoquées par billets, la générale par le son de la Luanne et par le tambour de ville qui s'arrêtait aux carrefours depuis Saint-Martin jusqu'à Saint-Michel.

Au bureau de police, qui se tenait deux fois l'an, avaient voix : le juge-maire, les échevins, le procureur syndic, les administrateurs des hôpitaux et quatre conseillers.

Au mois d'août 1692, le roi ayant créé dans toutes les villes des offices de maires, le duc de la Trémoïlle acheta cette charge pour la conserver à son juge civil. Les habitants eux-mêmes payèrent 1.600  pour être déchargés des nouveaux édits de mars et septembre 1693. Ce n'était là d'ailleurs qu'un premier pas dans la voie d'une fiscalité trop ingénieuse. En décembre 1706, on crée les maires alternatifs, puis un premier et un troisième échevin ; en 1709, des échevins alternatifs et mi-triennaux. Gilles Le Long de la Besnardière, lieutenant du juge des exempts, achète le mairat en 1710 et refuse de se faire installer par le juge du comté. Il emploie tous les moyens pour se maintenir quand le duc de la Trémoïlle rachète pour ses officiers les offices municipaux ; écrit au contrôleur général que cette mesure est contraire aux intérêts du roi ; capte la confiance des marchands dont il soutient hardiment la cause contre le duc et qui eux-mêmes pétitionnent en sa faveur. Il est néanmoins évincé et remboursé du prix de sa charge le 9 juin 1711. De 1717 à 1727, il y eut encore à quatre reprises suppression et rétablissement des charges municipales, l'État continuant à battre monnaie par ce moyen facile. L'ambitieux Le Long en profita pour acheter en 1723 la charge de maire ancien et mi-triennal, puis en 1727 celle de juge civil. Désormais, oubliant ses premiers plaidoyers, il soutint que les deux offices de juge civil et de maire n'étaient plus séparables. Son ancienne thèse fut reprise par un parti puissant. Les « Aréopagites », c'est le nom qu'on leur donna, ayant à leur tête Jean-Baptiste Hardy, juge civil supplanté par le sieur Le Long, et René Pichot de la Graverie, se donnèrent comme défenseurs de leur concitoyens contre les officiers du comte de Laval. Dans des conciliabules tenus « au cabaret de M. Chantelou », ils élaborèrent de beaux projets de réforme et insinuèrent que, l'édit du mois de juillet 1724 rétablissant les villes et bourgs du royaume dans la liberté d'élire leurs officiers municipaux, Laval devait revendiquer ce privilège. On leur objectait avec raison que Laval ne pouvait être rétablie dans un droit qu'elle n'avait jamais eu. Mais eux, sans s'arrêter à ce raisonnement, sur la simple convocation du procureur syndic, se réunirent à l'hôtel commun pour rédiger un nouveau règlement (29 août 1727). Le maire, soutenu par le gouverneur, M. de Froullay, fit emprisonner trois échevins. Mais les chefs du parti allèrent à Paris plaider leur cause, avec courage, talent et persévérance, d'abord du 29 septembre au 24 décembre 1727 ; puis en juillet et août 1729. A cette dernière date, ils obtinrent un arrêt du conseil (29 août) permettant aux habitants de tenir les assemblées générales et particulières sous la présidence non d'un maire mais d'un premier échevin, et ordonnant l'homologation de leur projet de règlement.

Cette décision du conseil souverain n'eût pas ramené la paix dans les esprits si le duc de la Trémoïlle ne fût passé par Laval au mois de décembre 1730. Les Aréopagites, au lieu d'abuser de leur victoire, lui firent une réception chaleureuse qui dissipa toutes ses préventions. Ils accordèrent même comme fiche de consolation au juge du comté le titre de « juge civil faisant les fonctions de maire », à condition qu'il ne pourrait rien innover sans le consentement du procureur et des échevins. Ce nouveau règlement, signé le 19 décembre, fixait la tenue des assemblées particulières de quinze en quinze jours, le jeudi ; celles des assemblées générales et des bureaux de police quatre fois par an. L'opposition des notaires, chirurgiens, officiers de l'élection, fit que ce règlement n'était pas encore enregistré en parlement en 1734.

L'arrêt du conseil du 7 mai 1747 réunissant les offices municipaux aux communautés des villes, permit aux Lavallois d'obtenir un maire électif. M. Pichot, juge civil depuis 1745, n'avait pas obtenu de joindre à son titre le complément ordinaire « faisant les fonctions de maire ». Cette qualité était prise par le premier échevin. Il était néanmoins aux premières élections municipales désigné pour la place de maire par ses services et par sa situation. Toutefois, la crainte de voir de nouveau le mairat accaparé par les juges civils, fit qu'on lui préféra Ambroise-Jean Hardy de Lévaré, son co-député à Paris en 1727-1729. Ce dernier fut réélu de trois en trois ans jusqu'en 1759. Il aurait voulu présider les assemblées de paroisses et le bureau des hospices, décider aussi toutes les questions de police. Mais on lui fit observer que paroisses et hospices étaient de fondation seigneuriale et que la police avait un titulaire. C'est lui qui acheta pour les assemblées de ville, qui se tenaient jusque là au palais, la maison de Pontfarcy sur la place de la Chifollière, au prix de 24.000  et une tabatière en or de 500 . Il y tint la première réunion le 30 décembre 1757. M. Foureau, son successeur, s'y installa et donna un bal d'inauguration le 28 décembre 1759. La nouvelle municipalité chercha depuis tous les moyens d'étendre ses attributions, prétendant réglementer les fours à ban (1749) et déposséder le juge de police de la police des places et des rues (1762). Le conseil trouva pourtant que ses mandataires avaient été un peu loin dans leurs empiétements ; il fit faire des excuses à la duchesse de la Trémoïlle qui répondit que la seule demande acceptable des habitants était celle de jouir du prix d'adjudication des boues de la ville.

Jusqu'en 1778 d'ailleurs, le maire était choisi par le duc de la Trémoïlle sur quatre candidats élus. Mais un édit du 28 juin donna à l'hôtel de ville une plus grande indépendance en permettant aux officiers municipaux d'acquérir les offices de maire, échevins, assesseurs, procureur du roi, secrétaire, greffier, trésoriers, receveur et contrôleurs, établis par l'édit de novembre 1771. Moyennant 24.000  qu'il lui en coûta, la municipalité acquit une indépendance presque complète. L'hôtel de ville atteignit dans cette condition les préliminaires de la Révolution. Il se compléta le 11 février 1789 par l'élection de sept nouveaux commissaires. Le sceau dont il usait à cette époque présente un écusson au léopard d'or sommé d'une couronne de comte. Le papier a pour en-tête les armes de France, supportées par deux anges et sommées de la couronne royale.

D'après les lois de décembre 1789-janvier 1790, Laval devait avoir un maire, un procureur, un substitut et onze officiers municipaux, auxquels s'adjoignaient vingt-quatre notables pour constituer le conseil général de la commune. Un bureau expédiait les affaires courantes et préparait le travail des séances. Les élections des 10, 11 et 16 février 1790 appelèrent aux fonctions de maire François Hubert, de procureur Enjubault-Laroche fils, de substitut Aubry l'aîné. Ces cadres furent modifiés avant la fin de l'année. Les élections de novembre 1791 faillirent ne pas aboutir. Secretain de la Cocherie, élu le premier jour, prétexta qu'il était « d'une timidité sans exemple, sans ambition et déjà administrateur des hospices ». Choquet refusa le lendemain pour raison de santé ; Plaichard-Choltière, qu'on porta ensuite, était à Paris ; dès son retour il déclina l'honneur. Le 21 novembre, Paillard-Houssière accepta, mais le lendemain il envoya sa démission, « à cause de son attachement au bien public ». Personne ne voulait prendre la responsabilité d'une situation qui s'aggravait et dont la persécution religieuse était cause. Le Pescheux d'Auvais, médecin, accepta la charge si redoutée le 12 décembre. Le 4 octobre 1793, Thirion et Esnue-Lavallée destituèrent la municipalité et nommèrent une commission composée de cabaretiers, de boulangers, de perruquiers, de tisserands, avec l'apostat Guilbert pour procureur et Leroux pour substitut. François-Primaudière replaça à la tête de la municipalité, le 2 avril 1794, Le Pescheux, auquel Boursault substitua Antoine Piquois (17 novembre 1794). Moreau-Lanoë, élu le 1er novembre 1795, démissionna le 6 après l'admission au conseil de l'ex-terroriste Bezier. Le général La Barollière ne put que nommer une commission, dont le rôle fut très effacé jusqu'à l'élection comme maire de M. Étienne Boudet, 7 avril 1800.

Pour remplacer l'ancien hôtel de Pontfarcy, qui occupait l'emplacement de l'hôtel des postes actuel et qui menaçait ruine, on acheta en 1810 les terrains voisins situés entre la rue Neuve et la rue projetée dans l'axe du Pont-Neuf. L'exécution se fit attendre. Après un vote de 1821, M. Desnoyers, d'Angers, donna un plan d'édifice (16 mars 1822) remplacé par celui de M. de Gisors, approuvé le 28 janvier 1826 et achevé par M. Renous après la déconfiture du premier adjudicataire. François Lecoy, d'Angers. Le devis, 117.000 fr., fut dépassé de 30.000 fr. à cause de la difficulté de trouver un sol ferme pour les fondations. L'édifice, avec sa colonnade d'ordres dorique et ionique, est simple et modeste.

Maires : Maires électifs ayant succédé aux juges civils : Ambroise Hardy de Lévaré, 1747-1759. — Léon Foureau, 1760-1768. — Frin du Guiboutier, 1769-1789. — François Hubert, 1790-1791 (V. ci-dessus pour l'époque révolutionnaire). — Étienne Boudet, 1800-1810. — Jérôme-Charles Frin de Cormeré, 1810-1813. — Jean-François de Hercé, 1814-1829. — Arsène Avril de Pignerolles, 1829-1830. — Périer de la Saulaie, 1830-1832. — Pierre Queruau-Lamerie, 1832-1844. — Jules Le Clerc d'Osmonville, 1844-1847. L'administration municipale est conférée à des conseillers désignés alternativement par le préfet, de 1848 à 1853. — Esprit-Adolphe Segretain, 1853-1857. — Ambroise Blanchet, 1857-1860. — Charles Toutain, 1860-1874. — Jules-René Fay-Lacroix, 1875-1878. — Louis-Charles-Ernest Marchal, 1878-1879. — Aimé Billion, 1879-1892. — Victor Boissel, 1892.

Arch. nat., G/7. 524, 528. — Arch. de M. le duc de la Trémoïlle, Cons. de tutelle. — Bib. de Laval, fds Couanier, Ad, Ae, Af ; Pichot de la Graverie, Sentences, t. I, II. — Arch. d'Indre- et-L., C. 328, 329, 331, 333. — Arch. de l'hôpital de Laval. — Arch. de la M., minutes Jardrin, 1661. — Arch. munic. de Laval. — Collect. personnelle.

Octroi. — La première concession d'octroi faite par autorité royale, non au seigneur mais aux habitants, est probablement celle qui suivit l'édit de Charles IX du mois de décembre 1566, et en vertu de laquelle les échevins et quelques membres du conseil firent des extraits des anciens quarteniers de la prévôté seigneuriale et établirent des droits sur les marchandises et denrées. Au XVIIIe s., le fermier des aides versait le montant de son bail — 4.000  en 1730 — aux mains d'un receveur des octrois qui payait les dépenses sur mandat. L'entretien de l'horloge, des fontaines, des murs, les gages du principal du collège, du greffier, de deux sergents, des préposés aux postes, les frais de la Fête-Dieu, des feux de joie, étaient pris sur ces recettes.

A l'exemple de Paris, de Beauvais et de quelques autres villes, Laval voulut faire produire à ses octrois non seulement les 4.000  qui suffisaient à ses dépenses, mais un revenu annuel qui permit de verser dans les caisses de l'État les taxes personnelles. Les « aréopagistes » furent les promoteurs de cette idée et s'en firent une arme contre le maire Gilles Lelong. La lutte, commencée en 1727, se termina en 1751 par le triomphe des partisans du « tarif ». M. Hardy de Lévaré, chef des aréopagistes, était allé à Paris plaider sa cause devant la duchesse de la Trémoïlle qui, persuadée de la droiture de ses intentions et de l'utilité du projet, donna son assentiment à condition que l'amortissement de la capitation fût compris comme celui de la taille dans le rendement de l'octroi. On laissa aux privilégiés une partie de leurs exemptions et le tarif fut appliqué à partir du 1er octobre 1752.

Depuis la Révolution, l'octroi a repris son caractère d'administration purement urbaine. L'éclairage de la ville, qui en est une des principales dépenses, commença, vers la fin du XVIIIe s., par quelques lanternes à l'huile. Un traité passé le 19 octobre 1844 avec la Compagnie E. Choisy, de Paris, assura pour 12.000 fr. par an l'éclairage au gaz de la mairie et des rues centrales. L'évêque du Mans bénit le 25 septembre 1845 l'usine à gaz située sur la rue de Tours. Les premiers becs avaient été allumés le 9 septembre, jour de l'Angevine. Il y avait en 1878 sur les voies publiques 575 becs. L'électricité et l'acétylène n'ont encore fait à Laval que des apparitions timides et d'initiative privée.

2. ADMINISTRATIONS JUDICIAIRES.

La justice seigneuriale ou ordinaire était exercée à l'origine par un sénéchal, assisté de divers officiers, lieutenant, procureur, greffier. L'appel des sentences, d'abord porté à la sénéchaussée du Maine, le fut directement au parlement après la distraction du comté de Laval de celui du Maine par Louis XI, le 2 mars 1482 (n. s.). Plusieurs fois, les officiers de la sénéchaussée du Maine essayèrent de rentrer dans leur droit de ressort, mais ils furent déboutés de leurs prétentions par lettres du 7 janvier 1533, du 11 mars 1543 et du 29 avril 1544. Si le comté de Laval fut soumis par Henri II, 1552, au présidial du Mans pour les cas présidiaux, ce ne fut que momentanément, pendant la minorité du comte. En 1639, Château-Gontier bénéficia d'un présidial que le duc de la Trémoïlle avait refusé le 8 octobre 1635, et le comté de Laval y ressortit pour les cas présidiaux, malgré plusieurs tentatives pour relever directement du parlement, 1652-1662. Le tribunal seigneurial qui, jusque-là, se composait d'un juge ordinaire, civil et criminel, des lieutenants général et particulier, fut divisé, par lettres patentes du mois de février 1683, en chambre civile, en chambre criminelle et en chambre de police, ayant chacune un juge, lieutenants général et particulier, un procureur fiscal et des avocats. Une milice bourgeoise composée d'un colonel, d'un major, de deux capitaines et de trois lieutenants, fut incorporée à la justice seigneuriale par arrêt du 20 novembre 1694.

Les juges ordinaires connaissaient consulairement de toutes les causes commerciales. Le comte de Laval s'opposa à la création d'un juge marchand et de deux consuls autorisée par Charles IX au mois de mars 1567, et le siège ordinaire conserva son privilège, confirmé par arrêt du 17 août 1697, contre les juges-consuls d'Angers qui prétendaient connaître des causes commerciales du comté.

Sénéchaux et juges ordinaires : Gauscelinus, témoin de plusieurs chartes de Guy Ier, 1040-1050. — Alelmus, dapifer Hamonis de Valle, 1065-1080. — Boscherus, sous Guy II, 1080-1090. — Richard, cité en trois chartes passées à Laval et en deux à Angers, sans autre qualificatif que celui de sénéchal, 1100-1110. — Gauscelinus, témoin d'un don à Marmoutier, 1126-1130. — Guibert, 1126-1135. — Orphanus, avant 1150. — Raherius de Castellonio, témoin dans une charte concernant la chapelle Saint-Étienne de Houssay, 1151. — Pierre d'Anthenaise fait un don à l'abbaye d'Évron vers 1160. — Renaud Lévêque, témoin d'une charte en faveur du prieuré d'Origné, 1189. — Raguellus, 1197. — Radulphus, bajulus terræ Lavallis, 1213. — Jean Le Vaier, 1307. — Jean Ouvrouin, avant 1346. — Jean Beudin, 1380. — Thibault de Laval-Bois-Dauphin, 1417. — Jean Le Long, 1462. Furent lieutenants de juges : Jean Heudin ou Beudin, 1449 ; Guy Le Maroullier, « moult grand justicier », dit G. Le Doyen, mort le 17 octobre 1507 ; René Hennier, 1508. — N. Le Maçon, 1546. — Robert Le Bret, 1555. — Antoine Lemercier, exerçant la judicature à Laval, 1571. — Jean de Martinnes, sieur de la Galpinière, conseiller du roi, 1579. — Jérôme Gaultier, sieur des Coyers, 1586, 1592. — Daniel Hay, écuyer, seigneur de la Motte, 1592, 1606. — Louis Cazet, seigneur de Vautorte, 1610, 1618. — Pierre Le Clerc de la Manourière, 1624, 1650. — François Marest, sieur de la Ragottière, 1650, 1652. — Gilles de Farcy, écuyer, seigneur de Saint-Laurent, 1660, résigne, 1672. — François de Farcy, sieur de la Daguerie, 1672. — René Gaultier de la Vieuxcourt, juge, sans autre qualification, 1680. — René de la Porte, 1683, 1697. — René Hardy de Lévaré, précédemment juge de police, 1706-1722. — Gilles Le Long de la Besnardière, 1723-1739. — Daniel Gaultier de la Villaudray, 1739, † le 24 janvier 1745. — René Pichot de la Graverie, 1745, démissionnaire, 1763. — Lancelot Le Clerc de la Saudraie, 1763, 1781. — René-Urbain Enjubault-la-Roche, 1787, 1789.

Les notaires du comté si nombreux qu'ils durent subir diverses réductions au XVIe et au XVIIe s., institués par le juge ordinaire, avaient pour sceau les armes de Laval-Montmorency, parties à dextre de celles de la ville au léopard passant. On trouve souvent ce sceau accompagné de lettre qui sont les initiales du notaire qui s'en servait. Sur la minute d'un acte de Charles Lasnier (1623), l'écusson du sceau n'est pas mi-parti, mais aux armes pleines de Laval-Montmorency.

La chambre des comptes, autorisée par lettres patentes de Louis XI du 12 septembre 1463 et organisée par Guy XV en 1493, était composée d'un président et de quatre auditeurs à 50  de gages.

Le siège des eaux et forêts, auquel étaient attachés un maître, un lieutenant général, un procureur fiscal, un greffier, un sous-garde et plusieurs sergents, fut établi, dit Guitet de la Houllerie, en l'année 1675. Il existait bien auparavant, puisque Antoine Coulonneau était maître des eaux et forêts du comté de Laval en 1498. A cette maîtrise étaient portés les appels du gruyer.

Une chambre des monnaies fut établie à Laval par Charles VII le 29 octobre 1426, d'après Bourjolly, t. I, p. 299, et une note des Archives nat., MM. 746, f° 364. M. Boullier cite aussi un texte qu'il dit être du 21 juillet 1425 alors qu'aucune date n'est donnée dans l'acte (Rech. sur la Trinité, p. 236) où il est fait mention de la maison de la monnaie, mais on ne trouve aucune pièce ayant été frappée à Laval.

Le siège des exempts pour cas royaux, dont on ne connaît pas la date exacte de création, fut érigé, dit Le Clerc de Flécheray (p. 113), par Louis XI, 1482, « et afin que personne ne se pust imaginer qu'il eust cherché quelque intérest en la création de ces nouveaux offices, il en donna la nomination au comte de Laval et à ses successeurs », privilège qui leur fut confirmé par Louis XII au mois de juin 1498. Cependant on trouve des juges des exempts à Laval avant cette époque et dès 1429. Supprimé par édit de janvier 1570, le juge des exempts de Laval fut alors remplacé par un lieutenant particulier du sénéchal du Maine, auquel succéda bientôt un siège des exempts. Ce tribunal comprenait : un président, un juge, un lieutenant, un conseiller garde-scel, un avocat et un procureur fiscal. L'office de président, ajouté au siège royal vers 1635, fut supprimé en 1770.

Juges : Guillaume Guérin, 1429, 1435. — Aimery Louet, 1481. — René Houllière, commencement du XVIe siècle. — François Bricel, 7 janvier 1545, 1555. — Jean de Champhuon reçoit le 16 mars 1573 un arrêt qui fixe l'étendue de sa juridiction. — Pierre de Champhuon, qui avait pour lieutenant François Duchemin en 1591, inhumé en l'église de la Trinité le 27 juillet 1612. — Jacques Courtin, seigneur du Bois-Clair, 1613. — Pierre Marest, sieur de la Tremblaye, maintenu en ses fonctions, le 30 janvier 1627, par arrêt du parlement, avec défense aux officiers de la justice du Maine d'entraver sa juridiction, 1645. — Ambroise Touchard, à qui il est défendu de prendre d'autres titres que celui de juge des exempts, le 25 janvier 1675. — Pierre Touchard de Sainte-Plenne finit sa judicature, 1736. — Gabriel Frin du Guyboutier, installé, 1736, « donne, dit Pichot de la Graverie, de grandes espérances et mettra sans doute le siège royal dans son ancien éclat et dans ses prérogatives qui ont été beaucoup altérées par l'incapacité de M. Touchard, précédent juge ». — Léon Foureau, 1747, † 1769.

Les notaires royaux, nommés par les chanoines du Gué-de-Maulny jusqu'au milieu du XVIIe s. et institués par le juge royal, se disaient ordinairement notaires en cour du Mans et du Bourgnouvel. Leur sceau était aux armes de France.

La maréchaussée, créée au milieu du XVIe siècle à Laval, était composée, dit Le Clerc du Flécheray (p. 34), d'un prévôt des maréchaux, d'un assesseur, d'un procureur du roi et de six archers. La charge de prévôt, créée par édit de décembre 1641 dans le ressort de l'élection de Laval, fut supprimée en 1720, lors de la réorganisation de la maréchaussée en France. On trouve comme prévôts de Laval : Marin Sevin, écuyer, 1646, 1652 ; André Ouvrard, écuyer, sieur de la Saudraye, 1704, 1718.

L'élection « sur le faict des aydes et tailles … sans que les esleus du Mans et comté du Maine y ayent plus que voir ne connoistre, » fut créée par lettres patentes du mois d'avril 1482, enregistrées au bureau des trésoriers le 3 août suivant. en la cour des aides le lendemain, confirmées par Charles VIII en octobre 1483 et ratifiées par François Ier en mars 1514. Louis XI déterminait lui-même la composition du tribunal : « Un esleu, un procureur de par nous, un greffier et un receveur des deniers des aydes et tailles, » dont il laissait la nomination aux comtes de Laval. Sur quatre-vingt-onze paroisses qui avaient été proposées pour faire partie de l'élection, Charles VIII, par une déclaration particulière du mois de mars 1483, en choisit soixante-quatre, nombre qui fut élevé à soixante-cinq par la création de la paroisse de Saint-Charles-la-Forêt. Le tribunal des élus, dont les jugements ressortissaient en appel à la cour des aides de Paris, subit dans la suite de grandes modifications ; il se composait en 1698 d'un président, d'un lieutenant, de cinq élus, d'un procureur du roi et d'un greffier, et au commencement du XVIIIe siècle de deux présidents, d'un lieutenant, de sept élus, d'un avocat et d'un procureur fiscal. Ses divers offices s'achetaient comme toutes les charges de judicature. Un office de subdélégué de l'intendant de la généralité de Tours fut créé au mois d'avril 1704. L'élection de Laval comprenait : 10.631 feux imposables en 1691, — 14.302 feux en 1698 et 67.500 âmes, — 16.376 feux en 1766. De 1771 à 1786, la moyenne des naissances était de 2.811, des mariages de 620 et des décès de 3.107.

Le siège royal des traites, établi par un édit de Louis XIV du mois de mai 1691 et annexé au siège de l'élection, jugeait les contraventions à l'impôt douanier frappant les marchandises à leur passage d'une province dans l'autre. Ces causes, fréquentes à Laval par suite du voisinage de l'Anjou et de la Bretagne, étaient portées jusque-là à Angers, « ce qui, dit Le Clerc du Flécheray, ruinoit les marchands, lesquels, bien ou mal saisis, avoient plus court fait d'abandonner leurs marchandises ». Depuis 1685, les négociants de Laval qui expédiaient directement leurs toiles à Saint-Malo refusaient de payer la traite d'Anjou de 40 sols par 100 pesant, imposée par l'édit de François Ier du 6 avril 1518 sur toutes les marchandises transportées par la Loire à Nantes. Le procès qu'ils intentèrent n'était pas encore terminé en 1702. La suppression des traites est une des demandes le plus souvent formulées dans les cahiers de doléances de 1789.

Le siège du grenier à sel, existant avant 1374 et comprenant au XVIIIe siècle un nombre démesuré d'employés, étendait sa juridiction sur quarante-cinq paroisses situées sur la rive gauche de la Mayenne et consommant, en 1698, 47 muids de sel ; le siège de la Gravelle, d'où relevaient trente-trois paroisses et dont les officiers rendaient la justice à Laval, lui fut annexé au XVIIIe s. Ce tribunal jugeait en dernier ressort au-dessous d'un quart de minot (environ 10 litres) et au-dessus l'appel de ses jugements était porté à la cour des aides, à Paris. Les premiers greniers à sel furent établis rue du Val-de-Mayenne, « sous le château, sous un roc très humide, dit Pichot de la Graverie, et très incommode à cause des embarras des voitures publiques ». En 1745, M. du Mans de Chalais, sur les instances de M. de Cussé, fermier général, fit construire sur la place du Gast de très beaux et très spacieux greniers qui furent achevés en 1746. Laval était, 1728, 1738, 1746, le siège d'une capitainerie et d'une direction générale de la gabelle. Cette dernière, composée en 1762 de 9 greniers, de 327 paroisses, de 66.183 feux et de 232.063 ressortissants, consommant 422 muids de sel, s'étendait du N. au S. depuis la frontière de Normandie jusqu'à la direction d'Angers, sur une longueur en ligne droite d'environ 20 lieues. Sa largeur de l'O. à l'E., depuis les frontières de la Bretagne jusqu'aux confins du Mans et d'Alençon, était de 14 à 16 lieues.

Administration révolutionnaire. — La section administrative départementale était formée d'un conseil général et d'un directoire ou pouvoir exécutif. Le conseil, formant le corps délibérant et composé de trente-six membres renouvelables par moitié tous les deux ans, avait pour président M. Daubert l'aîné, pour procureur syndic René-Pierre Enjubault de la Roche, avec Dalibourg comme substitut, élus le 7 juillet 1790 dans l'église des Cordeliers. Le même jour, le conseil départemental nomma huit de ses membres pour former le directoire : Jourdain-Durocher, Lefebvre de Champorin, Chevalier-Malibert, Dalibourg, Courte de Vilclair, Nupied-Huardière, Sourdille de Lavalette et Serveau. On leur adjoignit, pour liquider les affaires de la généralité de Tours, deux commissaires : Noël et Giffard de la Porte.

La section judiciaire comprenait : 1° le tribunal du département, formé de dix juges, d'un avocat et d'un procureur du roi, connaissant en appel des jugements des tribunaux des districts jusqu'à concurrence de 3.000  ; 2° le tribunal criminel, créé par un décret de janvier 1791 et composé d'un président, d'un accusateur public, d'un greffier et des membres du jury. Il fut installé à Laval le 5 janvier 1792, avec Zacharie-Thomas Moulin de Vaucillon pour président, Baguelin, ex-président du tribunal de conciliation de Mayenne, pour accusateur public, et Bescher pour greffier. Comme le tribunal criminel ne suffisait pas pour vider les prisons, les conventionnels en mission établirent des commissions militaires qui prirent le nom de leurs présidents : Félix, Joachim Proust, Clément et Huchedé. Boursault supprima, le 9 octobre 1794, cette dernière commission et réorganisa le tribunal criminel, qui reprit ses fonctions le 16 du même mois.

Un bureau de paix ou de conciliation, nommé pour deux ans par le conseil général de la commune, le 13 novembre 1790, fut composé de : Martin de Ligonnière, ci-devant juge criminel de Laval ; Martin de la Tremblaye, ancien procureur fiscal ; Gaultier de Saint-Erblon, avocat ; Pichot l'aîné, Jean Périer du Coudray, négociant, et Garnier du Ferray, officier du grenier à sel.

Lemonnier, notaire, et Besongnard de la Plante, nommés juges de paix le 8 février 1791, furent installés le 9 mars. Le représentant Boursault réorganisa, le 27 brumaire an III, la justice de paix qui se composa d'un juge, d'un greffier et de six assesseurs pour chacun des cantons de Laval.

Le tribunal de commerce, installé le 12 avril 1791, se composa de : Louis-Laurent Segretain l'aîné, président ; François Delaunay, Jean Guitet l'aîné, Jean Segretain du Pâtis, Bourdoiseau, juges, et François Paillard du Cleray, qui donna sa démission.

Le district de Laval comprenait 48 communes et 11 cantons : Andouillé, Argentré, Laval, Loiron, Meslay, Montsûrs, Nuillé-sur-Vicoin, Parné, Saint-Berthevin, Saint-Ouen-des-Toits et Soulgé-le-Bruant.

La section administrative était formée d'un conseil du district comprenant douze membres, et d'un directoire exécutif composé de quatre administrateurs, d'un procureur syndic et d'un secrétaire pris dans le sein du conseil et élus par lui. Jean-Joseph Barbeu de la Couperie fut élu président du directoire, Duchemin de Villiers fils, procureur syndic, et Marteau, secrétaire. Les séances se tenaient aux Cordeliers.

Le tribunal du district fut installé le 29 novembre 1790 ; il se composait de cinq juges : Enjubault de la Roche, député à l'Assemblée nationale, président ; Ambroise-René Hoisnard, avocat en parlement ; René Guays, avocat ; Jean-Baptiste Gombert, avocat ; Jean-Joseph Barbeu de la Couperie, ancien lieutenant général au siège de Laval ; Gaultier, commissaire du roi, et Aubry, greffier.

Un tribunal de police municipale composé d'un président et de deux juges, fut réorganisé le 3 messidor an III.

Voir l'article de Château-Gontier (t. I, p. 590) pour les changements que subirent ces diverses administrations révolutionnaires jusqu'à la constitution de l'an VIII, qui réorganisa le tribunal criminel et établit à Laval un tribunal de première instance et une justice de paix pour chaque canton.

Chartrier de M. le duc de la Trémoïlle, conseil de tutelle. — L. de la Beauluère, mss. — Bib. Mazarine, 1567. — Pichot de la Graverie, Sentences, passim. — Arch. nat., JJ. 209, f. 2 ; X/2a. 20, f. 71. — Collect. Brière. — Chopin, Cout. d'Anjou, ch. 67, n° 2. — État civil de Laval. — Durget, Registre-minutier des notaires de l'arrondissement de Laval. — Arch. de la M., Registres du directoire.

3. ADMINISTRATION MILITAIRE.

Le département forme deux subdivisions de région, Laval-Château-Gontier et Mayenne, dépendant du 4e corps d'armée. Laval est le quartier général de la brigade d'infanterie de laquelle relèvent à la fois, le commandement du territoire départemental et le commandement des deux régiments de la brigade, stationnés, l'un à Laval, l'autre à Mayenne, ce dernier avec bataillon détaché à Domfront. Par suite des mutations qui avaient lieu, tous les deux ans, dans le 4e corps d'armée, entre la division d'infanterie stationnée à Paris et celle qui est stationnée en province, la brigade de Laval était tantôt la 13e (101e et 102e), tantôt la 15e (124e et 130e). Un arrêté ministériel a décidé que ces mutations n'auraient plus lieu (1901).

Les 101e et 124e régiments d'infanterie tenaient alternativement garnison à Laval et à Paris. Le régiment de Paris détachait sa portion centrale et un bataillon à Dreux. Le régiment stationné à Laval (actuellement le 124e), seul de tout le corps d'armée, ne fournit pas de détachement, en raison des conventions passées entre la ville et l'État.

La subdivision de Laval mobiliserait en cas de besoin, un régiment de réserve numéroté 301e et le 25e régiment territorial d'infanterie. Il y a à Laval une sous-intendance militaire et une chefferie du génie de laquelle relèvent les places de Laval, Mayenne, Domfront, Alençon et Argentan.

Avant la Révolution, les troupes de passage ou d'hivernage à Laval logeaient chez les particuliers et pendant la période révolutionnaire la garnison était casernée dans les communautés religieuses qu'elle livra au pillage. Le 28 fructidor an IV (14 septembre 1796), la municipalité constate « que les bâtiments nationaux occupés par les militaires, sont dans un état de dépérissement incalculable, que les agents militaires n'ont empêché aucune déprédation, qu'ils ont même fait des démolitions et reconstructions qui les ont dénaturés ». La première caserne, à laquelle on a donné le nom du général Corbineau (V. ce nom), fut constituée par l'ancien couvent des Cordeliers, vendu par la ville au département, le 18 juillet 1812. Elle subit dans la suite d'importantes modifications dont la ville fit en partie les frais. Pour son agrandissement la municipalité vota 20.000 fr. en 1831, 45.000 fr. en 1836. Malgré ce généreux concours, l'état-major et le dépôt du 28e de ligne quitta Laval, le 20 mai 1842. Pour le faire revenir, la ville prit à sa charge, 1847, la moitié des dépenses à faire pour la construction de la nouvelle entrée de la caserne sur la rue de Bretagne et vota, en 1860 et 1862, 135.000 fr., pour l'agrandir et y recevoir un bataillon entier et un état-major, avec musique et section hors-rang. En 1873, la ville voulant s'assurer un régiment complet, concourut pour une somme de 350.000 fr. à la construction d'une nouvelle caserne aux Ormeaux, sur le chemin latéral nord de la ligne de Bretagne, non loin du champ de manœuvre établi en 1863. Cette caserne porte le nom de Schneider. Elle se compose de trois grands pavillons et de constructions annexes. En 1898, la ville, pour le logement du 4e bataillon, vota une somme de 400.000 fr. et un quatrième pavillon est actuellement en construction à cette caserne. Le 101e d'infanterie arriva à Laval, avec son état-major, le 9 septembre 1877.

Une compagnie de gendarmerie fait partie de la 4e légion, composée de deux brigades à cheval et d'une brigade à pied et dont le chef-lieu est au Mans. La nouvelle caserne, transférée de la rue de Bretagne au carrefour formé par la rue Crossardière et la rue Solférino, fut adjugée en 1867 pour 103.662 fr. Il y a à Laval un chef d'escadron commandant la compagnie de la Mayenne, et un capitaine, commandant l'arrondissement.

V. Instruction. — 1. COLLEGE. — 2. PETITES ECOLES. — 3. ÉTABLISSEMENTS PUBLICS MODERNES. — 4. PENSIONNATS.

1. COLLEGE.

Le 9 mai 1183, Lucius III mentionne parmi les privilèges du chapitre de Sainte-Marie de Laval, le gouvernement des écoles ; regimen scholarum Lavallis. Les chanoines défendirent jusqu'à leur propre suppression ce privilège exclusif de nommer les professeurs et de surveiller leur enseignement. A leur requête, deux sentences de l'official (14 octobre 1451, 15 novembre 1457) défendent aux curés de la Trinité de s'ingérer dans la direction du collège. En 1480, un arrêt du parlement interdit au prieur de Sainte-Catherine d'ouvrir une école en son fief de sa propre autorité.

La grande école, magna schola grammaticalis, comptait plus de trois cents élèves au commencement du XVIe s. et était située sur la place du château. Elle était sans doute en décroissance à l'époque des troubles religieux. Le 5 mai 1572, les officiers de l'hôtel de ville, pour y remédier, proposèrent aux chanoines une contribution de 100  et l'établissement d'une rétribution scolaire, s'ils voulaient faire venir deux nouveaux régents de Paris. Ces conditions acceptées, les bourgeois obtinrent que les grandes écoles fussent transférées dans la rue Renaise, dans un immeuble acquis le 12 juin 1582 du bénéfice de Saint-Job, auquel les chanoines joignirent une maison plus considérable, échangée avec Pierre Martin, sieur de Mérembourg, pour l'ancien local de la Place du château. On construisit sur cet emplacement « un très beau collège, tant pour l'ornement de la ville que pour l'érudition de la jeunesse en la vertu et les bonnes mœurs ». Une inscription placée au-dessus de la porte contenait : Collegium Lavallense, impensis publicis constructum, Henrici tertii, Franciæ ac Poloniæ regis, diplomate, anno Domini 1585. La chapelle, dédiée à saint Étienne, dont on voit encore le pignon élevé, était appuyée aux murs de la ville. Henri III, qui avait saisi le comté de Laval sur les Coligny, appliqua, suivant les ordonnances des États d'Orléans (1560) et de Blois (1579), au principal du collège la première prébende vacante (8 octobre 1586) à charge de faire instruire les enfants pauvres gratuitement, et les bourgeois obtinrent la faculté de présenter trois candidats pour le principalat. En 1603, les chanoines ayant nommé un principal de leur propre autorité, les habitants protestèrent et désignèrent un laïque, Claude Husson. Charlotte-Brabantine de Nassau, tutrice d'Henri de la Trémoïlle, avait aussi désigné un maître de son choix. Le procès ne se termina qu'en août 1607 et désormais le principal fut dispensé de résidence et de tout service au chapitre. Un arrangement du 16 septembre suivant maintenait aussi les officiers de l'hôtel de ville dans leur droit de présentation.

A la fin du XVIIe s. le collège était en pleine décadence. Une commission comprenant des chanoines et des délégués de l'hôtel de ville, nommée vers 1692, s'occupa de le relever et promulgua en 1699 un nouveau règlement sur la discipline, nomma un troisième régent, un professeur de philosophie pris de préférence parmi les Dominicains ou les Cordeliers, et éleva à 7  les rétributions scolaires qui, dans la suite (1740) furent portées jusqu'à 15 . Les élèves des classes supérieures ne devaient jamais parler français ; ils donnaient, au grand plaisir d'une assistance nombreuse et souvent tumultueuse, deux représentations théâtrales par an. La faveur revint au collège. En 1763 il était de plein exercice, bénéficiait par ordonnance de Louis XV de la terre de Bonnes donnée en 1693 aux Jésuites de la Flèche, et passait, malgré les protestations des chanoines, sous l'administration d'une commission nommée par le juge des exempts, en vertu d'un édit royal du mois de février 1763 confirmé par un arrêt du 8 mars 1785. En 1783 les membres de ce nouveau bureau recommencent à se plaindre de la concurrence des maîtres libres. « Le nombre des écoliers, écrivent-ils à Joly de Fleury, est diminué d'un tiers et diminuera encore si vous ne daignez arrêter cette contravention ». — Mettez en vigueur l'arrêt du parlement du 6 août 1779 qui fixe à la sixième inclusivement l'enseignement libre dans les villes pourvues d'un collège, répond le procureur général. — Mais cet arrêt ne concerne que les maîtres de pension, riposte-t-on de Laval, et ici ce sont des maîtres particuliers, des laïques répandus dans les différents quartiers, qu'on préfère à ceux du collège parce qu'ils surveillent leurs écoliers de 8 heures du matin jusqu'à midi et de 2 heures à 7 heures du soir, qu'ils les mènent en promenade les dimanches et jours de congé. La concurrence était si réelle et dangereuse que le sieur Faverolle, régent de cinquième et de sixième au collège, avait quitté son poste pour ouvrir une école libre qu'il dirigeait du reste encore en 1795. Malgré cela, le collège comptait deux cents élèves en 1790.

Principaux : Dumesnil. — Maigret. — Houllière. — Maintrot. — Jean Lelavandier, 1417. — Barrois. — Lemeignan. — Houllière. — Bernard, connus par les notes du chanoine Lévêque, dernier économe de Saint-Tugal. — Pierre Belin, 1481. — Jean Geli ou Gelé, 1482. — Guy d'Anceville, 1486. — Robert Corbusson, 1491. — Guillaume Lelavandier, 1547, 1555. — Laurent Lemoulnier, curé de Saint-Tugal, 1564, 1576. — François Méhaignerie, 1585, 1587. — Mathieu Bardoul, 1588, 1598. — Baudouin Coulard, 1602. — Jean Leprêtre, 1603. — Julien Terrier, chantre de Saint-Vénérand, 1603, maintenu contre Claude Husson, laïque, et Philippe Morin, clerc, fils de l'avocat fiscal, démissionne, 1625. — Loriot, 1625, † 1627. — François Duchemin, 1627, † 1647. — Michel Cheue, 1652, démissionne, 1654. — Jean Pinard, 1655, † 1699. — Jean-Baptiste Rahier, de l'Oratoire, curé de Saint-Tugal, 1699, † 1706. — Esprit Briais, 1706, † 1740. — Joseph-Louis Segretain, 1740, démissionnaire, 1770. — Pierre-Jérôme Chatizel, 1770, 1771. — Louis-Joseph Segretain, 1771. — Jean-Baptiste Bourlier, ancien organiste à la Trinité, déporté en Angleterre, † à Avénières en 1818. — Jean-René Cosnard, 1781, 1782, † en Angleterre. — Mathurin-François-Jean Denais, 1782, 1790, refusa le serment constitutionnel, et sortit du collège en janvier 1792 avec ses cinq régents : René Chauvineau, François-Jean-Baptiste Marteau, Michel-Henri Langlois, Pierre-François Leterme, qui tous subirent la déportation, et Louis Bourgé, qui apostasia et devint ministre protestant. Les nouveaux maîtres : Dominique Rabard, vicaire épiscopal, François Huchedé, Augustin Garot, Charles-René Cordier, Siméon-Martin Laigre, Pierre-François Épiard, se partagèrent les classes, passèrent en janvier 1793 au couvent des Ursulines, y végétèrent et suivirent dans sa retraite le 28 avril 1793 Rabard qui venait d'épouser Thérèse Pannard. Les citoyens Laban, Séguéla, Sartre et autres, prirent leur place, formèrent le 27 vendémiaire an V le noyau de l'École centrale qui comptait cent vingt-trois élèves en l'an VI et deux cent trente en l'an VIII. Fanneau-Lahorie, Zacharie-Thomas Moulin, Dorlodot, y professèrent. « Il y avait, dit M. Boullier, un directeur, un bibliothécaire, des professeurs de législation, de belles lettres, d'histoire, de physique, de mathématiques, de botanique, de langues anciennes. Toute cette classification n'existait que sur le papier. Les professeurs, hommes de talent, suivaient tout simplement les anciennes méthodes … Leur enseignement était irréprochable, mais la religion en était entièrement bannie. »

L'École secondaire remplaça le 7 octobre 1804 l'École centrale, eut pour principaux l'abbé Segretain et l'abbé Triquerie, fut laïcisée en 1830 et déclarée collège royal de troisième classe le 12 novembre 1841 et devint lycée en 1848. En 1870, le général Chanzy et son état-major s'installèrent au Lycée. D'importants agrandissements ont été effectués depuis et le Lycée fut élevé à la 2e classe, mais ces classes ont été supprimées. L'explorateur Flatters et le médiéviste connu, Léon Gautier, finirent leurs études dans cet établissement.

Un Petit Lycée, bâti sur la route de Paris en 1886 (architecte, Léopold Ridel), a coûté à la ville, outre une contribution annuelle de 20.000 fr., la somme de 278.498 fr.

2. PETITES ECOLES.

Le privilège du chapitre de Saint-Tugal n'excluait pas les petites écoles. Lui-même en avait une tenue dans la rue du Bourgchevreau par le prêtre sacristain. Celles qu'il fit fermer à différentes époques empiétaient sur les attributions du collège en mettant le latin dans leur programme. En 1699, le prieur de Saint-Vénérand est reconnu dans son droit d'avoir une école, où l'on enseigne même le rudiment et les chanoines sont invités à donner la même licence à d'autres personnes selon les besoins. La déclaration de Louis XV du 14 mai 1724 leva tous les obstacles. Un règlement soumis à l'Assemblée du clergé le 25 octobre 1737, approuvé par Mgr de Froullay le 28 mai 1738, servit pour deux écoles de charité fondées alors sur la paroisse de la Trinité dans la cour du Griffon et dans la rue aux Chevaux, celle-ci transférée en 1751 dans le Cimetière. Elles bénéficièrent des revenus des deux chapelles de la Buottière et de Saint-Jacques de la Bouverie. Près du couvent des Capucins s'ouvrit une troisième école, analogue, en 1754.

Les sœurs tertiaires de Saint-Dominique et celles de la compagnie de charité instruisaient les petites filles. C'est l'origine des établissements dits Providences. M. Duchemin-Frogerie avait fondé avant 1777 un orphelinat nommé la Petite-Providence.

La paroisse de Saint-Vénérand avait des ressources identiques. Le prieur fit approuver lui aussi par Mgr de Grimaldi, en 1767, un règlement spécial et forma pour la direction de ses écoles un bureau composé du curé, des quatre bâtonniers de la confrérie du Saint-Sacrement et des deux marguilliers. Les filles jouissaient d'une école fondée en 1680 par Marie Foureau, femme de Charles de Fougu, sieur des Cures, commissaire général des guerres à Paris, école dirigée pendant quarante-sept ans par Mme Lemercier puis par les tertiaires. La paroisse eut aussi sa Providence.

L'enquête scolaire de 1801 résume la situation de la ville avant la Révolution en disant que « les établissements d'éducation offraient aux habitants de Laval, surtout à la classe peu fortunée, un moyen facile de s'instruire, peu dispendieux et sans déplacement. Cet avantage était d'autant plus précieux que ceux qui étaient chargés de l'instruction publique jouissaient de la considération générale ».

Après le refus de serment des instituteurs, trois écoles, celles du faubourg Saint-Martin, du cimetière de la Trinité et de Saint-Vénérand, furent confiées à de nouveaux maîtres. Il en fut de même pour les écoles de filles. Bientôt tout dépérit et il n'y eut plus que des écoles clandestines où les élèves affluaient. Le règlement du 2 floréal an II qui proscrivait tout signe de religion ne fit qu'accélérer la ruine. Il n'y avait plus en l'an III que quatre maîtres de pension dont ne profitaient point les enfants pauvres. Pour les filles, elles étaient « privées de toute espèce de ressource pour leur instruction », parce qu'on avait fermé les écoles, qui étaient des foyers d'aristocratie et de fanatisme. Le premier soin du bureau de bienfaisance en l'an IX fut de créer quatre écoles gratuites pour les garçons et deux pour les filles.

3. ÉTABLISSEMENTS MODERNES.

Les Frères de la doctrine chrétienne, appelés à Laval, ouvrirent leur première école le 2 janvier 1824, dans les bâtiments de la Petite Providence, transférée, 1825, rue Sainte-Anne, dans la maison de M. Victor Davrillé des Essarts, reconstruite un peu plus loin en 1853. — La deuxième, créée par le bureau de bienfaisance suivant le vœu du conseil municipal, fut installée en 1826, au 1er étage de l'ancienne prison, rue du Jeu-de-Paume et transportée, en 1857, rue des Tuyaux, dans les terrains de l'ancien couvent de Patience où une résidence pour les Frères avait été achetée en 1855. Une jolie petite chapelle gothique y fut construite (architecte, M. Pont) et bénite le 31 juillet 1862. Dans une pétition adressée, 1832, au conseil municipal, les instituteurs laïcs avouent que, « depuis l'arrivée des Frères de la Doctrine chrétienne, leurs écoles deviennent de plus en plus désertes » et demandent que ceux-ci soient astreints à ne recevoir que les enfants pauvres. — Une troisième école, fondée uniquement par la charité publique, rue de Bretagne, sur un terrain faisant partie de l'ancien prieuré de Saint-Martin et ouverte le 6 novembre 1855, est restée libre et continue d'être prospère sous la direction de trois Frères. — Une quatrième école, celle d'Avénières, construite par la générosité de Mme de Viennay, de Mme Courte de la Goupillère, etc., fut confiée aux Frères par délibération du conseil municipal du 3 décembre 1857, ce qui n'empêcha pas le conseil municipal de Laval de la laïciser en 1863. L'année suivante, une école libre fut ouverte sur un terrain donné par Mme Turpin de la Tréhardière, à l'angle de la rue de l'Huisserie et du Pont-d' Avénières. Les deux écoles congréganistes de la rue Sainte-Anne et de la rue des Tuyaux, laïcisées, 1891 et 1894, ont été aussitôt remplacées par des écoles libres, situées, pour la paroisse de Saint Vénérand sur le boulevard de Tours, et pour la paroisse de la Trinité rue des Chevaux, transférée en 1896 rue des Fossés.

École normale de garçons, à laquelle est annexée une école primaire, installée en 1834 dans l'ancien pensionnat des Ursulines, faisant partie du Lycée, transférée, 1863, sur la rive gauche de la Mayenne, dans le domaine de la Maillardière, d'une contenance de 3 hectares, acheté, 1861, des époux Berthelet.

Aux écoles laïques existant avant l'établissement des Frères, la ville ajouta dans la suite : l'école mutuelle, ouverte, 1835, sur la place Saint-Tugal, transférée, 1840, place du Palais, sur l'emplacement de l'ancien minage, et en 1897, rue de Bel-Air, dans le pensionnat libre des Dlles d'Isle ; — l'école de la rue de Botz, créée en 1863, agrandie en 1865.

École de dessin et de modelage, commencée en 1823, annexée, 1849, à l'école du Palais et transférée, 1863, dans une salle du minage, sous la direction de deux professeurs nommés au concours. On a annexé à cette école en 1851, puis à la réorganisation de 1887, des cours professionnels destinés à perfectionner les jeunes gens dans la carrière industrielle qu'ils ont déjà embrassée ; ces cours se font en partie dans d'étroits ateliers installés derrière la mairie et fonctionnent moyennant une somme annuelle de 800 francs.

École des beaux-arts, inaugurée, 1862, dans les galeries du palais de l'Industrie par M. Ferret, professeur de dessin au lycée et disparue à sa mort, 1874.

École de musique, organisée en 1868, avec trois sociétés musicales d'une existence intermittente.

Les trois écoles communales de filles, dites Providences, en souvenir des anciennes petites écoles d'avant la Révolution, étaient comme celles des garçons aux mains des administrateurs du bureau de bienfaisance et dirigées par des sœurs d'Évron depuis 1802. L'école de la rue d'Ernée, rebâtie en 1855 aux frais de la ville, et depuis agrandie, a été laïcisée en 1899 et réouverte la même année à quelque distance ; celle de Saint-Vénérand, construite en partie dans le cimetière, laïcisée en 1898, a été transférée immédiatement rue du Mans. L'école de la Trinité, installée rue des Chevaux, dans les bâtiments occupés plus tard par la psallette de la cathédrale, et transférée en 1855, avec le bureau central de bienfaisance, rue Saint-André et rue Renaise, a été laïcisée en 1900 et rouverte dans l'hôtel de Vaubernier. L'école d'Avénières et le pensionnat encore dirigés par les sœurs d'Évron, appartiennent à la fabrique qui loue le local à la ville pour une somme annuelle de 1.000 fr. — École de la rue Magenta, créée vers 1880.

École normale de filles, à laquelle est annexée une école primaire ouverte, 1887, dans la rue des Hauts-Tuyaux. Avant cette époque, l'établissement de Haute-Follie avait des cours spéciaux pour les élèves-maîtresses institutrices.

Salles d'asile. — La première fut ouverte sous la direction des sœurs d'Évron en 1837, au faubourg Saint-Martin, dans une maison appartenant au bureau de bienfaisance, transférée, 1846, rue de Nantes, pour les deux paroisses de la Trinité et de N.-D. ; la deuxième, annexée à l'école Saint-Vénérand, s'ouvrit en 1841. Toutes deux ont été récemment laïcisées. La troisième, réunie en 1859 à l'école d'Avénières, est encore tenue par les sœurs. Une quatrième a été installée rue Magenta vers 1880.

4. PENSIONNATS.

L'Institution de l'Immaculée-Conception, aujourd'hui si florissante, débuta modestement en 1865, sur la place des Arts, dans l'ancienne école de M. Mary-Beauchêne, sous la direction de M. l'abbé Blu, professeur au collège de Château-Gontier, qui avait pris courageusement l'initiative de cette œuvre hardie. Transférée, en 1870, sur la rive gauche de la Mayenne, rue Crossardière, elle fut remise, 1879, par M. Blu, dont la santé était épuisée par quatorze années de dévouement, de labeurs et d'épreuves, aux mains des Oblats du Sacré-Cœur, autrement dits Pères du Mont-Saint-Michel, dont la maison mère est à Pontigny (Yonne). Ces religieux, sous l'habile et dévouée direction du P. Hamelin, donnèrent une vive impulsion aux études. Les 5.500 mètres carrés achetés par M. Blu, devinrent bientôt insuffisants pour contenir le nombre des élèves et rendirent nécessaires des agrandissements. De nouveaux bâtiments furent construits, des acquisitions importantes furent faites. Aujourd'hui, l'institution libre de l'Immaculée-Conception, de plein exercice, comprenant l'enseignement classique et moderne, compte trois cent cinquante élèves et occupe environ 4 hectares de terrain, traversés par le ruisseau de Saint-Étienne. Une magnifique galerie de 125 mètres de long relie les constructions, cours et jardins. L'ancienne chapelle, bâtie par M. Boret et devenue elle-même trop petite, est remplacée par une superbe église romane élevée sur les plans de M. Hawke.

Haute-Folie (V. ce nom).

Le Sacré-Cœur, communauté et pensionnat établis sur le vallon qui domine la Mayenne, dans une magnifique propriété acquise en 1839 de la famille Dutreil, fut fondé par Mme Le Clerc de Beaulieu. La chapelle, construite, 1843-1844, par Mme de Lemps, première supérieure, est sous le vocable de N.-D. des Sept-Douleurs et de l'Invention de la Croix.

Saint-Étienne, dirigé par les sœurs d'Évron, fondé, 1846, rue du Théâtre, dans une maison d'éducation tenue par Mlle Audrouin, fut transféré, 1850, rue Saint-Étienne, dans un vaste hôtel acquis de M. de Boutrey, ancien receveur général des finances. Au milieu de l'enclos s'élève une élégante chapelle en style du XVe s., construite en 1861 par M. Hamard, ancien instituteur. Un externat attenant au pensionnat a son entrée sur la rue de Paris.

Sainte-Marie, également tenu par les sœurs d'Évron, fut ouvert, 1846, place Saint-Tugal, dans les bâtiments occupés par l'établissement libre des Dlles Mouillés.

Arch. de la M., D. 5 ; L. 237 ; registres du Directoire. — Arch. nat., Q/1. 699. — Ins. eccl., t. XXXVII, f. 392. — Arch. d'Indre-et-Loire, C. 331. — Abbé Duchemin du Tertre, Journal ms. — Queruau-Lamerie, L'Instruction publique à Laval avant le XIXe siècle. — Arch. du Bureau central de Laval. — Gérault, Chronique paroissiale de Saint-Vénérand, ms. — G. Vigneron, Notice historique. — Bibliophile du Maine, n° 29. — Notes mss. du directeur des Frères de Laval.

VI. — Hôpitaux et œuvres charitables. — 1. SAINT-JULIEN. — 2. SAINT-LOUIS. — 3. COMPAGNIE DE CHARITE. — 4. ŒUVRES MODERNES.

1. HOPITAL SAINT-JULIEN.

La première fois, avant 1188, qu'on trouve mention de l'hôpital, situé, comme on sait, à la tête du Vieux-Pont, rive gauche, Domus Sancti Juliani de Ponte, ce sont les malades eux-mêmes qui figurent au contrat de vente d'une pièce de vigne, infirmi de hospitali Sancti Juliani. Ils sont encore les vrais possesseurs de la maison dans l'accord de 1203 à 1208 avec le prieur de Saint-Melaine, mais on y voit aussi intervenir les frères, parmi lesquels étaient des clercs, des laïques, des chapelains, fratres condonati et ejusdem domus signum portantes, fratres elemosinarie, les serviteurs et les habitués, les sœurs. Tous formaient un corps ou « chapitre », administrant les biens des pauvres et soignant les malades. L'hôtelier, qui semble avoir été seulement primus inter pares, était remplacé dès 1259 par un maître de la Maison-Dieu mais les frères gardaient voix au chapitre comme on le voit dans un accord passé avec les religieux de la Couture, 1268. A partir de 1430, date des premiers comptes réguliers, on ne voit plus pour gouverner l'hôpital que le « maistre », souvent absent, le chapelain receveur, des valets et des servantes. Les bourgeois de Laval, qui intervenaient en 1297 dans les actes d'administration, ne paraissent plus et le seigneur disposa sans conteste de l'aumônerie en faveur des chanoines, de leurs chapitres ou des officiers de leur maison. Ceux-ci s'habituèrent à regarder la maison comme un bénéfice dont ils ne devaient compte à personne ; ils y recevaient leur famille, leurs amis, les seigneurs même et les dames de Laval, qui venaient « s'ébattre aux jardins ». Pierre Le Baud, ce semble, n'eut pas de résidence plus ordinaire, au moins quand il était à Laval. Ses successeurs en usèrent-ils encore plus librement ? Les bourgeois de Laval accusent spécialement Geoffroy Tartroux d'avoir donné des baux ruineux, reçu des pots-de-vin excessifs, nourri aux dépens des pauvres, qui manquaient de pain, des chiens et des oiseaux. L'aumônier ainsi incriminé, à cause, disait-il, de son zèle contre les hérétiques, prétendait avoir augmenté de 100  les revenus de l'hôpital. Ce qui ne l'empêcha pas, à la suite de l'édit rendu par François Ier, le 15 janvier 1545, d'être déclaré déchu de ses fonctions par sentence du tribunal du comté, confirmée le 5 février 1547 (n. s.) par Guy XVII, qui se dit tenu « par précepte et commandement divin … aux affaires, bien, nourrissement, sustentation et entretenement des paouvres ». Enfin, le 20 mai 1549, le parlement ordonne « que l'hospital de Laval, fruictz et revenus d'icelluy, seront régis et gouvernés par deux ou trois notables personnages, habitans de Laval, récéans et solvables, nommés de trois ans en trois ans par six délégués des habitans » — par l'hôtel de ville, sur neuf candidats proposés depuis 1696, — et obligés à rendre leurs comptes devant les officiers seigneuriaux et royaux. Il n'y eut que de légères modifications (1693, 1723) à cet ordre de choses jusqu'en 1790.

La chapelle, dédiée à saint Julien, était du XIIe ou du XIIIe s., car les soubassements voûtés qui lui servaient d'assise et qui, dès le XVe s., servaient de celliers ou de magasins loués à des particuliers, étaient en ogive. L'aumônier Jean de Boullon affirme dans un mémoire de 1465 que la Maison-Dieu était « fondée de la seigneurie … avant que Monsieur saint Bernard fust né, c'est assavoir par feu Hamon, seigneur de Laval » († v. 1080) ; mais on peut douter que l'auteur de ce propos ait eu des titres pour l'appuyer. L'église était grande et belle, dit Geoffroy Tartroux en 1549 — 130 pieds de long d'après un mémoire de 1729 —  ; on y chantait messe et vêpres solennellement, avec bénédiction de l'eau, prône en carême ; avait « sacraire » et servait pour les fiançailles et épousailles. L'accord de 1203-1208 avec le prieur de Saint-Melaine montre que ces privilèges et d'autres encore étaient anciens. Outre le maître-autel, ceux de la Vierge, de saint Roch, de la Madeleine, existaient au XVIIIe s. L'horloge, la première peut-être de la ville, est mentionnée en 1460, ainsi qu'un bréviaire enchaîné. L'orgue était un don de Jacques Ravault en 1630. On tendait la chapelle du Corpus Christi pendant l'octave de la Fête-Dieu et le Jeudi-Saint d'un voile de velours cramoisi brodé et chargé de perles, de pierreries et d'ornements en or et en vermeil. A la Saint-Julien d'hiver et d'été, le clergé de la ville prêtait son concours ; un enfant chantait une Vie du saint, analogue sans doute à celle de saint Melaine dont j'ai publié un long fragment. Les pardons de Saint-Julien, accordés en 1452 par le cardinal d'Estouteville, furent imprimés en 1630. Saint Ceneré avait aussi sa solennité, et à la fête du Saint-Sauveur les paroisses d'Argentré, Bonchamp, Grenoux, Louverné, Changé, venaient en procession. Celle de Saint-Berthevin amenait « ung homme revestu de mousse que l'on appelle l'homme sauvage », dit-on en 1553. De leur côté, les serviteurs de l'hôpital, qui menaient une vie rigoureuse, jeûnant en avent au pain et à l'eau, étaient fréquemment envoyés à des pèlerinages lointains, le Mont-Saint-Michel, Saint-Éloi d'Étampes, etc. « La dévotion des peuples, tant de la ville que des faubourgs et du plat pays de plus de six lieues à la ronde », était toujours en faveur au XVIIIe s. On s'était opposé en 1651, après le transfert de l'hôpital, à la démolition du vieux sanctuaire, et de nouveau en 1751, avec tant de force, que le procureur du roi craignit une émeute et fit surseoir. Magasin à blé en 1792, vendue administrativement en 1836, l'église a été démolie avec les souterrains et galeries qui en dépendaient et remplacée par un bazar que la construction des quais a supprimé en 1866.

Les bâtiments de l'hospice en partie rasés par « la seignourie » au moment où les Anglais menaçaient la ville, s'augmentèrent de deux salles neuves en 1435. Huit Vitréens envoyés par Guillaume Portejoie, aumônier, et munis d'une lettre de sauvegarde de la comtesse Anne de Laval, ne craignirent pas, malgré tous les dangers, d'aller quêter des secours pour cette entreprise aux diocèses de Maillezais et de Luçon. On ne s'en tint pas là : un nouveau bâtiment en 1451, un logement pour l'aumônier entre la grand'maison et le portail, 1466, une galerie, 1478, et enfin un « logeis sur l'eau », 1528, dû à François de Laval, évêque de Dol, transformèrent complètement l'ancienne aumônerie. La salle de 1528, bâtie sur pilotis dans le lit de la rivière, solidifié par « un grand levain de mortier et de syement », parut surtout un travail merveilleux et qui de fait a résisté pendant trois siècles à toutes les crues de la Mayenne. Les pèlerins et les pauvres passants furent les premiers bénéficiaires de la fondation de l'aumônerie. Plus tard, on les relégua pour faire place aux malades de la ville, dans un local isolé où des lits, quelques ustensiles et des aliments leur étaient fournis ; trente à quarante par jour profitaient de cet asile au XVIe s. Parmi eux se glissaient « grand nombre de mendians valides et extranes, sous couleur de voiaige, lesquels, dit le juge de Laval, par art et industrie maligne, se font ulcérer les membres, contrefont les aveugles, muets, contrefaicts, mènent avec eux des paillardes, desquelles ils traficquent comme de bestes brutes, ont certain gergon par entre eux ». Pour effrayer ces « belistres valides qui seroient trouvés jurer le nom de Dieu ou faire autres insolences », on apposa aux deux côtés de l'aumônerie « deux poteaux et colliers … armoiés des armoiries de la seigneurie », et le bourreau, en fait, reçut à cette époque plusieurs gratifications pour avoir fustigé les gueux.

Les malades de la ville pouvaient disposer d'une vingtaine de lits dont quelques-uns, avant la construction de la « salle sur l'eau », étaient placés dans une partie séparée de la chapelle. Le « lit aux liens » pour les malades furieux y resta seul depuis. Les orphelins, hospitalisés ou « nourris aux champs », étaient la plus lourde charge du budget, 1.228  en 1583-1586, contre 982  pour les malades et 256 pour les passants. Dès avant le XVe s., la dotation en terres comprenait la Hoisnardière, les Aumeunes, la Beaugrandière, la Cotelière, le Cochet, la Bousselière, les Carrés ; en ville, une maison près des halles, une autre à la Porte-Peinte, et un fief limité par la rivière et par la rue de Paradis. Les offrandes en argent et en nature à l'église, le pardon de Saint-Julien, l'assistance des enfants et des vieillards aux sépultures, les dons volontaires, des rentes, la prévôté de la foire de l'Ascension qui se tenait au Pont-de-Mayenne, des amendes judiciaires constituaient les autres ressources.

Au milieu du XVIe s., un receveur-chapelain, deux garçons, quatre servantes, desservaient l'aumônerie, outre les chirurgiens d'abord appelés suivant les besoins (1430-1500) puis ayant des gages fixes. Quelques opérations sont mentionnées, comme l'amputation d'une jambe, la taille de la pierre (fin du XVe s.), le traitement d'un cancer, la guérison d'une morsure de cheval. Les teigneux étaient envoyés en pèlerinage à N.-D. de Loncla… ( ?)

Aumôniers avant les administrateurs laïques : André, « hostelier », 1203. — Hervé de Changé, 1207. — Macé de la Verue, Pierre de Laval, Bertrand du Hallay, Guillaume de Pringat, Bertrand de la Rivière, administrateurs au XIVe s., d'après M. L. Maître. — Robin de la Roche, prêtre, 1403. — Jacques Maurati, nommé le 17 avril 1409, fit refaire pour 6  le sceau de l'Aumônerie, demeurait à Montsûrs, sans doute comme chanoine des Trois-Maries. — Raoul de la Porte. — Guillaume Portejoie, d'une famille de Fougères, trésorier de la Madeleine de Vitré, receveur de Meslay, 1433, 1445. — Jean Gouynière, † avant Pâques 1446 (v. s.). — André Duval, 1446, 1472. — Jean de Boullon, doyen de Saint-Tugal, 1473, voulut aller à Rome en 1479, mais rebroussa chemin de Tours sur la défense du roi, 1481. — Pierre Le Baud, 22 juillet 1481, † 1505. — Gaspard de Mirebeau, docteur en médecine. — Jean de la Durantière, 1510, 1512. — Jean Aubépin, 1519. — François de Laval, évêque de Dol, 1523, 1531. — Geoffroy Tartroux, 3 décembre 1531, réduit aux fonctions d'aumônier ou chapelain, 1548, † 1562. — Michel Guiller, « soy disant aumosnier, chapelain et administrateur », 1582.

Au milieu du XVIIe s., les idées de bienfaisance et de charité chrétienne avaient grandi en même temps que les besoins d'une population nombreuse. La duchesse de la Trémoïlle posa en 1649 dans l'enclos des anciennes lices seigneuriales la première pierre d'un nouvel hôpital, qui comprit d'abord une chapelle, deux salles dans le même axe et le bâtiment réservé aux sœurs, à angle droit avec le précédent et ouvrant sur la chapelle. La semaine d'après la Toussaint 1650, les malades y étaient transférés. Les salles de Saint-Augustin et de Sainte-Marthe s'ouvrirent en 1659. Il y avait place alors pour cinquante hommes et quarante femmes. A certaines époques, il fallait mettre les malades deux par deux dans chaque lit. Le bâtiment des Incurables, construit en 1714, était relié par une galerie au carré formé par l'hôpital. M. Guitet de la Houllerie, administrateur, donna ses soins à la construction d'un beau portail sur la rue Sainte-Anne, 1750. Beaucoup de fondations de lits au capital de 4.000  puis, après 1740, de 6.000 , se firent au profit des paroisses voisines. Les habitants de la ville se plaignaient qu'on n'augmentât pas les places en proportion. Cependant, on comptait cent trente lits à la fin du XVIIIe s. et les administrateurs écrivent en 1792 au ministre de l'intérieur que, « dans son espèce l'hôpital de Laval est un des meilleurs de la République et dont l'administration a été de tous temps excellente ». Les derniers comptes accusaient une dépense annuelle de 48.000  avec 31.000  de recettes régulières. La vente nationale des biens fonds et la suppression des rentes n'empêchèrent pas les sœurs soutenues par le dévouement de citoyens zélés, de continuer leurs soins aux malades. L'ancien hôpital a été presque entièrement renouvelé depuis. Construction : des salles Saint-Joseph et Sainte-Anne en 1834, prolongées en 1871 ; de la maison de l'aumônier, 1853 ; des salles Saint-Charles et Saint-Pierre, 1856, prolongées en 1871 ; de l'hôpital militaire, 1872-1873. La chapelle, reconstruite sur les plans de M. Ridel, s'achève en ce moment. On doit remarquer la richesse de la décoration de ce monument, et admirer surtout les pieuses libéralités qui ont permis de l'édifier.

C'est à la nouvelle congrégation des hospitalières de Saint-Joseph de la Flèche que le maire et les échevins de Laval s'adressèrent pour desservir l'hôpital qu'ils projetaient de construire dans le terrain des Lices. Le 20 juin 1648, M. de la Dauversière, mandataire des religieuses, signait à Laval, devant Pierre Briant, l'acte par lequel il acceptait pour leur logement les maisons, bâtiments et dépendances des Lices, à charge de les reconstruire à leurs frais si elles le voulaient, de se nourrir et entretenir et encore de verser 300  à la caisse de l'hôpital à la mort de chaque sœur. De salaire il n'y en avait pas d'autre que la joie de se dévouer au soulagement des malheureux. Munies de l'autorisation de Philibert-Emmanuel de Beaumanoir du 22 septembre 1650 et des lettres d'obédience d'Henri Arnaud du 22 novembre, de la bénédiction de la Mère de la Fère, entre les mains de laquelle elles firent serment de fidélité à leur constitution, les sœurs Anne Aubert de Cléraunay, Catherine Macé, Judith Moreau de Brésolles, Marie Maillé, Marie Heuzé, Marguerite Renard de la Grois, Lézine Berault des Essarts, Jeanne Hereau — ces deux dernières de Laval, — partirent de la Flèche le 1er décembre sous la conduite de l'abbé Troussard, leur premier directeur, et furent introduites dans leur maison provisoire le 3 décembre par M. Pellier, curé de Saint-Vénérand. La première à embrasser la règle de l'institut réformée par Henri Arnaud en 1662, la communauté de Laval devint la maison-mère de celles qui adoptèrent les vœux solennels en attendant que toutes se rangeassent au même sentiment grâce au zèle intelligent de la Mère Berault des Essarts.

L'âpreté des administrateurs à prélever 300  sur la dot des religieuses, même après leur avoir imposé la charge nouvelle des Incurables, les frais d'un long procès que le roi termina enfin (1747) en réduisant les prétentions des bourgeois à une somme de 3.000  une fois versées et à 50  à chaque décès, le manque de vocations qui suivit ces difficultés, le peu de succès de l'établissement d'un pensionnat de jeunes filles, faillirent ruiner la maison que secoururent à temps les sœurs de Baugé, Beaufort et La Flèche. La Mère Marguerite Vallée, venue de Beaufort, rendit à la communauté la vie et la prospérité.

Tracassées de mille manières par les révolutionnaires, privées de leur directeur, l'abbé Jean-René Cosnard, empêchées de procurer par elles-mêmes aucun secours religieux aux malades, obligées de quitter leur costume religieux et de murer la grille de leur chœur pour éviter toute communication avec Levenard, vicaire épiscopal de l'intrus Villar, les hospitalières se dévouèrent quand même au soulagement des malades et des blessés. Après le départ des Vendéens, des forcenés se précipitèrent dans la clôture, brandissant leurs armes ensanglantées, mais n'effrayèrent pas ces pieuses filles qui attendaient la mort. Elles prêtèrent, le 23 et 24 janvier 1794, le serment de liberté, égalité, rétracté par huit d'entre elles six mois plus tard et par les autres à la fin de la même année, quittèrent l'hôpital militaire et continuèrent de desservir l'hôpital Saint-Charles au mois de mars 1795, rentrèrent dans toutes les salles au commencement de 1797 et purent enfin, en 1801, reprendre sans entraves toutes les prescriptions de leur règle et le service des malades. La Mère Tendron avait gouverné la maison dans ces temps difficiles jusqu'à sa mort, le 9 décembre 1799, et fut remplacée par la Mère Vallée, régulièrement élue, morte le 24 mars 1802, à laquelle succéda la Mère Lasnier. Le pensionnat, rouvert en 1804, a cessé en 1855. Les bâtiments conventuels viennent d'être reconstruits en grande partie par les religieuses.

2. HOPITAL GENERAL DE SAINT-LOUIS.

L'hôpital général de Saint-Louis eut pour berceau, en 1678, une maison située près de la Chiffolière (emplacement de la Poissonnerie actuelle), achetée par François Chapelle, sieur du Deffais (V. son nom), Le Clerc du Flécheray, Pierre Guays, etc., conformément à l'édit de Louis XIV de 1662 prescrivant la création d'hôpitaux généraux dans toutes les grandes villes. L'œuvre, destinée d'abord à prendre en apprentissage des enfants abandonnés et autorisée par un décret de l'évêque du Mans du 14 juillet 1678, reçut cette même année une vive impulsion du zèle du P. Honoré Chaurand, célèbre jésuite venu à Laval pour prêcher la mission fondée en 1658 par Guillaume Bellière, prêtre de Saint-Vénérand. Le spectacle des vieillards et des enfants qu'il promena le 20 août sur des chariots à travers la ville, émut le cœur des habitants et provoqua d'abondantes aumônes. Encouragé par ce succès, le missionnaire, qui avait concouru à la fondation de cent vingt-six hôpitaux, demanda aussitôt qu'à l'école professionnelle des enfants on adjoignît un asile pour les vieillards et, cinq jours après, il en conduisit lui-même quatre-vingt-six à l'établissement de la Chiffolière.

François Chapelle posa, le 18 avril 1681, la première pierre de la chapelle et des nouveaux bâtiments et Louis XIV, par ses lettres patentes du mois d'août 1682, se déclara « conservateur et protecteur » de « l'hôpital général de la charité de Saint-Louis de Laval », voulant que cette inscription fut gravée avec ses armes au-dessus de la porte d'entrée. Par ses lettres, divisées en quarante-quatre articles, le roi ordonnait que tous les pauvres mendiants, valides ou invalides, originaires de Laval ou y demeurant depuis deux ans, fussent reçus dans cette maison pour être employés au tissage des toiles ou autres travaux, selon leur pouvoir. La direction intérieure de l'hôpital fut confiée aux dames de charité qualifiées gouvernantes des pauvres, et l'administration à huit directeurs, qui, sous la présidence de l'évêque, avaient plein droit de recevoir, acquérir, vendre, échanger, de présenter le chapelain et même de le révoquer à leur gré. A la dotation primitive du nouvel hospice on réunit tous les biens sans emploi affectés aux pauvres dans toute l'étendue du comté de Laval et on lui donna le privilège de vendre la viande pendant le Carême dans la ville et les faubourgs. Les administrateurs de l'Hôtel-Dieu, craignant que ces avantages ne détournassent à leur détriment les ressources de la charité publique, voulurent s'opposer à l'enregistrement des lettres royales, mais un arret du parlement, après enquête faite sur les lieux, les débouta de leurs prétentions et statua que les dons et legs faits en termes généraux appartiendraient en commun aux deux établissements, que l'Hôtel-Dieu recevrait les malades de l'hôpital général et qu'en compensation, celui-ci lui fournirait pendant le Carême la viande à prix coûtant.

L'avenir de Saint-Louis était assuré, ses revenus annuels s'élevaient à 1.500 , le produit des travaux manuels rapportait 8.500 , la vente de la viande, 2.000 , les quêtes périodiques achevaient de combler le montant des dépenses. A l'école professionnelle et à l'asile des vieillards, on ajouta en 1685 un refuge pour les femmes de mauvaise vie et peu après six loges pour renfermer les aliénés. La chapelle, devenue trop petite, fut prolongée du côté de la cour en 1718. Les administrateurs, réduits à cinq, avec Pierre-Jean-Jacques Noyer pour économe et chapelain, laissaient en caisse en 1790 un boni de 13.085  et l'hôpital dans un état des plus prospères. Son personnel entretenu était de 200, et ses revenus fonciers de 13.328 , sans compter le produit des rentes en grain s'élevant à 207 quintaux, les quêtes et les bénéfices faits sur la vente de la viande. La Révolution lui imposa, 1791, la charge onéreuse des enfants trouvés des districts de Laval et d'Évron et le dépouilla de ses principales ressources. Si toutes ses propriétés foncières ne furent pas vendues, c'est qu'elles ne trouvèrent pas d'acquéreurs. En cet état, il devait entretenir cent seize enfants, soixante-deux vieillards et seize aliénés. L'église devint un dépôt de munitions de guerre par arrêté du conseil général de la commune du 8 germinal an II (28 mars 1794).

Une nouvelle commission des hospices, nommée en 1800, se mit aussitôt à l'œuvre pour réparer les ruines que la Révolution avait faites à Saint-Louis, dont le personnel s'accrut de tous les enfants trouvés du département après le décret impérial du 19 janvier 1811. Malgré la présence des sœurs d'Évron, appelées le 25 mars 1813, la surveillance d'un personnel si nombreux et si varié était impossible dans le local aussi étroit qu'insalubre de la Chiffolière. Le 1er août 1840, l'administration acheta de la famille Latouche la closerie des Étaux, située sur la route de Nantes, où, sur les plans de M. Moll, architecte à Paris, furent élevées de vastes constructions formant un quadrilatère avec cour intérieure. La première pierre en fut posée le 17 juillet 1843 ; à la fin de l'automne 1847, tout le personnel du vieux Saint-Louis y était transféré et, le 25 septembre 1848, Mgr Bouvier bénissait la nouvelle chapelle, de style classique, récemment achevée. Grâce au zèle de Mlle Le Gentil, au nouvel hôpital Saint-Louis furent annexées deux classes de sourds-muets où six sœurs d'Évron instruisent de quarante à cinquante enfants d'après les méthodes les plus perfectionnées. L'œuvre des sourds et muets avait été commencée par M. l'abbé Duchemin en 1825. En 1863, l'hospice fut encore augmenté d'une maternité départementale pour les filles-mères, actuellement transférée à la Roche-Gandon de Mayenne. Sa population s'élève aujourd'hui à quatre cents personnes, sous la direction de trente sœurs.

3. COMPAGNIE DE CHARITE.

Fondée, à l'exemple de celle des sœurs de Saint-Vincent-de-Paul à Paris, par Gervais Chabrun, sieur de Beaumesnil, ancien chanoine de de Saint-Tugal, chapelain de Saint-Germain-l'Auxerrois. A une première dotation de 4.800  faite le 25 septembre 1683, il ajouta, le 29 juin 1689, plusieurs rentes et « une maison située au faubourg Saint-Martin, vis-à-vis des PP. Cordeliers … pour servir à la demeure et habitation de trois filles ou veuves » qui, sous la direction des dames de charité, devaient secourir à domicile les pauvres malades des paroisses de la Trinité et de Saint-Tugal et donner aux petites filles indigentes une instruction chrétienne. Ses règlements, calqués sur ceux de Paris, furent approuvés par l'évêque du Mans, le 15 février 1684, et le 8 mars, Madeleine de Créquy, femme de Charles-Belgique de la Trémoïlle, sous la protection de laquelle la compagnie s'était placée, acceptait d'en être la supérieure perpétuelle. Aux dames de charité, qui s'adjoignirent dans la suite des commissaires, appartenait d'élire leur bureau composé d'une supérieure effective, d'une trésorière, garde-meuble, secrétaire, et de quatre conseillères, de visiter les malades de la ville, divisée en vingt quartiers, de s'informer de leurs besoins et de demander le médecin ou chirurgien. Le soin des malades était confié à trois filles ou veuves âgées au moins de trente-cinq à quarante ans, vivant en communauté, sous le patronage de sainte Madeleine et de sainte Marthe, et auxquelles on donnait le nom de sœurs, bien qu'elles n'eussent fait aucun vœu de religion. L'une d'elles devait en outre faire régulièrement la classe aux petites filles. L'œuvre vivait de quêtes faites à l'église, fêtes et dimanches, et des aumônes de la charité publique, dont la plus importante était celle de la dame de Laval, qui donnait quatre charretées de bois et quatre cents fagots pour l'entretien de la marmite permanente destinée à faire le bouillon des malades. Sa fortune immobilière s'était accrue en 1734 de la métairie de la Moineterie, en Saint-Pierre-sur-Erve. Une compagnie de charité s'était établie à Saint-Vénérand, où elle était en pleine vigueur en 1724, avec une administration distincte de celle de la Trinité et une maison pour les sœurs située dans la rue de Paradis. Ses ressources dépassèrent bientôt celles de la compagnie de la rive droite. Elle acquit au profit des pauvres : la métairie de Beauchène, en Saint-Berthevin, 1744 ; des maisons et des prairies à Laval pour le prix de 8.600 , 1746 ; la métairie et fief de la Verrerie-Gripousse (Argentré), 1751 ; puis les terres de Moussay en Parné, de la Noirie en Saint-Pierre-sur-Erve, de Lévaré en Cossé-le-Vivien. Après 1771, la ville alloua 1.500  au bureau de charité de la Trinité et 1.000  à celui de Saint-Vénérand, qui fut réuni au premier, sous la présidence de Villar, le 10 août 1791. Un règlement particulier pour Laval avait été imprimé sous ce titre : Règlement de la compagnie de charité établie dans la ville de Laval, contenant deux parties, l'une qui regarde les dames et l'autre les sœurs (Paris, Clément Grasse, 1684, in-12 de 123 p.). Pendant la Révolution les biens de ces deux établissements de charité, qui avaient pris le nom de Providence, furent vendus et le personnel dispersé. Après la tourmente, on nomma une commission spéciale qui fut presque aussitôt remplacée par celle des hospices. Le bureau de bienfaisance des deux cantons de Laval, constitué en l'an IX, rappela les anciens commissaires et les dames de charité. On rétablit la division de la ville en vingt quartiers et l'administration se distribua en cinq bureaux. Pour remplacer les servantes des pauvres, incapables de remplir leurs fonctions, on fit appel aux sœurs de la Chapelle-au-Riboul qui prirent de suite possession des deux maisons de la Providence, qu'elles ont continué de desservir avec dévouement jusqu'à nos jours, où on leur a substitué des laïques.

Dans les temps de peste et de contagion, des baraquements en bois établis dans divers endroits, dans la prairie de Sainte-Catherine, au lieu de Plaisance, dans le faubourg Saint-Martin (1583), par exemple, recevaient les pestiférés. Le 27 octobre 1584, les habitants permirent de transférer les loges des pestiférés dans la place du Gast. Enfin Pierre Champhuon, juge royal, donna en 1600 son lieu de la Philippotière pour y installer une maison de santé dans les cas d'épidémies.

Les malades incurables, les scrofuleux spécialement, n'étaient pas admis à l'hôpital. Des personnes charitables louèrent, rue des Tuyaux, le 11 avril 1711, la maison de la Valette-Saint-Martin où quatorze scrofuleux furent recueillis de suite. Après autorisation épiscopale, M. Bureau, curé de la Trinité, bénit le 7 juillet la chapelle, sous le vocable de Saint-Liboire, et sœur Georget, du tiers-ordre de Saint-Dominique, Jeanne Lilavois et Anne Nupied, se consacrèrent au service de ces délaissés. On jugea presque aussitôt (Assemblée de ville du 22 décembre 1711) que les Incurables seraient plus commodément secours près de l'hôpital et, dès le 3 juin 1712, on les transféra dans une maison de la rue des Lices, puis le 7 octobre, M. Hardy de Lévaré, maire, posa dans l'enclos de l'hôpital la première pierre du nouvel hôpital qui eut sa chapelle sous le vocable de Saint-Charles et fut relié à l'hôpital de Saint-Julien par une galerie. Les religieuses, malgré leurs répugnances premières, prirent ce surcroît de fatigues et se dévouèrent à soulager ces nouvelles misères. Il y avait vingt-huit lits à Saint-Charles en 1798. Les bâtiments sont conservés.

Arch. de Saint-Julien et de Saint-Louis. — Chartrier de M. le duc de la Trémoïlle, Conseil de tutelle. — Arch. nat., G/9. 638 ; X/1a. 244, f. 119 ; 4.932, f. 214-216. — Greffe de Laval. — L. Maître, La Maison-Dieu de Monsieur Saint-Julien ; Les Hôpitaux de Laval. — Arch. de la M., E. 360 ; B. 17, 332, 463 ; H. 186 ; Regist. du Directoire. — Arch. de la S., H. 1.804. — Abbé Duchemin du Tertre, Journal mss. ; il avait fait l'inventaire des arch. de l'hôpital. — Couanier de Launay, Hospitalières de Saint-Joseph.

4. ŒUVRES MODERNES DE CHARITE.

Petites-Sœurs des pauvres (V. l'art. Coconnière).

Miséricorde, fondée en 1818, autorisée par le Conseil municipal le 6 avril 1821 (V. l'art. Thérèse Rondeau). Après la mort de la fondatrice, cette institution de charité héroïque non seulement s'est maintenue, mais s'est développée grâce à des prodiges de vertu, de travail et d'économie. Elle compte aujourd'hui trois cent trente filles pénitentes, sous la direction de quarante-six sœurs, novices ou postulantes. Une colonie établie à Saint-Joseph-desChamps se livre aux travaux agricoles et concourt à l'entretien de la maison-mère.

L'Orphelinat, fondé en 1835, au Carrefour-aux-Toiles, dans une maison appelée Nazareth, fut transféré, 1841, rue d'Avénières, dans une propriété achetée du Sacré-Cœur par Mlle d'Aubert de Loresse. Mgr Bouvier, évêque du Mans, bénit la chapelle le 2 octobre 1841. Cet établissement, de charité purement privée, donne asile à environ trente-cinq orphelines qui y restent jusqu'à l'âge de vingt et un ans.

Les Sœurs de l'Espérance ou gardes-malades de la maison-mère de Bordeaux s'installèrent rue du Lycée en 1850. La ville leur vota, le 28 août 1852, une subvention de 300 fr. pour les soins qu'elles donnent gratuitement aux pauvres selon la règle de leur institut. Elles reçoivent des grandes pensionnaires et s'occupent de l'œuvre des jeunes filles.

Petites-Sœurs de Saint-François-d'Assise, dont la maison-mère est à Angers, installées le 18 juillet 1890 rue Saint-Mathurin, dans une propriété achetée de M. de Landevoisin par Mme Marthe-Marie Le Tourneux de la Perraudière, veuve de M. Hyacinthe de Quatrebarbes. Le but de l'institut est de soigner et de veiller à domicile les ouvriers et les malades pauvres. La fraternité du tiers-ordre séculier de Saint-François, qui choisit la communauté naissante pour le lieu de ses réunions, restaura à ses frais l'ancienne chapelle de Saint-Mathurin, bénite par Mgr Cléret le 17 septembre 1890. Une nouvelle chapelle dans le style roman de transition, vient d'être construite sur les plans de M. l'abbé Deschamps.

Patronage de Saint-Vincent-de-Paul.

Patronage de Beauregard.

Cercle catholique, établi après la guerre de 1870 sur le boulevard de Tours.

VII. — Industries, Commerce, Corporations.

Industries. — La première fut la manufacture des serges et autres étoffes de laine, foulées aux moulins de Belaillé, qu'on étendait aux poulies du Gast avant 1218. Ces moulins étaient affermés 276  aux maîtres sergers par le seigneur de Laval en 1400. Au XVIIIe siècle, la fabrication consistait surtout en étamines camelotées blanches et de couleur, droguets croisés et simples, flanelles et étamines pour voiles de religieuses. Elle était régie ainsi que celles d'Entrammes et de Bazougers par les règlements de la généralité de Tours du 27 mai 1746. Les deux communautés des cardeurs et des sergers, composées de quatre maîtres, résolurent, en 1750, de s'unir afin d'exercer l'une sur l'autre une surveillance mutuelle et d'assurer la bonne qualité des marchandises. — L'industrie lainière, en 1762. comptait 89 métiers fabriquant 315 pièces d'étamine, 119 de serge, 47 de demi-drap, 63 de droguet. La production dans le premier semestre de 1772, fut de 279 pièces d'étamine, de 238 de serge, et dans le premier semestre de 1773, de 276 pièces d'étamine et 309 de drap. Mais la grande industrie dont Laval fut le chef-lieu commercial pour tout le Bas-Maine y compris Château-Gontier, fut la manufacture des toiles, perfectionnée à la fin du XIIIe siècle par les tissiers flamands qu'appela Béatrix de Gavre. L'importance et la réglementation de ce commerce, dont la valeur atteignait par semaine un demi-million de livres, fait le sujet d'un article dans l'introduction du présent ouvrage. Je signale seulement ici ce qui concerne spécialement Laval.

Les lavanderies de Bootz, de Panlivart et de Chantelou, mentionnées à la fin du XVe siècle, ne suffirent plus aux siècles suivants pour le blanchissage des toiles ; de nouvelles s'élevèrent sur chaque rive de la Mayenne, et on en comptait seize en 1789, non compris celle de la Mazure, à Forcé, « qui équivalait à dix autres ». Aussi lorsqu'en 1779, le gouvernement parla d'exproprier une partie des prairies occupées par les lavanderies pour y installer une fonderie de canons et une école d'artillerie, tous les négociants avec la majorité des bourgeois protestèrent contre ce projet qui fut abandonné. Laval était aussi le centre du marché des toiles de tout le comté. Chaque samedi, les fabricants apportaient leurs pièces sur l'étroite place, encore nommée le Carrefour-aux-Toiles, et les offraient aux gros marchands solennellement installés sur des tasseaux de pierre maçonnés contre les murs ou sur des estrades en bois disposées d'avance. Le vendeur tenait sur ses bras sa toile dont tous les plis étaient épinglés avec des aiguilles sur une ficelle, et quand le marchand l'avait examinée, l'auneur la mesurait sur un instrument appelé fraudouer et percevait un droit de 4 sols. Trop souvent ces transactions se faisaient par l'intermédiaire d'entremetteurs, nommés hocqueliers, qui profitaient de l'inexpérience des tisserands pour acheter à vil prix et revendre immédiatement à gros profit. Cet état de choses dura jusqu'en 1730. Le comte de Laval se décida alors, suivant l'engagement qui avait été pris en 1638, à faire construire sur la place du Gast des halles couvertes qui n'ont subi d'autres modifications que l'établissement d'un toit sur la partie centrale comprise entre les quatre galeries. La première pierre en fut posée, le 7 décembre 1730, par M. Salmon, malgré l'opposition des gros marchands qui prétendaient n'avoir pas encore assez de jour au Carrefour-aux-Toiles « pour découvrir les défauts qui se glissent dans la manufacture. » Elles furent ouvertes le samedi 4 octobre 1732 et le 10 fut ajusté l'Ephraudoir de la police « lequel a 22 pieds 4 pouces de longueur pour cinq aunes ». Les tisserands, voulant à cette occasion prendre vis-à-vis des négociants une position moins humiliante et surtout plus avantageuse, firent construire dans les nouvelles halles des bancs sur lesquels ils se proposaient d'étaler leurs pièces et forcer ainsi les gros marchands, alors au nombre de soixante-trois, à venir les visiter d'étal en étal, pour faire leur choix. Ceux-ci comprirent aussitôt qu'il y avait là pour eux, outre la question de prééminence, une grosse question d'intérêt, dressèrent à leurs frais des tables sur pivot, derrière lesquelles ils devaient se tenir majestueusement pendant que les tisserands viendraient étaler leur marchandise. Ce débat qui retarda l'inauguration des halles ne se termina pas à l'avantage de ces derniers, car en 1774, les gros marchands y occupaient encore « des bancs en forme de chaire ». A droite de la principale entrée était alors le bureau de l'inspecteur et des jurés des marchands, à gauche celui du receveur des comptes chargé de percevoir 4 sols par pièce, et au-dessus le logement du concierge. En 1764, le duc de la Trémoïlle fit construire, pour recevoir les marchandises, un magasin auquel il attacha un gardien, à condition de percevoir un sol de plus par pièce de toile. Telles qu'elles furent édifiées en 1731, avec leur pourtour clos sur les quatre côtés et leur cloître intérieur porté sur des poteaux de 15 pieds de hauteur et laissant au milieu une enceinte découverte de 80 toises, alors que le pourtour couvert n'avait que 15 pieds de largeur, les halles de Laval faisaient l'admiration des contemporains qui ne craignaient pas de les qualifier les plus belles du royaume. Elles servent maintenant aux expositions et aux fêtes publiques.

La toile de Laval fut remplacée peu à peu par le tissu de coutil en fil de lin ; il n'y a plus dans cette ville qu'une seule maison qui en fabrique et encore subit-elle la concurrence de Mayenne pour les basses sortes, et pour les autres celle d'Armentières, mieux placée dans un pays de production et de filature du lin.

La fabrication des tissus de coton fit son apparition à Laval, en 1764, époque à laquelle Jean-François Mariage, imprimeur d'indienne, de Colombiers (Suisse), établit une fabrique de mouchoirs et de toiles peintes sur la lavanderie de la Chaussée et une partie du barrage des Trois-Moulins que lui avaient cédées Guillaume-Charles Jarry et ses associés. Cette fabrication dut avoir une certaine importance puisqu'en 1770, les négociants en toile se plaignent qu'une partie des fils soit enlevée sur les marchés pour la manufacture des indiennes, toiles peintes et siamoises nouvellement introduite. Quelques années plus tard, en 1775, le sieur Heude et ses associés établissaient une teinturerie et un atelier de filature de coton, pour la fabrication de mouchoirs à l'imitation de ceux du Béarn, moitié fil et moitié coton. L'entreprise occupant vingt ouvriers, était assez prospère, en 1778, pour que ceux qui la dirigeaient demandassent à Necker d'être traités comme les fabricants de toile et exemptés de droit sur les matières premières. M. Brisset, inspecteur à Laval, appuya leur demande ajoutant que leurs produits étaient recherchés « et toujours retenus d'avance ». Les tissages de siamoise, mouchoirs, calicot, … se firent sur une plus large échelle à mesure que l'industrie des toiles diminuait. La première filature de coton fut créée en 1812 par M. Tirouflet aîné, la deuxième en 1814 par M. Sebeaux, celle de Botz (V. ce nom) et de Chantelou en 1826, puis celle du Petit-Dôme quelques années après. Les fabriques de tissus de fil, dits coutils russes, établies par MM. Chamaret père et Tirouflet, eurent une vogue considérable. Dans le premier trimestre de 1854, il fut vendu 58.000 pièces de coutil, soit 3.480.000 mètres. En 1855, la manufacture de Laval comptait quarante fabricants parmi lesquels six exposants à Paris, et faisait pour 15.000.000 d'affaires.

La filature du coton se développant d'ailleurs, l'usage de ce tissu, plus souple et recevant mieux la teinture, se substitua de plus en plus à celui du lin qui reprit cependant momentanément le dessus durant la guerre de Sécession, mais que la découverte des nuances grand teint et la transformation du tissage mécanique finit par faire délaisser en grande partie. Aujourd'hui Laval compte encore, pour une production annuelle de près de six millions environ, cinq tissages mécaniques et huit tissages à la main. Ce sont

1° Fabrique de N.-D. d'Avénières, fondée, 1875, par M. Henri de la Broise. — Quatre cents ouvriers ; — fabrication : coutils pour complets, coutils drapés. M. Delatouche-Gandais, successeur de M. de la Broise, occupe en outre quinze cents tisserands à la main, à Laval et dans les environs, pour la fabrication des mouchoirs.

2° Fabrique sur la nouvelle route de l'Huisserie, fondée, 1875, par M. Henri Duchemin. — Quatre cents ouvriers ; — fabrication de coutils drapés et spécialité d'articles pour enfants.

3° Fabrique de tissage à la main, fondée, 1872, nouvelle rue de l'Huisserie, par MM. Griveau-Chevrie frères, devenue mécanique à partir de 1876. — Cent cinquante à deux cents ouvriers ; — fabrication : coutils de coton et fil drapés.

4° Fabrique du Pont-d'Avénières, fondée en 1891 par M. Bastida, d'origine espagnole, achetée en 1893 par M. Henri Duchemin. — Soixante ouvriers ; — fabrication de coutils drapés et spécialité d'articles pour enfants.

5° Fabrique de retorderie de la Tisonnière, à l'embranchement des routes de Tours et de Château-Gontier, fondée en 1893 par la société Masseron, Pivert et Chaplet, augmentée d'un tissage mécanique en 1896. — Cinq cents ouvriers. Production : 1.500.000 mètres de coutils fantaisie Laval, et coutils de Flers, et 150.000 kil. de filés et de retors.

6° Fabrique mécanique sur la promenade de Changé, fondée, 1900, par M. Bellanger. — Cinquante à soixante ouvriers ; — fabrication de coutils fil et coton drapés.

Le tissage à la main est continué par un certain nombre de maisons entre autres celles de MM. Jules Segretain, Bretonnière, Bellanger, Piednoir, etc.

L'industrie marbrière était florissante surtout au XVIIIe s. Les marbres de Saint-Berthevin et d'Argentré étaient travaillés à Laval et expédiés pour autels, cheminées et tombeaux, dans les provinces de Bretagne, Normandie et Anjou, dans le Haut-Maine et jusqu'à Paris. Quoi qu'en dise Le Clerc du Flécheray, il n'y avait pas à Laval, même de son temps, seulement « cinq ou six méchants ouvriers à travailler le marbre, » mais bon nombre de « maîtres marbreurs » d'un véritable mérite dont on trouvera la biographie dans le corps de ce travail. Aussi lorsque, le 12 octobre 1792, le conseil général de la commune décréta la démolition des tombeaux du cimetière de la Trinité, profanés le 27 avril précédent, les habitants demandèrent aussitôt la révocation de cet arrêté préjudiciable à leur commerce, « ces monuments étant comme des échantillons de leurs beaux marbres, qui les faisaient connaître aux étrangers. »

Au milieu du XVIIIe s., Laval possédait une fabrique de cartes à jouer, dont le concessionnaire était Nicolas Barat, qui s'intitulait maître-cartier, paroissien de la Trinité. Il jouissait de quelque renom, car on venait de loin se former à son école. Ses cartes portaient ses initiales avec le mot Laval. Cette industrie se continua au XIXe s. ; l'annuaire de l'an XII constate qu'une partie des produits de la papeterie de la Mayenne « était convertie en cartes à jouer à Laval ». Les derniers fabricants, Le Rouge et Lepeltier, son neveu, eurent maille à partir avec la police pour fausse fabrication.

Corporations. — A Laval comme dans toutes les villes elles unissaient par des liens de fraternité, d'honneur et d'intérêt tous les hommes du même métier et constituaient la meilleure garantie de la bonne confection des produits. La plupart avaient leurs statuts particuliers qui durent être homologués par le parlement à partir d'Henri III et formaient autant de personnes civiles pouvant se gouverner, acquérir, posséder en commun et défendre leurs intérêts dans les assemblées de l'hôtel de ville. Elles étaient sous le patronage d'un saint dont la fête se célébrait par une messe solennelle à laquelle tous les membres assistaient ; quelques-unes, comme celle des maîtres tissiers, avaient une messe dite tous les dimanches « pour ledit estat ». Aux processions de la Fête-Dieu elles marchaient suivant l'ordre de préséance assigné par le juge de police, « d'après l'ordre d'antiquité ». Précédées du guidon sur lequel étaient gravées l'image du patron et les armoiries de la corporation, elles se déployaient pompeusement sur deux files, le long des rues « tendues à ciel » avec les toiles que fournissaient les marchands tissiers. Chaque membre portait à la main « un bouquet de roses » ou une torche fournie par la communauté. Les plus riches se payaient le luxe d'un cierge pesant quelquefois « huict vingtz livres de cire neuve, » véritables monuments artistiques, représentant en relief des scènes de l'ancien ou du nouveau testament, portés sur des brancards par quatre hommes et quelquefois précédés d'une troupe de musiciens à gages. L'enquête ordonnée par l'intendant de Tours sur les corporations de Laval, en 1750, fournit sur chacune d'elles des renseignements précis. Celle des apothicaires, dont les statuts datés du 13 novembre 1597 avaient été approuvés par lettres patentes du 24 janvier 1598, ne se composait plus que de sept maîtres en jurande, tandis qu'il y en avait treize en 1703. — Les boulangers, vingt-sept maîtres en jurande, avec statuts approuvés le 15 juillet 1496 par Guy XV, confirmés par lettres patentes de décembre 1700. — Bouchers, vingt-six maîtres, statuts anciens, renouvelés par le comte de Laval au mois d'août 1686. — Barbiers-perruquiers, dix-sept maîtres, dont un lieutenant du premier chirurgien du roi ; lettres patentes en forme de statuts du 6 janvier 1725. — Couvreurs, dix-huit maîtres, sans statuts ni jurande ; les apprentis pour passer maîtres devaient prêter le serment devant le juge de police ou le juge ordinaire. — Cordonniers, quarante-cinq maîtres, régis par statuts donnés par le seigneur de Laval, le 21 janvier 1489. Antérieurement, ils formaient une confrérie, qui se reconstitua dans une assemblée générale en date du 2 mai 1752. — Carleurs ou savetiers ne pouvant travailler en ouvrages neufs, onze maîtres, avec statuts de 1721. — Chaudronniers, neuf maîtres, sans jurande. — Charpentiers, seize maîtres. — Chirurgiens, onze maîtres, et statuts du 13 août 1729, confirmés par lettres patentes du 24 février 1730. — Cloutiers, sept maîtres. — Corroyeurs, dix maîtres. — Chapeliers, sept maîtres ; ces trois corporations n'avaient pas de statuts. — Cardeurs de laine et lainiers, quarante maîtres, régis par les règlements de manufacture des étoffes de la généralité de Tours. — Couteliers et ouvriers en œuvre blanche, ancienne corporation sur laquelle le seigneur de la Fresnerie, au faubourg Saint-Nicolas du Mans, prétendait avoir le droit d'exiger une redevance de six deniers et un chef-d' œuvre pour passer maître en vertu d'une concession faite à ce fief, par la comtesse du Maine en 1395. — Marchands de drap de soie et de laine, vingt-huit maîtres, statuts de 1489, réformés le 28 février 1664, confirmés par lettres patentes du 6 septembre 1666. A partir de cette époque, ils ne faisaient qu'une corporation avec les merciers et épiciers. Les marchands de toile en gros, maîtres tissiers, blanchisseurs, n'avaient ni statuts ni jurandes. — Maréchaux, seize maîtres. — Menuisiers, vingt-huit maîtres, statuts du 21 avril 1581, homologués au mois d'avril 1720. — Orfèvres, cinq maîtres. Leurs nouveaux statuts, approuvés par la cour des monnaies le 4 septembre 1670 et modifiés par arrêt royal du 21 octobre 1749, fixaient à six le nombre des maîtres pour la ville et les faubourgs et déféraient aux juges-gardes de la monnaie d'Angers toutes les contestations qui pourraient s'élever. Ils travaillaient au titre de Paris et avaient sur leurs poinçons une grenouille ou un C couronné. — Poupeliers, trente-sept maîtres, soumis aux règlements de la manufacture des toiles du 19 août 1739. — Potiers d'étain, quatre maîtres, statuts du 20 septembre 1490, modifiés vers 1580. La corporation était propriétaire, 1776, des offices de contrôleurs-marqueurs des ouvrages d'étain dans les villes de Mayenne et de la Flèche. — Selliers, cinq maîtres, sans jurande. — Sergers, quarante-quatre maîtres régis par les règlements de la manufacture de laine. — Serruriers, douze maîtres et statuts du 3 janvier 1604. — Ciriers et ciergiers, quatre maîtres, formant depuis 1622 une communauté distincte des apothicaires. M. J. Richard a publié (Bulletin hist., t. XV, p. 456) les travaux artistiques en cire exécutés pour les processions du sacre, par Barthélemy Le Hirbec, 1639. René Rojon, 1643, Pierre Terrier, 1650 et 1651, Jean Mérial, 1655-1691, et Jean Bodard, 1661-1688. — Tailleurs, vingt-cinq maîtres, statuts du 23 janvier 1677, portant qu'ils devaient acheter les étoffes chez les marchands de la ville. — Teinturiers, quatre maîtres, et règlements du 27 mai 1746. — Tanneurs, deux maîtres, statuts du 5 octobre 1591, homologués le 13 janvier 1623. — Tisserands, dont les statuts furent confirmés par ordonnance royale de juillet 1599, et enregistrés le 16 décembre suivant. — Tourneurs, quinze maîtres. — Vitriers, quatre maîtres, sans statuts. — Les professions libérales formaient autant de corporations dont la principale était celle des avocats qui, dans les processions, marchait après les officiers des deux sièges. — Après l'invention des armes à feu disparut la société des archers et des arbalétriers dont faisaient partie presque tous les bourgeois de Laval. Le tir à l'arc et à l'arbalète sur « le papegault, » espèce d'oiseau en bois qui servait de point de mire, était un de « leurs esbatements » favoris. Les deux plus habiles étaient proclamés rois pour un an, et exempts de tailles et de la garde des portes, par ordonnance de Louis XI de février 1467.

Les corporations furent supprimées par Turgot, 1776, et définitivement abolies par l'Assemblée nationale, le 15 février 1791.

Foires et marchés. — Une charte datée du temps de Guy Ier fournit les renseignements les plus précieux sur leur origine, sur les droits de prévôté partagés entre le seigneur et les moines de Saint-Martin, suivant les jours et les lieux, sur l'affluence des étrangers qui fréquentaient les marchés de la ville en formation et encore qualifiée « bourg de Guy, » sur la réglementation de la vente des objets de première nécessité, comme le pain et la viande. Les marchés se tenaient d'abord en dehors des murs, au lieu dit encore le Marchis, « le vieil marcheil de Lavau-Guion, » s'étendant jusqu'au terrain de la Perrine, au delà de la rue Gaudin.

Pour la commodité de la population croissante, les marchés ordinaires furent transférés à l'intérieur de la ville, entre l'église et le château, où des halles furent construites et probablement reconstruites. Celles qui ont été détruites en 1852 dataient de 1498, quoique Le Blanc de la Vignole leur assigne une origine plus ancienne. Les établissements de charité, comme la léproserie de Saint-Nicolas, avaient certains droits sur les revenus des halles et y louaient des étaux. Elles servaient aux réunions qui attiraient une affluence extraordinaire et souvent aux prédications du carême. Une statue de la Vierge, du XIVe ou du XVe siècle, occupait une place d'honneur dans les vieilles halles. Elle est aujourd'hui fixée à un pilier de la cathédrale en attendant qu'on lui trouve une place dans les baraques aussi incommodes que disgracieuses élevées récemment pour remplacer les halles neuves construites en 1852.

Le droit de minage appartenait au seigneur de Laval, qui avait fait constuire les halles et fournissait les poids et mesures. Ce droit, de deux deniers par boisseau de grain vendu, fut réduit par un jugement du tribunal de Laval du 22 mai 1748, et rétabli peu après par arrêt du parlement. Les bâtiments du nouveau minage construits près des halles furent inaugurés le 4 juillet 1733. Ceux qu'on a élevés en 1831, sur l'emplacement de l'ancien hôtel de ville, viennent d'être annexés à l'hôtel des postes. Le 1er septembre 1836, le marché aux grains fut transporté de la place des Halles sur celle de la mairie.

La poissonnerie, voisine des halles qu'elle infectait, fut transférée en 1732 sur la place de la Chiffolière et construite en forme de rotonde ou de colombier. Elle était, avec la boucherie, affermée 900  en 1779. La ville s'en déclara propriétaire le 4 nivôse an III, sur le duc de la Trémoïlle, émigré. Une nouvelle poissonnerie a été construite depuis une vingtaine d'années sur le terrain du Vieux-Saint-Louis.

L'aveu de 1407 ne mentionne encore qu'un seul grand marché par semaine, le samedi, mais laisse supposer plusieurs autres marchés supplémentaires. Avant 1671, il y avait marché à toutes marchandises, le mardi, le jeudi et le samedi, ce dernier spécialement réservé à la vente du grain, du fil et des toiles.

Les foires, au nombre de six, étaient celles de : Saint-Denis (9 octobre), mentionnée dans la charte de Guy Ier, et supprimée avant 1567 ; — Saint-André (30 novembre), créée au profit du prieur de Saint-Martin, au XIe s. ; — l'Ascension, qui se tenait sur le pont et profitait, pour la prévôté, à l'aumônerie de Saint-Julien ; — la Décollation de Saint-Jean-Baptiste (29 août), dont la moitié de la coutume appartenait au commandeur de Thévalle ; — la Saint-Simon et Saint-Jude (28 octobre) et la Mi-Carême. Transférées, vers 1567, au samedi après la fête des saints dont elles portaient le nom, les foires furent rétablies à jours fixes par le comte de Laval, en vertu de lettres patentes du 31 décembre 1664 : mardi après la mi-carême ; — dernier mercredi d'avril ; — mardi avant la Saint-Jean ; — mercredi après la Saint-Simon et la Saint-Jude ; — enfin le 9 septembre, fête de Saint-Gorgon. Cette dernière foire, connue sous le nom d'Angevine, à cause de la Nativité de la Sainte-Vierge, la N.-D. Angevine, qui tombe la veille, est devenue la plus célèbre quoiqu'elle soit la plus récente. A toutes les foires et de tout temps, les marchands forains avaient deux jours pour vendre et un jour pour emballer. Ce droit leur fut maintenu malgré les marchands de la ville, qui avaient obtenu en 1755 un arrêt n'accordant aux forains qu'un jour de vente. Les jours de foires et de marchés les charrettes ne devaient entrer dans la ville que pour y amener le grain. Pendant la Révolution, les marchés étaient fixés officiellement aux sextidis et nonidis ; les foires : le 12 brumaire, 28 ventôse, 6 floréal, 1er messidor et 24 fructidor. Aujourd'hui, outre le premier samedi de chaque mois, il y a foire : le mardi après la mi-carême, le dernier mercredi d'avril, le mardi avant la Saint-Jean, le 9 septembre (l'Angevine, qui dure huit jours) et le 3 novembre.

Cartulaire de Marmoutier. — Arch. d'Indre-et-Loire, C. 134, 147-150. — Arch. nat., C. 210, 2.110 ; JJ. 201, f. 2 ; S. 343, 401. — Arch. de la Vienne, H/3. 969, 988. — Arch. de M. le duc de la Trémoïlle, conseil de tutelle. — Le Clerc du Flécheray, Comté de Laval. — La Beauluère, Recherches sur les corporations de Laval. — Queruau-Lamerie, Commis. hist., t. IV, 341. — Bib. de Laval, fds Couanier A/1, A/f. — Pichot de la Graverie, Sentences. — Cab. Garnier. — Arch. de la M., B. 173, 216, 354, 407, 428, 586, 901, 1.059 ; minutes Jardrin, Texier, Pottier, Croissant.

VIII. Ville. — ÉTABLISSEMENTS, MONUMENTS, PLACES, JEUX DE PAUME, HOTELS, MAISONS NOTABLES, QUARTIERS, ARCHIVES, SOURCES HISTORIQUES.

Le Palais, situé sur la place publique, à côté du château neuf, est mentionné en 1541 avec la « salle du pledoyé de Laval ». — « Il est composé, lit-on dans une description de 1779, d'une grande salle d'entrée sans plancher, au fond de laquelle est la chambre du greffe qui est belle. Au-dessus de la salle d'entrée est l'auditoire du siège ordinaire dans une assez belle salle, avec la petite chambre du conseil dans une tourelle, à côté de la fontaine publique. L'auditoire des sièges royaux est sur la salle du greffe. Quoiqu'il ne serve que pour la justice, il est néanmoins entretenu par le seigneur. » La municipalité y tint ses séances jusqu'à l'acquisition de la maison de Pontfarcy. Depuis la translation des services judiciaires dans le château neuf, le palais a fait place à une école et sert de logement depuis 1897 au quatrième bataillon du régiment en garnison.

Du château, où elles étaient d'abord, les prisons furent transférées dans le Val-de-Mayenne par Henri-Charles de la Trémoïlle, vers 1650. Petites, presque souterraines, sans soleil, elles étaient absolument malsaines et comprenaient deux salles avec cachot pour les hommes et autant pour les femmes, une chapelle, une chambre criminelle, le logement du concierge. Un préau de 100 pieds de long sur 40 de large était demandé en 1743. La compagnie de charité adoucissait autant qu'elle pouvait le sort des prisonniers, qui jouissaient de la personnalité civile, avaient certaines rentes et recevaient des legs. Le vieux château sert aujourd'hui de prison. Il est question actuellement de construire une prison cellulaire derrière l'hôpital Saint-Louis.

Bibliothèque. — Le sieur Favrolle, maître de pension, eut mission, le 24 vendémiaire an III, de faire le triage des livres provenant des « maisons nationales », qu'on réunit aux Capucins en attendant qu'en vertu d'un ancien décret de la Convention qui prescrivait la création d'une seule bibliothèque départementale annexée à l'École centrale, on eût fait venir dans l'ancienne maison des Ursulines les volumes des autres chefs-lieux de districts (6 vendémiaire an VII). Le citoyen Reveil, bibliothécaire de Château-Gontier, fut chargé de ce soin avec Laigre, son collègue. Laban, puis Dorlodot, furent les premiers conservateurs du dépôt, transféré depuis avec le Musée dans un bâtiment spécial construit sur l'emplacement de l'église de Saint-Tugal. Les principaux legs qui sont venus l'augmenter, en dehors des acquisitions et des dons de l'État, sont : ceux de MM. Le Tissier, ancien bibliothécaire, E. Fontaine, Le Fizelier, Duchemin de Villiers, Ch. Meignan, Alm. Bernard, Souchu-Servinière, Boudet, ancien ministre, Duboys Fresney.

Elle possède aujourd'hui 45.000 volumes environ, 198 manuscrits et 28 incunables.

Le Musée d'histoire naturelle et d'archéologie, installé depuis 1840 au rez-de-chaussée de la bibliothèque, avait été organisé en 1801 à l'École centrale par M. Jarry. Il renferme dans la première section : géologie, 800 échantillons ; minéralogie, 1.200 ; roches, 500 ; fossiles (collection Triger) ; coquilles vivantes, 3.000 espèces ; herbiers, collection des animaux du département. — Archéologie préhistorique : silex, haches, os travaillés, quelques pièces d'anthropologie. — Archéologie et arts : objets gallo-romains, poteries vernissées, faïence émaillée (collection de Mlle Chevreul), tuiles faîtières, carreaux estampés, statues et bas-reliefs, vitraux, émaux, ivoires. La collection Bourgneuf, bijouterie, miniatures, etc, acquise pour 2.000 fr., a une grande valeur. Médaillier de plus de 4.500 pièces, en partie léguées par M. Brochet des Jouvences.

Le Musée des Arts, construit (1890-1899), sur les plans de M. Ridel, dans un style grec hybride à l'entrée du jardin de la Perrine, du côté de la place de Hercé, présente actuellement une façade orientée au Sud-Ouest, à laquelle on accède par un escalier en granit flanqué de deux groupes en bronze fondus par Siot-Decauville et dus au sculpteur Gardet : Un bison attaqué par un jaguar à droite, et Le Tigre et la Tortue à gauche. Cette façade se compose d'un portique dont les pieds-droits extérieurs sont couronnés par deux statues de M. Tony Noël : la Peinture et la Sculpture, et d'un corps de bâtiment légèrement en retrait où se voient deux bas-reliefs : à droite, l'Agriculture, d'Alfred Lenoir ; à gauche, La Naissance de Vénus, d'Allar. Derrière la façade, dont les quatre angles sont surmontés de lions ailés dus à M. Vallet, s'amorce le corps principal du musée qui doit, par la suite, s'allonger sur la Perrine avec une façade monumentale dominant la Mayenne. La sculpture décorative, faite sur les dessins de M. Léopold Ridel, est de M. Vallet, et la peinture décorative de M. Ourlier. Les jardins à la française sont entourés d'une grille sortie des ateliers de M. Bourny, de Laval. La dépense de l'ensemble atteint 400.000 fr.

Caisse d'épargne due à l'initiative de la municipalité qui ouvrit, le 29 janvier 1834, une souscription publique. De la place du Lieutenant où elle avait été installée, elle vient d'être transférée dans un bel hôtel construit sur les promenades de Changé (architecte, M. Ridel ; sculpture de M. Allar).

Banque de France, succursale autorisée par décret du 17 juin 1857, établie rue de Bretagne.

Théâtre. — Du mois d'août 1448, où l'on joua l'Advisé et le Maladvisé, jusqu'à l'an 1534, où fut représenté le Mystère de saint Vénérand, s'étend pour Laval la période des spectacles vraiment populaires. Les représentations telles qu'on les a entendues depuis s'organisèrent au XVIIIe s. dans une salle du Jeu de paume de la rue du Bourgchevreau. On connaît quelques engagements. Le 30 août 1730, Joseph Dupuis est autorisé à dresser son théâtre pour y jouer des pièces françaises et italiennes. Même permission pour deux mois à Charles Desjean-Leroy en 1769 ; les premières étaient à 36 sols, les secondes à 15 sols au lieu de 24, le parterre à 12 sols. — Le sieur Roche eut permission de donner des tragédies, comédies, opéras-comiques et ballets du 1er dimanche au vendredi de l'avant-dernière semaine de carême 1785, « temps où l'usage des spectacles n'est guère connu en cette ville ». — Le 20 mai suivant, Nicolas Fauveau, qui avait acquis la salle de spectacle de la veuve de Christophe-Roland Aurat de la Chauvinière, engagea au prix de 1.800  et moyennant un cautionnement de 3.000  une troupe venant de Rennes. Cette salle servit-elle toujours ? Le théâtre fut-il transporté ailleurs ? En tout cas, « la salle ordinaire de spectacle » se trouvait au Louvre en l'an VI.

Les héritiers de Nicolas Fauveau vendirent le 27 mai 1818 « la maison nommée la Paume, avec le jeu de paume, la salle de spectacle et la salle de billard », à MM. Constant et Joseph Paillard, maîtres de forges, ce qui décida la ville à bâtir un théâtre. Un plan fut donné en 1819 par M. Voimier, architecte de la préfecture ; un emprunt de 60.000 fr. fut ouvert en février 1820 et pourtant l'autorisation de construire un théâtre sur le mail bordant la nouvelle traverse, ne fut accordée que le 21 mai 1827 par le roi à une société anonyme qui avait pour président M. de la Broise de Raiseux. M. Renous dirigea les travaux. La première représentation eut lieu en 1830.

Abattoir. — L'établissement d'un abattoir, à l'état de projet depuis quarante ans, fut enfin arrêté le 10 septembre 1867 et exécuté sur le bord de la Mayenne, dans le pré de la Chouannière, en aval de la levée d'Avénières. L'année suivante, le Conseil général vota la prolongation du quai de l'Impératrice jusqu'à l'entrée de l'abattoir, dont les travaux furent adjugés le 3 avril 1869 pour le prix de 177.884 fr.

Places et jardins publics. — Au XVIIe s., la ville n'avait que la place du Palais. Dans tout le reste de l'enceinte les maisons serrées surplombaient d'étage en étage au-dessus de rues étroites. — Le Gast, vaste terrain en friche où étaient les poulies destinées à étendre les draps après le foulage (1218), et sur lequel 300 sols de rente avaient été donnés à Bellebranche par Avoise de Craon, veuve de Guy VI, fut jusqu'en 1730 la promenade favorite des Lavallois, et quand la construction des halles aux toiles l'eut réduite, Pichot de la Graverie fit planter des chênes et des ormeaux dans la partie conservée (1745). Sur cette place, que le peuple englobe dans le champ de foire, les plus riches hôtels de la ville se construisirent, loin du bruit de la rue. — La place Hardy comprit d'abord l'emplacement du boulevard de la porte Beucheresse et les terrains vagues adjacents, où M. Hardy de Lévaré fit transporter les terres du canal allant de la fontaine du Palais à celle de Saint-Tugal. « Suivant les apparences, écrit Pichot de la Graverie en 1740, la place changera de nom, M. de la Villaudray ayant le projet de faire abattre le boulevard, de remplir les deux fossés et de faire une place très vaste, ce qui seroit d'une grande beauté et d'une grande utilité et abrégeroit beaucoup le chemin tendant à la place du Gast et à la halle aux toiles. » Le travail se fit, mais la place, qui fut complétée, plantée de tilleuls et garnie de bancs par un second maire nommé Hardy, garda son premier nom. Considérablement agrandie par la suppression des murs de ville dans cette partie et par la démolition des maisons de la rue des Curés, elle a été dégagée récemment par la destruction des rues et ruelles qui la séparaient de la place du Palais avec laquelle elle communique aujourd'hui largement.

La Chiffolière ou Chevolière, place actuelle de l'Hôtel-de-Ville, n'était, jusqu'au XVIIe s., qu'un vaste marécage où se déversait le ruisseau du Rateau actionnant un moulin qui n'a été supprimé qu'en 1688. Une rue de l'étang avec « poncel pour aller à la Chiffolière » est citée en 1383. La construction du Pont-Neuf, de l'hôtel de ville, de la rue Joinville, la régularisation du lit de la Mayenne, l'ouverture des promenades de Changé, ont transformé complètement ce quartier, devenu le plus aéré et le plus gai d'aspect de toute la ville.

La petite place Saint-Tugal — aujourd'hui place des Arts — donnée vers 1340 au chapitre par Guy X pour l'obit de Jeanne Balourde, sa sœur bâtarde, n'était qu'un simple carrefour agrandi par la suppression de l'église, acquise et pavée par la municipalité en 1801.

La place de Hercé a été obtenue par la démolition du couvent, de l'église et de l'enclos des Bénédictines, 1817.

L'acquisition de la propriété de la Perrine a été pour la ville une occasion heureusement saisie de réparer la faute commise précédemment en laissant tomber aux mains de spéculateurs les terrains vallonnés de Bel-Air. Ce jardin tranquille, souvent solitaire, offre un genre d'agrément que ne procurent pas les squares de la basse ville par la vue délicieuse dont on y jouit. Une charte du 3 mars 1293 (v. s.) publiée par M. Richard (Bull. hist. de la M., t. IV, p. 335) nous apprend que cet « herbergement ou manoir » appartenait à « Gefrey de Perrené » et à ses deux fils, Geoffray, clerc, et Hamelin, qui l'habitaient.

Fontaines, eaux. — Les Cordeliers utilisèrent les premiers les sources de la Valette à la fin du XIVe s. En 1485, les habitants accordent une indemnité au prieur de Saint-Martin pour le dommage causé à ses prairies par la pose de conduits en bois qui furent remplacés par des tuyaux en plomb pendant le rude hiver 1506-1507 où, vu la cherté du vin, « boyre eau plusieurs sont ensserrez », dit G. Le Doyen. On mentionne aussi en 1522 la fontaine Péanne et celle de Peille-Chèvre, au faubourg Saint-Martin ; celle de Mirecou, en 1595, au Pont-de-Mayenne. La principale fontaine entourée d'un bassin était au milieu du pavé de la place du Palais ; elle avait trois bouches et déversait son trop-plein dans la fontaine de Saint-Tugal qui elle-même alimentait celle de Mirette adossée à une tour extérieure de l'enceinte. La décoration architecturale des fontaines se fit plus tard du produit des boues de la ville. Aussi lit-on sur la fontaine de Mirette : Ex luto fit aqua ; ædilibus Petro Letourneur, Carolo Frin, M. DCC.XXXVII ; œdificavit Carolus Levrot ; — et sur celle de Patience

Quæ lutulenta fui multo prius hausta labore Jam pura et facilis civibus unda luo.

Prætoribus urbanis : Le Pennetier des Salles, Pichot de la Graverie, Enjubault de la Roche, Barbeu de la Couperie, Le Jay des Atelais, Le Clerc de la Galorière, Frin du Guiboutier, anno Domini M.DCC.XLI.

Celle du Palais portait l'inscription

Anno Salutis MDCCXLI, Regni Lud. XV, XXVI, ætatis XXXI, Comitis Lavali I, hunc fontem vetustate destitutum restitutis canalibus instaurari, amplificari, decorari curaverunt prefectus ac civitalis sindicus.

En 1761 on la transféra sous la chambre du conseil et on creusa des canaux voûtés de 4 pieds de haut allant à la place Saint-Tugal (architecte Tellot). C'est cette canalisation sans doute qu'on a retrouvée accidentellement en 1838, en face du palais actuel. La fontaine du Puits-Rocher, connue sous le nom de Fontaine du Hameau en 1516, fut réédifiée sans inscription vers la fin du XVIIe s. Celle de la rue Saint-Martin, construite par Jean-Baptiste Tellot, inaugurée solennellement le 12 septembre 1810, porte : Anno Domini M.DCCC.X, | imperante jam septimo anno Napoleone magno, | Provinciam administrante | Nicolao-Francisco Harmand, baronio imperii, | Fontem hunc | Hieronimus-Carolus Frin de Cormeré, municipii præses, | et Stephanus Boudet, eques, antecessor ejus, | Magnæ civium utilitati consecrarunt.

Les fontaines de la place Hardy et du Val-de-Mayenne datent de 1839, celle de la rue de Beauvais, alimentée par la source du Meurger, de 1849.

Le 16 décembre 1866, la ville, qui avait obtenu, par acte du 23 mars 1864, l'usage du barrage d'entre les deux ponts, passa traité avec un concessionnaire qui se chargeait de monter une machine élévatoire pouvant donner 3.000 mètres cubes d'eau par jour et d'exécuter tous les travaux de canalisation. Dès l'origine, il y eut 20 bornes fontaines, 70 bouches d'arrosage pour les rues et 20 pour les jardins publics. A partir de 15.000 fr., les abonnements bénéficient pour moitié à la ville ; la concession est pour cinquante ans. En temps d'écourue une machine supplée la turbine. Le château d'eau, d'une contenance de 3.100 mètres cubes, en deux réservoirs, est au-delà du Gué-d'Orgé, derrière l'hôpital Saint-Louis.

Pont-Neuf. — Le premier projet d'un second pont date de 1758. Il avorta parce que, sur la dépense totale estimée à 350.000 , la ville ne voulait prendre à sa charge que 82.000  alors que l'intendant en exigeait 121.000. En 1767 ce fut l'opposition des fabricants et lavandiers dont on voulait prendre quelques prairies qui recula encore l'exécution. Le plan d'une nouvelle traverse pour la route de Paris à Rennes avec pont à la Chiffolière, présenté au conseil de la commune par l'ingénieur Bourgeois, le 12 floréal an III, n'aboutit pas plus. Une loi du 27 décembre 1809 décida enfin la question, mais la première pierre du pont ne fut posée encore que le 15 août 1812, avec une inscription emphatique à la louange de l'empereur. MM. Deslandes de Lancelot, ingénieur, Samoal de la Ragotière, sous-ingénieur, dirigèrent les travaux, exécutés par M. Chauveau, entrepreneur. Chacune des trois arches en anse de panier a 20 m. d'ouverture. Livré au public le 1er janvier 1824, il fut soumis au péage jusqu'au 15 mai 1838. — Le viaduc, jeté sur la Mayenne au-dessus de Bel-Air pour le passage de la voie ferrée de Laval à Brest, fut mis à l'adjudication, ainsi que la construction d'un remblai d'une longueur totale de 1.055 mètres, le 28 avril 1848, sur une mise à prix de 2.050.000 fr. Ce monument hardi, commencé au mois d'août 1854, sur les plans de M. Caillaux, ingénieur des ponts et chaussées, exécuté par M. Hunebelle, entrepreneur, est composé de 9 arches en plein cintre de 12 m. d'ouverture, placées : une sur la rive gauche de la Mayenne, sous laquelle passe le chemin de halage, cinq sur la rivière et trois sur la rive droite, couvrant la promenade et la route de Changé. Sa longueur est de 180 m. et sa hauteur totale, de 29 m. depuis la fondation jusqu'au-dessus du parapet, est de 25 m. au-dessus du cours ordinaire de la rivière et de 22 m. 50 au-dessus des promenades. Il comprend 24.300 mètres cubes de maçonnerie, dont 8.500 de granit taillé du pays formant les parements extérieurs. Une passerelle adossée au viaduc a été construite en 1866 pour relier les deux rives de la Mayenne.

Ports. — Quoique la rivière fût bordée presque partout de prairies, on y avait cependant réservé plusieurs ports pour le trafic par eau. Le grand et le petit port de Saint-Julien sont régulièrement affermés depuis 1580. De 85  à cette date ancienne, le loyer annuel s'était élevé progressivement jusqu'à 650  en 1670. On fit au XVIIIe s. de grands travaux pour rétablir le mur de soutenement. — Le port des Vallées était situé sur la rive droite. En 1753, M. Salmon, directeur du comté, fut autorisé à pousser les enchères jusqu'à 7.000 , afin de s'assurer ce port pour le dépôt et l'embarquement des fers du Port-Brillet et se dispenser de passer la ville et le pont. Le prieuré d'Avénières avait aussi son port. Le Port-Lamarre, à Panlivard, est mentionné en 1661, 1767 ; le Port-Housseau en 1741 ; le Port-Brochard sur le plan de 1753. Depuis la canalisation de la rivière et la construction des quais, on a réservé sur les deux rives trois vastes ports où l'herbe pousse en liberté.

Les moulins de Laval, mentionnés dès le XIIe siècle, étaient sur la rive droite de la rivière. Celui dit les Trois-Moulins s'appuyait sur la dernière arche du Vieux-Pont, du côté de la ville, et en raison de cette situation le barrage était parallèle au cours de l'eau avec déversoir au milieu. La cour, bien en contrebas, qui le séparait du Val-de-Mayenne fut garnie, en 1743, d'une palissade pour la sécurité des passants. Il fut mis en vente natt le 1er floréal an VII sur le comte de Laval et détruit en 1862.

Les moulins à blé et à drap de Belaillé étaient placés sur une chaussée, un peu au-dessous du pont, en face des Éperons. Le 25 octobre 1382, Guy de Laval et Louise de Châteaubriant, sa femme, donnèrent sur les moulins foullerés de Laval 60  de rente à l'église de la Trinité pour services religieux. Les deux moulins à blé de Belaillé furent mis en vente natt le 26 floréal an V, et les moulins à foulon, contenant 10 piles et par derrière 10 loges où étaient placées les chaudières pour lessiver le linge, le 1er floréal an VII. Ils furent supprimés ainsi que les maisons de la rue de Rivière qui les environnaient en 1850, pour la construction du quai d'Avénières. Les moulins, un des plus beaux produits du comté de Laval, étaient affermés en 1779 : les Trois-Moulins, 2.333 , et ceux de Belaillé, 2.000 .

Un moulin à gruau fut construit en 1720 au bas de la place du Gast, sur le ruisseau du Bourg-Hercent.

Cercles et sociétés. — Le cercle de la rue des Chevaux fut installé en 1755, dans un jardin appartenant à M. Le Clerc de Vaumorin, à l'instigation de Pichot de la Graverie, juge civil, qui se proposait par ce moyen de rétablir l'union entre les officiers des différents sièges et les principaux habitants divisés par l'établissement du tarif. Le nombre de ses membres, pris dans les rangs du clergé, de la noblesse, des officiers et des négociants, fixé à soixante-douze par les statuts que M. Pichot, élu secrétaire et président, fut chargé de rédiger en 1755, fut porté à quatre-vingts l'année suivante. Le savant auteur des Sentences ajoute : « On y fait venir les gazettes, journaux et mercures, on a dessein d'acheter les plus beaux et les plus utiles dictionnaires, ceux de Trévoux, Moréri, etc., on y tiendra des conférences utiles, agréables et curieuses, et peut-être qu'un jour on y pourrait former quelqu'espèce d'académie ». On se réunissait les jours de nouvelles depuis l'ouverture de la poste et les autres jours depuis trois heures après midi. Pour se conformer à la loi sur les associations, M. François Martin de Ligonnière vint en faire la déclaration devant le bureau municipal, le 23 avril 1792. D'autres sociétés s'étaient formées à la fin du XVIIIe s. et firent leur déclaration en 1792. Le 11 novembre, Emmanuel Boullevraye et Jérôme-Frin Cormeré déclarèrent que leur société, composée de cent vingt membres, se réunissait à toute heure dans un jardin affermé par Mme veuve Letourneur ; Paillard-Houissière et Boullevrais firent une semblable déclaration pour un groupe de cinquante membres, qui tenait ses séances à toute heure dans un jardin du citoyen Launay, à Bel-Air. — Une société littéraire était installée, 1789, dans l'hôtel de Farcy, qu'elle louait 680 . — Société royaliste, se réunissant dans les jardins de Beau-Soleil, 1815. — Société d'horticulture, fondée en 1846, à laquelle le conseil municipal accorde une somme de 300 fr. en 1856, et promet une subvention annuelle de 200 fr. — Société de l'Industrie de la Mayenne, créée au mois de juin 1851, composée de : MM. Descepeaux, président, Lefizelier et Léon de Chalais, vice-présidents, Baptiste Couanier, trésorier, et Chamaret, secrétaire. Il lui fut adjoint, par décision ministérielle du 8 décembre 1852, un laboratoire de chimie destiné à faire l'analyse des minerais qu'on lui présenterait. La société organisa l'exposition de 1852, à laquelle prirent part, outre la Mayenne, les départements d'Ille-et-Vilaine, de Maine-et-Loire, de l'Orne et de la Sarthe, le concours régional de 1854, l'exposition de 1857, etc. Ses travaux paraissaient dans des bulletins dont la collection forme quatre volumes (Godbert, in-8°).

La Commission historique et archéologique, instituée par arrêté préfectoral du 17 janvier 1878, nomma dans sa première séance, 21 février, MM. Floucaud de Fourcroy, ingénieur en chef, président, Dulong de Rosnay, vicaire général, vice-président, J. Lefizelier, secrétaire-général, et Duchemin, archiviste du département, secrétaire. Ses publications trimestrielles forment deux séries, la première en cinq volumes, depuis sa création jusqu'en 1888, la seconde comprend tous les bulletins parus depuis cette époque. Cette collection est une mine précieuse de documents où peuvent puiser abondamment tous ceux qui s'occupent de notre histoire locale.

Société des courses, fondée en 1888 par M. d'Elva, député. — Sociétés diverses de secours mutuels, et cercles politiques.

Jeux de paume. — Sans parler du « jardin du Tertre-Mauvoisin, où estoit le jeu de paulme », en 1478, du jeu de paume de la cour des Renards, au faubourg Saint-Martin, appartenant en 1589 à Julien Bordeaux, et de celui de l'hôtel de la Perle, exploité en 1646 par Jean Girandeau, on connaît plusieurs anciens établissements de cette nature.

Le jeu de paume du Pont-de-Mayenne, situé rue des Trois-Croix, appartint à Gervais Lebigot puis à Jean Baucourt, son gendre, qui fit construire des « balets » et même des galeries autour de la lice et en obtint la conservation « parce que l'exercice dudit jeu devenoit inutile faulte desdites avances ». L'établissement, saisi sur Mathieu Baucourt, petit-fils du précédent, en 1615, échu en 1689 à la succession de Jean Aubaudière et de Françoise Baucourt, acquis par Jacques Hoisnard, 1730, était exploité par Jean-François Petit, originaire de Paris, 1765, et par Jean-François Bert, de Châlons-sur-Saône, 1780.

Le grand jeu de paume, situé en Avénières, au fief de l'Épine, appartint à François Verger, avant 1625 ; Jean Verger, prêtre, en vendait la septième partie 550  à un maître lavandier, en 1635 ; et Sébastien Frin du Guiboutier en devint acquéreur en 1659, après retrait lignager d'un parent sur Barthélemy Le Hirbec, qui lui-même avait acheté en 1653 pour 2.000 .

Le jeu de paume de la Trinité, au carrefour de la rue actuelle du Jeu de Paume et de la ruelle de l'ancien minage, sur une partie duquel fut construite l'hôtellerie de la Perle et qui appartint d'abord à Denis Le Clerc, eut pour maîtres-paumiers : Denis Moreau, 1704 ; François Moreau, mort avant 1741 ; Aurat-Chauvinière, 1747, et servit de théâtre jusqu'en 1823.

Hôtelleries. — La nomenclature suivante ne saurait être complète ; elle est toutefois assez considérable pour offrir quelque intérêt.

Le Bœuf-Couronné, au faubourg du Pont-de-Mayenne, appartient à Anne Bigot, veuve de Jean Paré, 1668 ; Louis Hubert l'acquiert, 1675. — La Boule-d'Or, en Saint-Vénérand, 1733. — Le Cheval-Blanc, au Carrefour-aux-Toiles, avait appartenu à Claude Foucault, sieur de la Montagne, puis aux héritiers de François Chapelle, sieur du Deffay, 1690, 1694. — La Croix-Blanche, rue de Paradis, à François Gombert, 1669, à Guillaume Graffion, 1717 ; distinct du logis de la Croix-Blanche, rue de la Porte-Beucheresse, 1596, 1600. — Le Chêne-Vert, 1692. — Le Cœur-Royal, 1646 ; appartient à Luc Pottier, 1698, à Augustin Pottier, 1760. — La « maison et hôtellerie nommée Lohéac, où pend pour enseigne la Cloche », au carrefour Mazure, joignant le presbytère de Saint-Tugal, est baillée à rente pour 100 , en 1624, par Pierre Guays, lieutenant au siège des exempts. — La Croix-de-Malte, au Carrefour-aux-Toiles, 1761. — La Croix-Verte, tenue par h. h. Thomas Mauget-la-Fortune, 1610 ; par h. h. Denis Crosnier, qui faisait en outre le commerce de tuffeaux, 1621 ; par « Monsieur » Engoulvent, 1687, et par la même famille, en 1748. — Le Dauphin, au Carrefour-aux-Toiles ; une pierre sculptée d'un dauphin sous l'entablement du côté de la rue de ce nom, porte les initiales B. D. avec la date de 1607 ; tenu par Jean Ragareu, 1617 ; par Noël Prioleau, 1677 ; N. Brillet en fait le retrait lignager sur le sieur Lainé, 1751. — Le Duc-d'Anjou, 1747, situé place Hardy, 1770. — Le Duc-de-Bretagne, rue du Val-de-Mayenne, proche les Trois-Moulins, 1759. — L'Écu-de-France, au carrefour du Puits-Rocher, dont est « seigneur et oustelier » Macé Chevalier, 1505 ; Macé Arnoul, sieur du Manoir, qui l'avait acquis sur Marin Bougler, le revend à Noël Gaudin et Jean Delaunay, 1595 ; l'emplacement et tout l'espace, depuis le Chapeau-Rouge jusqu'au Puits-Rocher, fut vendu de nouveau en 1603 ; enfin la maison de l'Écu-de-France, alias la Coquocquelle, est acquise en 1668 par Jean de la Porte, sieur du Manoir, sur Jeanne Emond. — La Fleur-de-Lys, située près des Jacobins, est tenue par h. h. Jean Heaulmé-Orvillette, 1606 ; par Robert Gombert, 1644 ; par Pierre Gombert, 1668, 1685 ; par Pierre Dondeau, 1719 ; par Guédon, 1763. — La Fontaine, au faubourg de Beucheresse, tenue par h. h. Guillaume Lebascle, 1624 ; par François Fardeau, 1676 ; par Gabriel Marcadé, 1748 ; appartient à la succession de François Chapelle, sieur du Deffay, 1690. — La Galère, paroisse de la Trinité, proche les halles, à Jean Le Clerc, sieur de la Roussière, 1716, 1728. — L'If, au faubourg Saint-Martin, 1749. — La Licorne, paroisse de la Trinité, 1694, 1754. — Le Lion-d'Argent, rue du Pont-de-Mayenne, 1750, 1753. — Le Lion-d'Or, en Saint-Vénérand, 1678. — Le Petit-Louvre, ou le Louvre, en Saint-Vénérand, tenu par René Roujau, maître pâtissier, 1666 ; par Jacques Guédon, 1778. — Le Pigeon Blanc, au Val-de-Mayenne. — La Perle ou les Trois-Perles, près de Saint-Tugal, appartenant à Denis Le Clerc de Vaujuas, 1644, 1665 ; tenue par la famille Rojou ; Marie Rojou, épouse de François de la Vaupierre, qui prend bail, 1665. Le 15 décembre 1695, il s'y tient un conseil de guerre présidé par le comte de Fienne, pour juger un dragon accusé de faux-saunage. Le pensionnat Mary-Beauchêne fut élevé sur l'emplacement de cette hôtellerie. La maison de la Table-de-Marbre joignait la Perle. — Le Plat-d'Étain, à Saint-Vénérand, 1720. — La Pomme-de-Pin, au Pont-de-Mayenne. Hubert de Champagne y signe en 1667 l'acte de vente de la seigneurie de Saint-Berthevin. — Les Renards, dans la grand'rue du faubourg Saint-Martin, 1612, 1634. — Sainte-Barbe, en Saint-Vénérand ; y sont hôtes : François Émond, 1600 ; Hugues Ricoul, 1638 ; Jean Trutin, 1670 ; Michel Briand, 1689 ; Jean Turpin, 1701 ; René Paré, 1751 ; Ambroise Lelièvre, 1770. Il y avait aussi une maison de Sainte-Barbe, près Saint-Tugal, 1671. — Saint-Jacques, ou l'Écu-de-Saint-Jacques, ou l'Image-Saint-Jacques, en Saint-Vénérand, tenu par Marcel Maréchal, 1668 ; par Ch. Tourtault, mari de Marguerite Maréchal, 1701 ; par Michel Pineau, dont un enfant a pour parrain M. de Farcy, 1702 ; par René Le Clerc, 1714 ; par Julien Maréchal, 1718 ; Gabriel de Lancrau en donne bail pour 200  en 1739. — Saint-Martin, 1757. — La Sorbonne, tenue en 1714 par les filles Jacquet et dénoncée par René Pichot de la Graverie comme un lieu de perdition pour la jeunesse. A la suite de la fin malheureuse de M. Bégeon de Villeminseul, le même auteur ajoute : « Belle instruction aux jeunes gens de cette ville adonnés au vin et au jeu et qui fréquentent la Sorbonne, école malheureuse qui renversera la fortune des meilleures familles, occasionnera de temps en temps de semblables malheurs et a été la seule cause de la perte du sieur de Villeminseul (1731) ».

La Tête-Noire joignait l'enclos des Jacobins et donnait comme aujourd'hui sur la rue du Pont-de-Mayenne. Anne de Lachenal, abbé de Bellaigues, conseiller et aumônier du roi, y meurt le 15 septembre 1589 ; h. h. Pierre Marais l'afferme pour 60 écus en 1593 ; il avait fondé une messe par semaine à l'autel de « Saint-Onuffre » ; h. h. Jean Le Taillandier, mari de Jacquine Marais, demeurant à Neau, le vend en 1615 à Rolande Deboessel ; Étienne Debonnaire, sieur de la Laizerie, en donne bail pour 200  par an, 1633 ; Melaine Pacquard en est propriétaire, 1668 ; puis Maxime Anceny, mari de Catherine Pacquard, directeur des postes de Laval, 1683, qui vend en 1725 pour une rente foncière de 550  à Christophe Baumier. M. Bernard de la Fregeolière dit que la Tête-Noire était le rendez-vous des Chouans. — Les Trois-Jumeaux, en Saint-Vénérand, 1718. — Les Trois-Rois, près la Porte-Beucheresse, 1586. — Les Trois-Trompettes, 1662, 1755.

Le Manoir-Ouvrouin fut, avec l'aumônerie Saint-Julien et le Cimetière-Dieu, l'un des noyaux de l'agglomération qui forma le faubourg du Pont-de-Mayenne. Vers 1340, Jean Ouvrouin y construisit une sorte de château, avec portail, tours et enclos, que le baron de Laval offusqué rasa en partie. Ouvrouin se vit même quelque temps détenu dans les prisons de Vitré. Mais une bonne paix se fit et le vassal resta l'ami de son suzerain. La demeure des Ouvrouin avait à la fin du XVe s. portail, tourelle et chapelle. Son titre de seigneurie ne date toutefois que du mois de janvier 1490 (n. s.), où se fit le premier censif de la terre ; mais le domaine qui constitua son fief avait été morcelé depuis longtemps par « baillées » successives à des particuliers qui y construisirent les maisons des rues de Paradis, du Hameau, de Saint-Michel.

La maison dite à tort ou à raison du Grand-Veneur, située au haut de la Grand'rue, si elle avait conservé intacts tous les ornements de sa façade, serait une des œuvres les plus délicates de la Renaissance dans notre pays. Les trois fenêtres géminées, superposées, que couronne un fronton triangulaire, encadrées de bordures d'un travail fini et varié, orneraient dignement les plus riches édifices du même style. Les tuiles faîtières dont les personnages et les animaux grotesques se détachaient en ligne bizarre, il y a quelques années à peine, sur le sommet de ce toit élevé, étaient un rare spécimen d'un art local. Elles sont heureusement recueillies en partie au musée. M. L. Palustre, qui n'admet pas que Laval ait produit aucun artiste de la Renaissance, qui fait venir de Touraine Jamet Neveu lui-même, pourtant si bien établi à Laval, attribue la maison du Grand-Veneur à un architecte étranger. Jusqu'ici aucun document n'est venu éclairer l'histoire de cette jolie demeure.

Il y avait aussi à Laval un grand nombre de maisons plus ou moins remarquables et connues traditionnellement chacune sous un nom rappelant sa destination, son histoire, son premier propriétaire, son enseigne. On ne peut qu'indiquer les plus souvent citées, en parcourant rapidement les divers quartiers. C'étaient les maisons de Sumeraine, au Val-de-Mayenne, de Clermont et de la Drouairie, près de la Trinité ; la dernière habitée successivement par les Audouin, les Cazet, les Turpin de la Théardière ; les greniers de Rigoyau, donnés par François de Laval au sieur de Beaumanoir (1471) au haut de la rue Renaise ; dans la Grand'Rue, celle des Trois-Poteaux, du Chêne-Vert, des Fuseaux, du Sauvage, des Trois-Croissants, devenue en 1649 du Pilier-Vert ; la Croix-d'Or, à la famille d'Houlière, rue des Serruriers ; autour de la place du Palais, le Coq-Hardi, le Doyenné, la Cour des Comptes, la Bazoche, la Maison-Verte, le Grand et le Petit-Montjean. Au Pont-de-Mayenne, les maisons du Marteau, de la Seraine, du Porc-Épy ; celle de l'Armurerie, qui fut acquise par la confrérie du Saint-Sacrement, devint le Séminaire, puis provisoirement le couvent des Ursulines. Au faubourg Saint-Martin, la maison du Contrôleur, appartenant à Louise Berset, 1677 ; la Mine-d'Or, rue Sainte-Catherine, etc., etc.

Beauregard. — Ancienne oisellerie des seigneurs de Laval, donnée par Guy XVII à François de Laval, évêque de Dol, et depuis reconsolidée au domaine du comté. Dlle Ursule Charlot voulut en 1716 y établir une maison de retraite et, malgré les refus d'autorisation de la municipalité, fit construire une chapelle et la dota le 11 février 1718. Une délégation de la maison de ville s'y transporta le 17 mai 1719 et protesta contre toute tentative de nouvelle fondation de communauté. L'œuvre n'eut pas longue vie. La fondatrice laissa, par testament du 8 mars 1725, sa chapelle à M. Fréart, curé de la Trinité, son neveu, qui aimait ce lieu de retraite et y mourut en 1741. Le 22 mai 1776, dame Madeleine-Marie-Agathe-Renée de la Bigottière, veuve d'Olivier-Joseph Le Gonidec de Tressan, donna à rente foncière à M. Guillet du Préaux, les lieu, closerie et jardin de Beauregard, avec les haies, bois, fossés et clôtures, plusieurs maisons. L'acquéreur rétrocéda le 24 mai 1783 tout l'objet de ce contrat à Nicolas-Étienne Besnier de Chambray qui, en 1817, y élevait de beaux bestiaux et une belle espèce de chevaux. Une partie de l'enclos a été acquise par M. Guays des Touches pour l'établissement d'un cercle d'ouvriers, en 1866.

Bel-Air. — Cette jolie propriété, arrentée pour 420  en 1768, par François-Marguerite Dupont, conseiller au parlement de Rennes, mari de Louise-Thérèse-Marguerite Lasnier, héritière de Marguerite Fleuriot, à François Delaunay de Fresney, qui la disposa et la planta avec goût, a été vendue par les héritiers de M. Le Clerc d'Osmonville à des spéculateurs qui l'ont morcelée. Annexée aux promenades de Changé, elle eût fait de ce quartier la plus charmante des promenades.

L'Ile. — Quand, après la construction du Pont-Neuf, on détourna le lit de la rivière, on laissa subsister jusqu'au vieux Saint-Louis un canal. L'espace compris entre ces deux branches de la Mayenne se nomma l'Ile et resta attaché à la paroisse de Saint-Vénérand. Il eût été possible encore d'acquérir les quelques maisons construites dans cet îlot à l'époque où se créèrent les promenades de Changé. Mais, depuis, des constructions coûteuses et luxueuses s'y sont faites qui empêchent pour toujours le dégagement de ce quartier.

Plans. — Le plus ancien plan de Laval et des environs fut dressé en 1753 pour faciliter l'exécution du tarif. Il a, dit M. Duchemin de Villiers, 4 pieds de largeur sur 3 pieds 10 pouces. Il est dessiné et colorié grossièrement. Une réduction en a été publiée dans la notice administrative de M. Vigneron (1878). M. Beauvais s'en servit pour faire un plan visuel tout d'imagination (1863), qui a été lithographié par A. Deverdun. En l'an VIII et en 1809, le plan original fut copié avec les modifications subies par la ville depuis 1753. L'hôtel de ville avait donné commission le 11 janvier 1788 à deux experts pour dresser un plan nouveau, afin que les alignements assignés par les officiers de police ne puissent être modifiés par les sollicitations. En 1838, on annonce que le plan cadastral par masse d'îlots va être remplacé par un plan parcellaire qui sera exécuté par MM. Lacrière et Demeré. Enfin, au mois d'août 1843, l'architecte-voyer est chargé de faire la triangulation d'une partie de la ville et, un an plus tard, il reçoit ordre de poursuivre son travail. Depuis un plan d'alignement, rue par rue, a été dressé en 1883, par l'agent-voyer, M. Marchand, et approuvé par arrêté du 29 août 1884.

Ancien chartrier de Laval. — Les archives du comté, inventoriées et mises en ordre par le sieur Trois, 1748-1749, étaient rangées dans une salle du château, en vingt-quatre tiroirs, portant les titres suivants d'après un état dressé en 1779 : forêts ; titres généraux et domaniaux du comté ; gouvernement de la ville, hôpitaux ; officiers du comté ; consularité, police ; hôtel de ville ; eaux et forêts ; offices des notaires ; offices royaux ; conflits de juridiction ; imprimés d'arrêts et règlements ; coutume et prévôté ; minage, poids et mesures ; banalité ; déshérence et bâtardise ; droits sur les vins ; droits sur les toiles ; forge du Port-Brillet ; prisons, foires, marchés, port des Vallées, halles. Puis venaient les titres généraux des onze châtellenies, et ceux des fiefs mouvants de chacune d'elles, paroisses par paroisses, châtellenies de : Laval, Saint-Berthevin, Bazougers, Courbeveille, la Gravelle, Montjean, Montsûrs, Meslay, Olivet, Vaiges, Saint-Ouen.

Le sieur Carré inventoria, 1749, les anciens papiers du greffe, minutes et protocoles des notaires, qui furent placés dans le nouveau greffe du palais (Chartrier de M. le duc de la Trémoïlle, Conseil de tutelle).

Le Clerc du Flécheray, Description du comté de Laval. — De Boulainvilliers, État de la France, t. VI, p. 148. — Frin du Guiboutier, Mémoires concernant la ville de Laval. — Hérissant, Recherches historiques sur la France, t. I, p. 401-434. — Guillaume Le Doyen, Annales et Chronicques. — Vincent Queruau, Histoire de Laval et de ses seigneurs. — Le Blanc de la Vignole, Mémoires et preuves pour l'histoire de Laval. — Maucourt de Bourjoly, Mémoire chronologique, continué par divers. — Duchemin de Villiers, Essais historiques sur la ville et le pays de Laval. — Stéphane Couanier, Histoire de Laval. — Isidore Boullier, Recherches et Mémoires. — De la Sicotière, Lettre à M. de Caumont sur les monuments de Laval. — Pierre Le Baud, Histoire de Bretagne, avec les chroniques des maisons de Vitré et de Laval, continuées par Jean Gesland. — Charles Meignan, brochures et articles divers. — Chartrier de M. le duc de la Trémoïlle.