Quatrebarbes - Tome III

Quatrebarbes, famille d'ancienne chevalerie angevine, originaire du Poitou, d'après les mémoires domestiques, établie à la Touche de Mée par le mariage de Macé Quatrebarbes avec Jeanne de Brochesac. On peut croire que ce sont les têtes des deux époux qu'on voit sculptées dans l'église de Mée à la pierre formant le support d'une Vierge du XIVe s. et la clef du cintre de l'enfeu de la famille. Jean Q., issu de cette alliance, épousa Jeanne Cheorchin, qui lui apporta les terres ou fiefs d'Ampoigné, la Motte-Sorchin, le Genest, d'autres encore en Cosmes, Cossé, Astillé. Cette branche aînée s'éteignit deux générations plus tard, ayant payé son tribut sur les champs de bataille, particulièrement à Verneuil. « La qualité de chevalier que prirent ces aînés, écrit le marquis de Quatrebarbes, persuade avec beaucoup d'apparence les charges et emplois qu'ils ont eus ; mais leur mémoire est privée de cet honneur par le désordre que nous voyons dans les familles tombées en quenouille. »

Le second fils de Jeanne de Brochesac, nommé Macé, comme son père, marié à Louise de Bouillé, eut aussi une nombreuse postérité, alliée, ramifiée et possessionnée au Maine (V. les art. Champagné, Verger de Chemazé, Thorigné, Thévalle, Courtaudon, le Bois de Denazé).

Mais la branche la plus mayennaise et la plus vivace est issue de Maurice de Q., fils lui aussi de Macé de Q. et de Jeanne de Brochesac. Il commandait une compagnie devant Cambrai et Douai, juin et juillet 1340. Il épousa Aliette de la Rivière et fut seigneur de la Rongère. Pierre, son fils, Jean, son petit-fils, les enfants de ce dernier, dont les quatre aînés périrent à Verneuil, furent toujours sous les armes. Jean, qui survécut, fut aussi « employé toute sa vie, atteste Charles VII, pour débouter les Anglais d'Anjou et du Maine, ainsi qu'avoient fait ses prédécesseurs. » Il eut le titre de chambellan du roi. Parmi les fils qu'il eut d'Isabeau Frézeau, René fut docteur en théologie et chanoine d'Albi ; Louis, curé de Fontenay, prieur de Saint-Malo des Mées, testa le 14 juin 1502 en faveur de l'église de Saint-Sulpice et des Dominicains de Laval ; Jean fut maître des requêtes : Pierre offensa par un refus « une fille de qualité qui espéroit l'épouser », et qui l'empoisonna. Il languit toujours depuis, et l'un des fils qu'il eut de Renée de la Jaille, imitant son père, refusa de se rendre au jour convenu à une réunion où devait se conclure son mariage avec une fille de la maison du Bouchet. Le frère de cet inconstant n'eut point d'enfants de Julienne Le Porc.

La branche de la Rongère, continuée par les descendants de Guillaume de Q., frère de Pierre susdit, mari de Guillemette Rossignol, donna Louis, tué à Ravenne. François, son fils, « né au signe d'Ariès, le 7e jour de la lune, » ce qui est, paraît-il, un mauvais présage, eût ruiné sa maison s'il eût vécu ; pourtant, il l'éleva encore par son alliance avec Olive de Brée, dame de Saint-Denis-du-Maine. Issu de ce mariage, Guillaume refusa l'ordre de Saint-Michel que lui offrait Nicolas d'Angennes, protestant que ceux de son nom n'avaient jamais été fait chevaliers dans l'oisiveté. Le prétexte est singulier à une époque où les guerres civiles ensanglantaient le pays. Son petit-fils trouvera et dira que c'est là une mauvaise politique et qu'il faut suivre le cours du temps. Il voulait fonder une collégiale à la Rongère, quand il mourut subitement, le 9 août 1571.

On trouve parmi les collatéraux : Guillaume, né le 26 janvier 1561, gouverneur de Bazouge-sur-Loire, serviteur fidèle d'Henri IV. — Lancelot, tige de la branche de Chasnay, qui eut mission auprès du roi d'Angleterre et laissa des mémoires perdus sur la maison du roi où il avait été employé ; il mourut à Viaunay, le 15 août 1610. C'est lui, je crois, qui est représenté goutteux dans l'un des panneaux peints de la voûte de la chapelle de Viaunay. — Élisabeth, religieuse du Carmel de Baulne, née le 8 janvier 1598, mourut en odeur de sainteté le 1er janvier 1660, comme on l'apprend de son épitaphe et de sa vie imprimée à Dijon en 1861. Elle avait une dévotion spéciale au cardinal de Bérulle. — Pierre, de la branche des Pins de Saint-Pierre-sur-Erve, tué dans la tranchée au siège de Montmédy. — Zacharie, qui se fit tuer au siège de Gravelines (1658) parmi l'élite du régiment.

(René), fils aîné de Lancelot Q. et de Françoise de Cervon, est l'auteur de l'Histoire généalogique de la maison de Quatrebarbes. Les titres de noblesse qu'il présenta en 1635, comme procureur de son père, à M. de Bragelonne, avaient été particulièrement remarqués et loués par le commissaire. M. de la Rongère servit comme volontaire en 1635 dans l'armée du cardinal de Lavalette ; il eut le 12 février 1651 une lettre de petit cachet du roi, datée de Saumur, le priant de s'employer avec ses amis à rétablir la tranquillité en Anjou. Son cousin Zacharie, à cette même date, suivait Henri de la Trémoïlle et les Frondeurs. L'histoire généalogique des Quatrebarbes et de leurs alliés est une œuvre considérable, restée manuscrite et dont on connaît plusieurs copies du XVIIIe s. : deux au château de la Sionnière, une à Angers ; celle de la Bibliothèque nationale se termine à l'année 1699, annotée par d'Hozier. En s'en rapportant surtout aux titres analysés par l'auteur, on y peut trouver et prendre beaucoup pour l'histoire des familles du Maine. M. de Quatrebarbes était en relation avec d'Hozier, comme l'atteste une volumineuse correspondance, et avec l'abbé Le Laboureur, auquel il dédia le premier livre de sa compilation. Le second livre, qui traite des Quatrebarbes de la Rongère, débute par ces mots adressés à l'abbé Jean-Jacques de Longueil : « Je ne me défends point d'un désir commun à tous les auteurs qui, considérant leurs travaux comme un effet de leur esprit, les chérissent d'une manière qui semble l'emporter sur l'amour naturel des enfants auxquels ils ont donné le jour. » L'auteur fait hommage du troisième livre concernant quarante-deux familles alliées aux Quatrebarbes, à Jean-Claude de Preaulx, son beau-frère. La rédaction de René de Q. s'arrête vers l'année 1660. Mais plusieurs articles furent continués brièvement par son fils et même par d'autres mains, après la mort de celui-ci (1703). René de Q., veuf depuis le 30 août 1655 de Jacqueline de Preaulx, mourut après 1662.

== (Hyacinthe), fils du précédent, né le 1er janvier 1644, chevalier d'honneur de Madame, duchesse d'Orléans, marquis de la Rongère, épousa le 14 août 1663 Françoise du Plessis-Châtillon, dame du Boisbéranger, et veuf le 9 septembre 1674, convola avant 1680 avec Marie de Ruellan, fille d'un maître des requêtes, veuve de Claude-Louis de Bucy, marquis d'Esnouville. Il mourut a Paris le 22 décembre 1703 dans l'appartement qu'il occupait en raison de sa charge au Palais-Royal et fut inhumé aux Grands-Augustins. C'était, dit Saint-Simon, « un des plus beaux et des plus honnestes hommes de la cour du grand roi où il passa sa vie, chevalier des Ordres du Saint-Esprit et de Saint-Michel. » La collection de Clairambault sur l'Ordre du Saint-Esprit contient deux portraits au lavis d'Hyacinthe Q. (n. 3.027 et 4.993). Sa sœur, Jacqueline-Louise, fut abbesse du Ronceray, 1701. Deux autres de ses frères, César et Gilbert, servirent comme capitaines de vaisseaux vers la fin du règne de Louis XIV.

== (Élie), oncle du précédent, commença la branche de la Roussardière. « Sa naissance estoit si belle, écrit son frère, qu'on remarquoit également en sa personne l'esprit, la qualité, l'honneur, l'adresse et beaucoup de générosité, néanmoins avec tant de feu que Lancelot, son père, afin de modérer les saillies de sa jeunesse, le donna, dès l'âge de quatorze ans, à Timoléon de Conquessac, sieur du Plessis de Juigné, l'un des meilleurs mestres de camp de son temps, duquel il étoit allié à cause de Madeleine de la Roussardière, sa femme. » Il servit aux sièges de la Rochelle, de Chambéry, de Maëstricht, et rentra dans ses foyers en 1634. De Marie Lelair, dame de Bourgvalais (La Gravelle), qu'il épousa le 19 juin 1648, il eut Alexis de Q. qui, du chef d'Anne du Boul, sa femme, devint seigneur de la Sionnière.

C'est de cette souche que sont sorties les illustrations plus récentes de cette famille antique et toujours vivace : le comte Théodore de Quatrebarbes, à qui M. C. Port a consacré la plus belle page qu'il ait écrite (Dictionnaire de Maine-et-Loire, t. III, p. 206) ; — Bernard de Q., qui laissa l'École polytechnique, dont les portes s'ouvraient pour lui, afin d'aller prendre dans l'armée pontificale la place laissée vide par la mort de son cousin, le bon et brave Georges d'Héliand, et qui, blessé mortellement le 25 octobre 1867 à Monte-Rotondo, continua encore de diriger sa batterie, força l'admiration des Chemises-Rouges et mourut joyeux avec la bénédiction de Pie IX. Son corps repose dans le cimetière d'Argenton. Le marquis de Quatrebarbes, père de l'héroïque jeune homme, eut de Pie IX la croix méritée par son fils ; lui-même rendit d'importants services à son pays par ses études théoriques sur l'agriculture, les encouragements et les exemples pratiques qu'il donna.

Armoiries : de sable à la bande d'argent accompagnée de 2 cotices de même. D'Hozier indique un sceau de Jean de Q., 1372, « où étoit empreinte la figure d'une tête d'homme portant une grande moustache fourchue. » D. Morice donne celui de Jean Q. (1441, Hist. de Bretagne, Preuves, t. II).

Chart. de la Sionnière et de la Rongère, d'après les analyses de M. le comte de Bourmont. — Arch. de M.-et-L., E. 3.705. — Arch. de la M., B. 52, 615, 2.270, 2.309, 2.330, 2.346, 2.372, 2.337, 2.423, 2.496, 2.606, 2.627, 2.673 ; G. 65. — Cab. d'Achon et Pointeau. — C. Port. Dict. de M.-et-L., t. II, p. 604, 635, 770 ; t. III, 76, 196, 206, 290, 338. — Indépendant, 1852, septembre 1865, décembre 1867, septembre 1871. — P. Réau, Vie de Bernard de Quatrebarbes. — P. Chauveau, Souvenirs de l'Ecole de Sainte-Geneviève. — P. Anselme, t. IX, p. 243. — V. les mots : le Haut-Breil (Pommerieux), la Volue, la Motte-Sorchin, Montceaux, la Billonnière, Fontenelle, Viaunay, les Pins.