Alleaume (saint) - Tome I
Alleaume (saint), ermite et fondateur de l'abbaye d'Étival. Son histoire repose sur les documents les plus authentiques ; la vie de saint Bernard de Tyron, écrite par un contemporain, relate avec détails les débuts de sa vie érémitique ; les titres conservés du chartrier d'Etival font connaître son rôle comme fondateur. Les forêts du Maine, sur les confins de la Bretagne, étaient peuplées des nombreux disciples de Robert d'Arbrissel, de Vital de Mortain et de Raoul de la Futaie. Leur renommée se répandant au loin attirait des contrées les plus lointaines les religieux fervents ou les pécheurs convertis. Alleaume vint de la Flandre et fut donné comme compagnon à un vieil ermite, nommé Aubert, qui habitait, croit-on, le lieu nommé plus tard l'Habit d'Aubert en Saint-Ellier. Le vieillard semblait ne connaître que le jeûne et la prière, le disciple gagnait tous les cœurs par son affabilité et servait son maître avec une docilité parfaite. Pourtant quand il eût connu Bernard, le futur fondateur de Tyron, qui était venu occuper un ermitage voisin, il se lia avec lui d'une amitié douce et forte et voulut le rejoindre dans l'île de Chausey ; son tempérament ne put supporter le climat glacial de cette île où il fallait vivre dans des grottes humides, il revint à l'Habit d'Aubert avec l'intention de retourner dans l'île muni de vêtements plus chauds. Mais il trouva le vieil ermite, son compagnon, dans un état navrant ; le chagrin de son absence l'avait jeté dans une démence furieuse, et dans un tel désespoir que, sans l'assistance continuelle de ses frères, il eût attenté à sa vie. Le retour d'Alleaume, le pardon qu'il lui demanda à genoux, la promesse de ne plus le quitter, firent rentrer la paix et la raison dans l'esprit du vieillard. Les supérieurs menacèrent Alleaume d'excommunication s'il tentait encore de s'enfuir. Il recouvra sa liberté quand Aubert se décida à chercher un asile pour ses derniers jours auprès de Raoul de la Futaie, dans la forêt de Fougères. Robert, Vital Bernard et Raoul avaient déjà jeté les fondements de leurs établissements monastiques ou devaient le faire bientôt. Alleaume animé du même esprit se consacra aux mêmes œuvres. Des disciples s'étaient déjà mis sous sa conduite ; il les emmena dans la forêt de la Charnie en un lieu déjà dédié, ou qui le fut par lui, à saint Nicolas. Bientôt les femmes voulurent aussi se consacrer à Dieu sous sa direction. La vallée était trop étroite pour qu’on pût y réaliser une double fondation semblable à celle de Fontevrault. Ce fut alors que Raoul, vicomte de Beaumont, possesseur de vastes domaines dans lesquels était comprise la Charnie, vint de lui-même demander au serviteur de Dieu le secours de ses prières et lui offrir, pour ses moines à Saint-Nicolas, et pour les religieuses à Étival, dans un lieu pourvu d'étangs, le terrain qui convenait à un établissement définitif. Cela se passait en 1109. Les deux couvents ne subsistèrent pas longtemps simultanément. Celui de Saint-Nicolas ne survécut pas à son fondateur, mais les biens qu'il possédait profitèrent à l'abbaye d'Étival qui, sous la conduite de Godéaldis, fille de Raoul de Beaumont, non seulement se perpétua, mais fonda d'assez nombreux prieurés soit au Maine, à Mariette, aux Pins, à Saint-Mesme, à Champfleury, etc., soit en Touraine, à Châteaurenaud et au Boulay, La paroisse de Livet fut donnée à saint Alleaume pour ses filles. Le fondateur après avoir vécu plus d'un demi siècle dans le diocèse du Mans « où il laissa, dit D. Piolin, la réputation d'un docteur et d'un grand prédicateur, mourut le 27 avril 1152 et fut enterré dans l'église d'Etival. » On y vénérait sa statue ; une autre de style très ancien se voit encore dans la chapelle de Saint-Nicolas. Le missel et le bréviaire manceaux font mention de saint Alleaume dans un office spécial. Mais, supprimé en 1835, cet office n'a pas été rétabli dans le propre du diocèse de Laval en 1892. Le disciple, l'émule de Robert d’Arbrissel, l'imitateur de ses œuvres, mérite qu'on salue en lui l'un de ces ouvriers évangéliques qui, ermites d'abord, apôtres et fondateurs ensuite, valurent à un coin de notre sol le nom de Thébaïde ; qui, au milieu d'une société si peu affermie, créèrent des asiles de paix et de sainteté, et furent les précurseurs de saint Bernard et des grandes fondations cisterciennes.
Acta Sanct. 14 avril, dans la vie de saint Bernard de Tyron ; 19 février, vie de Robert d’Arbrissel. — D. Piolin, III, 464, 473. — Mabillon, Annales Ord. S. Bernardi, V, 421, 535. — Pavillon, Vie de Robert d’Arbrissel. — Arch. de la S., fonds d’Etival. — Maan, Ecclesia Turonensis, p. 225. — Couanier de Launay, Légendaire du diocèse de Laval, 231.